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Michel Serres et Astérix

Envoyé par Romain Lothaire 
19 septembre 2011, 19:01   Michel Serres et Astérix
J'aimerais introduire cette bande sonore par un commentaire spirituel et détaché, mais j'ai du mal...

[rutube.ru]
19 septembre 2011, 19:10   Re : Michel Serres et Astérix
Ah, il ne faut jamais rater les chroniques de Serres, le soir sur France-Info. C'est du lourd, du très lourd. La persévérance paie, on finit toujours par tomber sur ce genre de pépites.
19 septembre 2011, 20:47   Re : Michel Serres et Astérix
Délire raciste et xénophobe (« les vainqueurs et les collabos de la guerre économique qui nous imposent l'anglais »), remuant de façon comique deux ou trois obsessions ancestrales contre la bande dessinée. M. Serres nous explique qu'Astérix le Gaulois :

1. c'est rempli d'erreurs historiques (il s'agit d'une bande dessinée humoristique !) ;

2. que ce sont des « albums de revanche et de ressentiment » (une aimable satire des trente glorieuses !) ;

3. qu'on y raisonne à « coups de poing comme si la force physique était une solution à tous les problèmes et à tous les maux » (ouais, sauf que, chez Goscinny, la bagarre connote le naturel bon enfant et l'innocence foncière ; les turbulents camarades du petit Nicolas ne sont pas différents des Gaulois d'Astérix).

La célèbre Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence, organisme créé en 1949 dans le but louable d'enquiquiner ceux qui publiaient de la bande dessinée, exprimait les mêmes griefs exactement contre Astérix dans les années 1960. Astérix chez les Goth remuait de façon revanchiste des stéréotypes anti-boches (les Goths ont des casques à pointe !). Et la présence permanente de « bagarres » était, toujours selon la Commission, la caractéristique foncière des mauvais illustrés, qualifiés d'illustrés gangsters.

Là où M. Serres innove, c'est quand il voit l'apologie de la drogue dans la potion magique. (Pas de chance ! Astérix aux jeux olympiques est une excellente fiction... sur le thème du dopage.) Et puis Assurancetourix qu'on empêche de chanter, ce qui symbolise « le mépris forcené de la culture ». Comme disait « le général nazi Hermann Goering : quand j'entends le mot de culture... » Le monsieur n'était pas général mais Generalfeldmarschall puis Reichsmarschall, et il n'a jamais prononcé la fameuse phrase sur la culture et le révolver, qui sort d'une pièce de théâtre.

Tiens, les chroniques de M. Serres sont remplies d'erreurs historiques.
19 septembre 2011, 21:17   Re : Michel Serres et Astérix
Franchement, le plus grotesque, c'est le ton grave avec lequel de pareilles absurdités sont débitées ; Astérix est devenu un sujet des plus sérieux, sur lequel il convient que l'on se penche au plus vite afin de voir ce qu'il en coûterait, moralement parlant bien sûr (l'esthétique, Serres s'en moque éperdument), à nos chères petites têtes blondes (mais pas trop quand même), de lire ces albums : il fallait au moins un académicien pour percer à jour les sombres dess(e)ins de Goscinny...
19 septembre 2011, 21:22   Re : Michel Serres et Astérix
"Franchement, le plus grotesque, c'est le ton grave avec lequel de pareilles absurdités sont débitées (...)"

C'est vrai. Ce pourrait être, tel quel, un sketch de Desproges et on en rirait.
19 septembre 2011, 21:27   Re : Michel Serres et Astérix
Faut avouer. Plus con que ça, tu meurs.
19 septembre 2011, 21:32   Re : Michel Serres et Astérix
Mais qu'est-ce qu'il a fumé, Serres, pour en arriver là ? Ou bien c'est l'âge ? Pourtant il semble avoir toute sa tête.
Astérix et Goëbbels !.. Vous parlez d'une reductio ad Hitlerum ou de "la deuxième carrière d'Hitler" !
19 septembre 2011, 21:35   Re : Michel Serres et Astérix
Je suppose que M. Serres est plus ou moins consciemment sous l'influence du zèbre qui a ébruité tout le mal qu'il pensait des Schtroumpfs, vous savez, la célèbre bande dessinée nationale-socialiste.
Utilisateur anonyme
19 septembre 2011, 21:38   Re : Michel Serres et Astérix
Le vieillissement cérébral, le grand âge venu, peut causer des altérations très sévères du jugement.

Le cas du pauvre Serres en offre un triste exemple.
19 septembre 2011, 21:40   Re : Michel Serres et Astérix
Tiens, c'est l'occasion ou jamais de faire de la publicité aux livres de Nicolas Rouvière, qui, lui, analyse correctement le mythe astérixien, et qui, en jeune chercheur lucide, fait la part des lubies, des superstitions, des paranoïas de l'ère de la rectitude politique.

[www.amazon.fr]
Il est vrai que M. Serres a toujours eu une relation spécifique à l'occupation, lui qui écrivait : "Il y a plus de mots anglais sur les murs de Paris qu’il n’y avait de mots allemands sous l’Occupation". Il est vrai qu'il est plus détaché de cela que M. Goscinny, qui ne savait pas trouver la bonne distance, comme nous le rappelle Rouvière justement cité (en clair, avoir perdu trois oncles à Auschwitz ne vous permet pas d'avoir une vision aussi sereine que la serresque vision).

Je suppose par ailleurs que cette émission est sponsorisée par les conseils du Dr Bonnemaison, car on ne peut, après l'avoir entendue, qu'être ébranlé dans ses convictions contre l'euthanasie.
19 septembre 2011, 22:38   Re : Michel Serres et Astérix
Les deux tiers de ce que dit Serres dans cette diatribe sympa sont justes sémiologiquement. Astérix et sa troupe sont un gang de loosers qui tiennent en respect l'autorité et le droit grâce l'usage de la défonce. Serres est un homme du midi (d'Agen) qui, à certaines occasions, se fait le commentateur de rencontres de rugby. Je me souviens de ce qu'il disait d'une rencontre Agen-Béziers. Agen: c'est la Gaule, le désordre, la dépense inutile, le génie, la perte généreuse, artistique et louable; Béziers, c'est la tortue romaine, le taureau qui est chez lui sur les sols bourbeux, fangeux, qu'il adore piétiner; le taureau-tortue romain, c'est l'organisation, la puissance, la synergie, l'ordre qui piétine la boue avec esprit de système en montrant la féroce efficacité de la civilisation en marche au-dessus de la boue. Personnellement, je l'approuve aux deux tiers, aux trois quarts. Serres est un Romain, et ses arrondissements de certains points d'histoire doivent lui être pardonnés. Tout ce qu'il dit dans ce texte de vulgarisation sur la romanité est historiquement juste.
19 septembre 2011, 22:42   Re : Michel Serres et Astérix
Mais, cher Francis, il s'agit de perversion théorique, c'est tout le problème. Et le pire, c'est qu'il ne s'agit en rien d'une description, mais d'un point de vue moral, normatif sur cette bd. C'est du moralisme mal déguisé en sémio-analyse. Je n'attendais que René Girard, à la fin, pour le barde... On aurait pu avoir la tarte à la crème du bouc-émissaire. Dommage.
19 septembre 2011, 23:08   Re : Michel Serres et Astérix
Certains hommes du Midi qui se trouvent être aussi des hommes de culture et de civilisation (je crois que c'est le cas de M. Serres), ne peuvent se prononcer, sur ces questions, autrement qu'en faveur du Romain contre le Gaulois. Cela peut vous paraître étrange cher Bruno, mais tout le Languedoc et une belle partie de la Gascogne sont peuplés de gens qui tiennent à l'Etat romain, au droit, à l'ordre civilisé, à la culture que l'on n'enchaîne pas à l'arbre dans la cour de ferme, et qui se prononcent contre toute sauvagerie -- soit l'ancienne, la gauloise, comme l'actuelle, allochtone, réensauvagée. Ces populations, traditionnellement, ont voté à gauche pour des raisons qui se rattachent à cette considération: l'Etat romain pouvait tout, et son interprétation du droit valait interprétation de la justice, y compris sociale. Serres s'inscrit dans une tradition qui n'est pas celte, mais romaine. La bande dessinée, vous le savez bien, est toute sémiologie, à la différence de la littérature qui lie les hommes par l'esprit et ainsi ressortent, dans Astérix le gaulois, des clivages de sens que les belles lettres française ou romaines, que Stendhal ou Chateaubriand avaient pu estomper. Dans la bande dessinée, s'exprime un fond anthropologique que Serres, dans ce petit commentaire, éclaire utilement. Pardon, mais c'est ainsi.
Francis,

Comme à l'habitude, votre approche est séduisante, vous êtes en quelque sorte le tentateur de ce forum.

Le point concernant le rapport de l'homme du midi à la culture romaine est très juste. Je pense cependant que vous êtes dans l'erreur en considérant qu'Agen, et par voie de conséquence Serres, sont de ce monde.

Je vois, de mon côté, à ce monde romain la frontière même de la Narbonnaise, qui passe d'ailleurs un peu au nord de Castres, d'où le nom de la ville. Cette Narbonnaise, pour sa partie à l'ouest du Rhône, correspond presqu'exactement au Languedoc historique. Ce Languedoc historique correspond largement aux comportements que vous évoquez, et aussi à une certaine présence protestante.

Or, en tant que Tectosage-Ceretans (il est possible que votre regard d'Arecomique ne porte pas jusqu'à nos terres du ponant), je crois fermement que l'ouest inconnu, peuplé de gens vêtus de braies, commence immédiatement à l'ouest de Colomiers.
20 septembre 2011, 00:00   Re : Michel Serres et Astérix
"Astérix" est une allégorie assez transparente de la France occupée par le Reich (l'ordre que vous évoquez, ce sont la tyrannie et la terreur du siècle). Il est, à mon avis, de très mauvais aloi de comparer Goscinny aux propagandistes nazis. Hélas, je crains que cela ne participe d'un grand mouvement de trivialisation du nazisme, voire d'inversion pure et simple des pôles Résistants/Collabos. Cher Francis, vous paraissez aveuglé par une sorte de serrolâtrie. Par ailleurs, l'idée que la force n'est jamais nécessaire me paraît dangereuse. Sur France-Info, la pensée, proviendrait-elle d'un grand philosophe, ne peut que sombrer dans la "com."
Si la jeunesse contemporaine pouvait se distraire d'"Astérix", plutôt que des jeux vidéos et du rap, je m'en réjouirais.
20 septembre 2011, 00:37   Re : Michel Serres et Astérix
Le vrai fascisme d'aujourd'hui réside sans doute plus dans la volonté de séduire à tout prix les médias, que dans celle de produire à bon prix un personnage de bd, niais, ou symphatique, ou les deux. Moi, je me demande surtout si ce n'est pas celui qui le dit qui y est.
20 septembre 2011, 02:24   Re : Michel Serres et Astérix
» Il est, à mon avis, de très mauvais aloi de comparer Goscinny aux propagandistes nazis

Je trouve aussi. La pseudo-analyse de Serres est en effet purement théorique, conceptuellement possible (tellement de choses sont conceptuellement possibles), mais à un niveau de généralité grossière (certains Astérix sont en fait susceptibles de lectures bien plus subtiles, qui ne vont pas du tout dans ce sens), et je la crois totalement fausse, et même tordue.
Que le "fond anthropologique" du petit Juif polonais Goscinny s'exprime à travers le rapport à la culture d'un Göring, c'est quand même très fort.

(À une occasion au moins — mais je pense que cela s'est reproduit, les spécialistes d'Astérix pourront nous renseigner — le barde Assurancetourix, l'artiste, fut à l'honneur lors du traditionnel banquet de clôture : son insoutenable chant avait réussi à instiller dans le cœur des terribles barbares normands (les vraies brutes) la peur, l'angoisse et la faille, quasi existentielle, les faisant s'élancer du haut d'une falaise en battant des mains pour voler, et rentrer chez eux.

Et c'était Cétautomatix (la technique ?) qui s'était retrouvé ligoté et pendu à un arbre.)
20 septembre 2011, 03:55   Re : Michel Serres et Astérix
En outre, notre subtil exégète passe sous silence tout ce que le personnage d'Astérix doit à la metis des Grecs. C'est la ruse d'Astérix que le jeune lecteur admire, c'est elle qui faisait les délices de mon enfance. Les coups de poing relèvent du burlesque, voilà tout, de la farce, de l'arlequinade (quiconque a lu Astérix sait bien qu'Obélix est la grosse brute, l'Auguste qui déclenche le rire). Mais à quelle époque vit Michel Serres, qui s'indigne d'Astérix alors que les raisons de s'indigner--ô Stéphane Hessel--de la grande déculturation et de la nocence généralisée ne manquent pas. Et la techno-parade, il ne la trouve pas plus nuisible qu'"Astérix", par exemple ? Et puisqu'on en est à la reductio ad Hitlerum, ne voit-il pas dans les "concerts" et autes "raves" de plus fortes ressemblances avec la methexis fasciste que chez ce pauvre Goscinny ? A moins qu'il n'y voie, comme un Maffesoli dans sa "Contemplation du monde", ou comme Jack Lang, de nouvelles communautés festives, créatives, inventives, et gentiment dionysiaques... Tout est possible, avec un tel génie théorique et analogique...
20 septembre 2011, 08:46   Re : Michel Serres et Astérix
Les deux tiers de ce que dit Serres dans cette diatribe sympa sont justes sémiologiquement.

Les « analyses » de Serres ne relèvent pas de la sémiologie (arrivée dans les études sur la BD au début des années 1970) mais, plus banalement, de l'étude de contenu (pratiquée, de facto, par les adversaires de la BD depuis le début du XXe siècle). À cet égard, Serres dit strictement ce qui se disait il y a quarante, soixante ou quatre-vingt ans. La BD est l'école de la violence (la bagarre) et du crime (la drogue).

Quant à la romanité, elle est évidemment prise en compte par Goscinny lui-même, dans un détournement burlesque d'un corpus qui est celui des manuels scolaires de l'époque (donc de la toute fin des années 1950 et du tout début des années 1960). D'où l'image récurrente de Vercingétorix « déposant » ses armes aux pieds de César, de la « tortue » romaine, etc.
20 septembre 2011, 08:47   Re : Michel Serres et Astérix
Cher Francis, même si je trouve en partie juste votre analyse, je suis, une fois n'est pas coutume, en désaccord avec vous. Comme le dit Bruno Chaouat, s'en prendre à Astérix alors qu'il y a tant de motifs gravissimes d'inquiétude, en particulier l'ordre islamo-mafieux, véritablement fasciste, lui, qui s'installe dans nos banlieues, est proprement risible. C'est, appliqué aux oeuvres de l'esprit , le principe de l'âne de la fable.
Ce pauvre Serres s'enfonce de plus en plus. Il n'était pas bien haut dans mon estime (euphémisme), il rejoint désormais Hessel, Morin et consorts dans la nef des vieux fous.
20 septembre 2011, 09:52   Re : Michel Serres et Astérix
Serres est un séducteur et son désir de plaire l'entraine parfois un peu loin.

N'oublions pas le renouveau de la culture bretonne, la très forte vitalité de la musique celte. Je ne vois pas d'autre région en France capable de rivaliser avec la Bretagne qui se moque du rap et de la variété de larves que déversent les radios. Nous avons donc une poche de résistance qui va se confortant. Entre le Festival Inter Celtique de Lorient et les Folles Journées de Nantes, vous avez l'exemple d'une vitalité aux multiples visages. Cela n'enlève rien aux remarques pertinentes de Francis.
Utilisateur anonyme
20 septembre 2011, 11:37   Re : Michel Serres et Astérix
(Message supprimé à la demande de son auteur)
20 septembre 2011, 11:47   Re : Michel Serres et Astérix
Vous connaissez mon goût pour le rôle de l'avocat du diable (de qui le pauvre Serres, en vieillissant, revêt de plus en plus les traits physiques), chère Cassandre. J'aimerais avoir le temps de débattre avec Alain et Bruno, mais honneur aux dames et tant pis pour les autres: ce que semble souligner Serres dans cette intervention est un certain retentissement de cette BD dans l'actualité de certains quartiers sensibles qui se veulent poches de résistance à la civilisation, où l'état de droit s'en est allé. L'intention du "juif polonais" Goscinny ne fut jamais celle de produire pareille allégorie sociale, évidemment, mais foin des intentions, en sémiologie (j'y tiens), seul le résultat compte. La BD n'est pas la littérature: elle est un objet sémio-social, pas une oeuvre de l'esprit. Elle circule et projette des valeurs en couleurs plates sans que personne, parmi ses consommateurs ne se soucie d'exégèse ni ne s'interroge sur ce que leur auteur "a voulu dire".

Il faut des collabos, des traitres: si j'étais membre de cette "communauté" dépeinte dans les B.D. d'Astérix, je serais un collabo des Romains dans le seul et unique but de m'en échapper, tout comme si j'étais un jeune noir d'une fratrie de huit enfants à Villiers-le-Bel, tous délinquants, dealers ou aide-dealers, je trahirais, je passerais mes après-midis dans les musées et les bibliothèques et le soir, je lirais Du Sens et Eloge du Paraître à la lampe électrique, en me cachant sous les draps. Et je renseignerais les keufs en sous-main. Le vrai résistant, dans tout ça, ce serait moi. Je serais le type affreux qui, pour paraphraser Camus Albert, entre sa mère et la justice, choisit la justice.

Comme vous le voyez, il y a une bathmologie de la collaboration, et la "résistance" du village d'Astérix est passée dans l'autre bord, celui du fascisme des quartiers que vous dénoncez à juste titre. Et la métis grecque que me jette dans les jambes Bruno Chaoua est tout aussi revendicable par les petits malfrats vendeurs de crack à la sauvette.

J'ajoute qu'il n'y a pas qu'Astérix qui se trouve récupérable par la racaille -- on voit Brassens ("La Mauvaise réputation") l'être tout autant.
20 septembre 2011, 12:31   Re : Michel Serres et Astérix
Cher Didier, vous me citez des exceptions mais je maintiens le parallèle entre le renouveau de la culture bretonne et l'apparition des premiers volumes d'Astérix.
20 septembre 2011, 13:12   Re : Michel Serres et Astérix
Nous y revoilà : Brassens et le rap... et au diable la bathmologie. Mais c'est l'argument de nos amis du désastre : "Comment, mais le rap, ce n'est pas si mal, voyez Brassens...." Si la jeunesse d'aujourd'hui pouvait seulement déchiffrer deux vers de Brassens, nous n'en serions pas où nous en sommes.
20 septembre 2011, 15:30   Re : Michel Serres et Astérix
Si Michel Serres déplore dans la résistance du village gaulois la manifestation du ressentiment et l'utilisation de la force physique contre le colonisateur romain, à plus forte raison devrait-il déplorer les manifestations incessantes du ressentiment musulman contre les occidentaux comme il aurait du, hier, déplorer la résistance algérienne contre le colonisateur français. Pourtant quelque chose me dit que Michel Serres est dans le camp de ceux que hérissent l'islamophobie et qui condamnent sans appel la colonisation française, se félicitant que les Algériens s'en soient débarrassés par les moyens les plus barbares à côté desquels les castagnes gauloises contre les Romains font figure de douceurs angéliques.
20 septembre 2011, 16:04   Re : Michel Serres et Astérix
Citation
Pourtant quelque chose me dit que Michel Serres est dans le camp de ceux que hérissent l'islamophobie et qui condamnent sans appel la colonisation française,

Chère Cassandre,

J'ai toujours eu l'impression de Michel Serres ne veut en aucune facon endommager sa réputation d'écrivain et de philosophe ancrée dans le mainstream médiatique.

En fait à son âge il n'a plus rien à perdre et il pourrait se démarquer de la doxa dominante mais son besoin de reconnaissance sociale est insatiable.
20 septembre 2011, 17:42   Re : Michel Serres et Astérix
mais foin des intentions, en sémiologie (j'y tiens), seul le résultat compte. La BD n'est pas la littérature: elle est un objet sémio-social, pas une oeuvre de l'esprit. Elle circule et projette des valeurs en couleurs plates sans que personne, parmi ses consommateurs ne se soucie d'exégèse ni ne s'interroge sur ce que leur auteur "a voulu dire".

Francis Marche, vous n'êtes pas sémiologue que je sache alors, laissez la sémiologie où elle est. C'est très bien de vouloir pousser le paradoxe mais il faut prendre garde à ne pas bousculer les savants, qui risquent de prendre la mouche.

Tout ce que vous écrivez sur la bande dessinée souffre d'un retard scientifique d'une bonne quarantaine d'années. « La BD n'est pas littérature. » Elle est étudiée en tant que littérature dessinée dans certaines institutions, par exemple l'École européenne supérieure de l'image d'Angoulême. « Elle est un objet sémio-social ». Je ne sais pas ce qu'est un objet sémio-social. À vous de définir les néologismes que vous introduisez. « Elle circule et projette ses valeurs en couleurs plates. » Tout le monde reconnaît depuis les années 1980 que la bande dessinée, utilisant plusieurs codes linguistiques et iconiques, est plus compliquée que par exemple le texte narratif, pas plus simple.

Quant à l'affirmation que le consommateur ne se soucie ni d'exégèse ni d'auteur ni d'intention, elle est un peu bizarre attendu que le champ de la bande dessinée est tout entier structuré par la double démarche de l'analyse (les fameux « exégètes » de la bande dessinée, depuis les années 1960) et de... l'attachement de type « fanique » à l'auteur (d'où la cérémonie de la dédicace dans les festivals, occasion de rencontrer son auteur, à qui on va demander, mais oui, ce qu'il a voulu dire dans sa BD).
20 septembre 2011, 19:19   Re : Michel Serres et Astérix
Bruno Chaouat se plaît à convoquer la mythologie grecque (Metis, etc.) pour défendre le dit, la saga, je n'ai pas le mot exact sous le clavier, d'un groupe de Gaulois baffreurs de sangliers en broche, batailleurs, incultes, brutaux, dopés et contents de l'être, etc. contre les continuateurs de la Grèce sur notre continent que l'on voit se faire repousser et tuer à longueur de pages coloriées de manière aussi brutale et primaire que le propos. Permettez que je souris un peu.
20 septembre 2011, 19:26   Re : Michel Serres et Astérix
Que je sourie, Francis, que je sourie, n'en perdez pas votre... français.
20 septembre 2011, 19:26   Re : Michel Serres et Astérix
Rapprocher le rap de Brassens, c'est un peu rapprocher le pétomane de Haydn sous prétexte que celui-ci a écrit un concerto pour trompette.
Ceci dit, je me suis toujours demandé pourquoi ces sangliers finissaient à la broche, ce n'est pas du tout adapté.
20 septembre 2011, 19:28   Re : Michel Serres et Astérix
Chatterton, mon brave, quand je lis Du Sens, je lis Renaud Camus, quand je lis Les Chroniques italiennes, je lis Stendhal, quand je lis René, je lis Chateaubriand, et quand je lis l'Homme foudroyé, je lis Cendrars. Mais quand je lis Astérix, je ne lis pas Goscinny et Uderzo, je lis Astérix. Reconnaissez-vous cela ? Si oui, alors le concept d'objet sémio-social, que vos études longues et ardues ne vous ont pas appris, devrait commencer à pointer son nez et peut-être vous ouvrir à mon propos...

Pour le reste, j'attendrai que vous soyez calmé pour vous répondre.
20 septembre 2011, 19:32   Re : Michel Serres et Astérix
QUELLE EST VOTRE FOUTUE THESE CHATTERTON, POUVEZ-VOUS NOUS EN PROPOSER UN RESUME EN 15 LIGNES ?
20 septembre 2011, 19:37   Re : Michel Serres et Astérix
"M'enfin..."

Franquin - Gaston Lagaffe

(Entre nous, Gaston Lagaffe, hein, on ferait bien de s'en occuper un peu parce que, hein, si vous voyez ce que je veux dire...)
Tout le monde reconnaît depuis les années 1980 que la bande dessinée, utilisant plusieurs codes linguistiques et iconiques, est plus compliquée que par exemple le texte narratif, pas plus simple.

Oui, enfin, euh, tout le monde, tout le monde...
20 septembre 2011, 19:44   Re : Michel Serres et Astérix
Dans les années 60, le journal satirique soviétique Krokodil avait publié le dessin d'un énorme clou de 400.000 Tonne. Il s'agissait-là de se moquer de la politique de planification soviétique qui exigeait que soit produit pour 400.000 T de clous. Evidemment, les ouvriers, eux, avaient eu vite fait de comprendre qu'il était plus facile de fabriquer des clous de charpentier, plutôt que de fabriquer des clous de tapissier. Et le résultat, c'est que dans toute l'Union Soviétique le portait_de_son_père était accroché au mur avec des clous de charpentier de 30 cm .

Je crois que Michel Serres, c'est un peu pareil. Il vient de nous faire un clou de 400.000T nommé 'Astérix est un fasciste' et ce clou-là ne pourra jamais servir qu'à une seule chose, à accrocher au mur le_portrait_de_son père (son père, père de la civilisation).

Bref, on ne réduit pas un point de vue, aussi brillant soit-il, à un slogan publicitaire.
20 septembre 2011, 20:06   Re : Michel Serres et Astérix
Je convoque les Grecs, soit... Et Serres, à quels saints se voue-t-il donc pour décoder un match de rugby ou une manifestation "sémio-sociale", qui convoque-t-il, je vous le demande ? Girard ? Aristote ? Leibniz et ses modèles mathématiques ? Bachelard ? Loin de moi de me faire l'apologiste d'"Astérix" comme d'une grand oeuvre de littérature ou d'art ! Je reconnais la hiérarchie des arts, et je crois que la bd est en effet un art mineur, de même que la chanson, serait-ce la chanson de Brassens. Là n'est pas la question. L'interprétation qu'en donne Serres reste irrecevable et perverse. On peut aimer Brassens ou "Astérix" comme Chateaubriand aimait Béranger... De là à les dénoncer comme dangereux pour la société et la culture...
20 septembre 2011, 20:29   Re : Michel Serres et Astérix
Face au réensauvagement de la société, l'apologie de la sauvagerie qui vit de castagne et de dope a interpellé Serres. Poussé par un radioteur, il en est venu à produire un renversement sémiotique: Astérix est fasciste.

L'essentiel demeure, l'interrogation est légitime: qui sont aujourd'hui les résistants ? En ce qui me concerne, dans le monde actuel, la résistance se situe dans le camp qui s'oppose au réensauvagement, nullement dans celui qui serait propre ou prompt à la justifier en lui conférant une légitimité autochtone ancestrale. La civilisation est résistante face à la débauche de violence inculte, telle est la configuration dans laquelle nous nous trouvons.

La bonne demi-douzaine d'auteurs (Chaouat, Chatterton en tête), titulaires de doctorats en sémiologie, en philosophie ou en humanités diverses qui me tombent dessus à bras raccourcis (Abraracourcix) pour avoir voulu défendre Serres contre Astérix, ne tiendraient pas plus d'une semaine en compagnie des équivalents modernes d'Astérix. Je suis convaincu qu'aucun de ces savants ou fins universitaires n'a jamais passé huit jours dans la compagnie exclusive de gens qui, de toute leur vie, n'ont lu que des BD. Ils sauraient sinon, l'enfermement que crée un monde sans livre, le clôturage de l'esprit, sa strangulation, l'insupportable étouffement qu'entraîne la fréquentation exclusive de gens qui ne lisent rien, ne connaissent ni ne goûte aucune musique, aucun évasion de l'être-là, rien que là et un peu là.

Ces gens ne savent pas de quoi ils parlent. Je MEPRISE les universitaires spécialistes de bande dessinée, qu'ils le sachent un bonne fois pour toute et qu'ils ne m'envoient plus aucun message privé sur la question.
20 septembre 2011, 20:29   Re : Michel Serres et Astérix
Chatterton, mon brave, quand je lis Du Sens, je lis Renaud Camus, quand je lis Les Chroniques italiennes, je lis Stendhal, quand je lis René, je lis Chateaubriand, et quand je lis l'Homme foudroyé, je lis Cendrars. Mais quand je lis Astérix, je ne lis pas Goscinny et Uderzo, je lis Astérix. Reconnaissez-vous cela ? Si oui, alors le concept d'objet sémio-social, que vos études longues et ardues ne vous ont pas appris, devrait commencer à pointer son nez et peut-être vous ouvrir à mon propos...

Ah bon. Il se trouve que j'ai passé ma soirée à lire (et à traduire les titres) d'excellentes bandes de Bateman pour Punch, qu'on s'apprête à rééditer. Je vous assure que quand je lis des dessins de Bateman je lis bien du Bateman. Et quand je lis le Spirou et Fantasio de Franquin, je lis bien du Franquin, et quand je lis du Spirou et Fantasio de Jijé, je lis du Jijé.
20 septembre 2011, 20:34   Re : Michel Serres et Astérix
Tout le monde reconnaît depuis les années 1980 que la bande dessinée, utilisant plusieurs codes linguistiques et iconiques, est plus compliquée que par exemple le texte narratif, pas plus simple.

Oui, enfin, euh, tout le monde, tout le monde...


Si, si, je vous assure. J'entendais un professeur de collège qui avait eu l'idée géniale de faire étudier les classiques en bandes dessinées à ses élèves. (Vous savez, Georges Dandin en BD, le texte intégral, mais dans des bulles.) Conclusion de l'homme de l'art : le texte de Molière restait tout aussi impénétrable aux élèves et en plus il y avait du dessin et des codes spécifiques à la BD, que les élèves ne comprennaient pas non plus. Bref, c'était encore plus difficile.
Quand je vous disais qu'il n'aurait pas dû chanter...

Voyez, Francis se défend avec forces moulinets contre le cercle de ses adversaires ; Florentin, un monsieur si mesuré et si musicien se fait agresser par Didier sur le thème inattendu de Schubert attelé aux charrues ; Bruno convoque les Grecs et Cassandre le pétomane...

Et je ne sais toujours pas pourquoi ces sangliers sont mis à la broche...
20 septembre 2011, 20:51   Re : Michel Serres et Astérix
Bon, je baisse les bras. Je vous cède la victoire, cher Francis. Let's agree to disagree, "qu'y disaient"...
Utilisateur anonyme
20 septembre 2011, 20:55   Re : Michel Serres et Astérix
Utilisateur anonyme
20 septembre 2011, 21:02   Petite Poucette
La dernière conférence de Michel Serres me laisse songeur : [www.institut-de-france.fr]
20 septembre 2011, 21:53   Par Toutatis
Ça y est. Le ciel est tombé sur la tête de Francix...
20 septembre 2011, 22:09   Re : Michel Serres et Astérix
Citation

Face au réensauvagement de la société, l'apologie de la sauvagerie qui vit de castagne et de dope a interpellé Serres. Poussé par un radioteur, il en est venu à produire un renversement sémiotique: Astérix est fasciste.
. . .
Ces gens ne savent pas de quoi ils parlent; . . .
Dans cette histoire, le mot qui me stupéfait, c'est 'réensauvagement'. C'est quoi ce mot, la bombe R ?
'Réensauvagement', j'entends ce mot-là à tout bout de champ, et pour la pire des causes.
Quand on a aucun argument à faire valoir, on vous jette du 'réensauvagement ' à la figure . . .
Tout le Savoir trouve sa source dans le Sauvage,c'est encore plus vrai de la Recherche Moderne. le Recuit Simulé par exemple, qui se sert du 'Sauvage' pour ordonner les choses, là où le Savoir est incapable de mettre en oeuvre une solution . . .
Réensauvagement, ça va bien . . .
Artaud disait: "Une choses nommée, est une chose morte, et elle est morte parce qu'elle est séparée".
Faudrait peut être voir à nommer correctement les choses.
20 septembre 2011, 22:16   Re : Petite Poucette
La bonne demi-douzaine d'auteurs (Chaouat, Chatterton en tête), titulaires de doctorats en sémiologie, en philosophie ou en humanités diverses qui me tombent dessus à bras raccourcis (Abraracourcix) pour avoir voulu défendre Serres contre Astérix, ne tiendraient pas plus d'une semaine en compagnie des équivalents modernes d'Astérix.

Mais enfin, Francis, le problème n'est pas là ! Quelle drôle de substitution vous effectuez donc ! Il ne s'agit pas de prendre la défense d'Astérix, et encore moins de s'imaginer vivre en sa compagnie, il s'agit seulement de prendre note du déraillement total d'un ex "philosophe" reconverti dans le racolage médiatique outrancier.

Pour ce qui est de votre exemple, Monsieur Chatterton, je vous signale qu'il n'illustre en rien l'affirmation que vous assénez : au contraire, même, puisqu'il représente une particularité par rapport à une généralité. Quant aux "codes spécifiques à la B.D." (à la BD, pardon), leur niveau de complexité est à peu près maîtrisable par tout individu dont le quotient intellectuel se rapproche du chiffre de la température anale, comme disait Desproges.
20 septembre 2011, 22:18   Re : Michel Serres et Astérix
Faudrait peut être voir à nommer correctement les choses.

Faudrait voir à bien virguler, aussi (Artaud...). Vous n'avez jamais goûté, tâté du réensauvagement ?
20 septembre 2011, 22:22   Re : Petite Poucette
Il ne s'agit pas de prendre la défense d'Astérix

Ah bon Francmoineau ? Vous êtes sûr ? Ca alors ! Moi qui croyais... Et bien mes excuses à la compagnie, décidément, vous êtes trop forts pour moi. Astérix et ses fins exégètes universitaires me dépassent. Je m'en vais retourner à des lectures plus terre-à-terre et mieux à ma portée: Placid et Muzo, Pif le Chien, etc.. Et ne me risquerai plus à contredire "ceux qui savent". Pardon à tous. Je n'interviendrai plus ici.
20 septembre 2011, 22:24   Re : Michel Serres et Astérix
Le dernier Pif est très bien.
Eh bien moi itou, cher Francis, et m'en vas me coucher avec Little Orphan Annie...
21 septembre 2011, 01:45   Re : Michel Serres et Astérix
Quelle nostalgie, l'écran. Un temps, on aurait eu des duels.
21 septembre 2011, 03:44   Re : Michel Serres et Astérix
En humble tribut à Cassandre, pour son mot mémorable sur Haydn et le pétomane :


21 septembre 2011, 09:29   Re : Michel Serres et Astérix
Je ne pense pas qu'on puisse utiliser itou après une phrase négative...
Vous avez parfaitement raison, cher Maître. J'écrivais cela en me référant à l'annonce des prochaines lectures de notre cher Francis, et aurais dû la citer avant de répondre.
22 septembre 2011, 09:27   Re : Michel Serres et Astérix
Merci, cher Bruno, pour cette vidéo de Brassens, artiste si français et que l'on ne se lasse pas d'écouter. A propos est-ce que l'on se souvient sur ce forum d'une émission où Pivot avait invité Brassens avec un de ses plus fervents admirateurs en la personne d'un écrivain de grand style, déjà fort âgé et dont je n'arrive plus à retrouver le nom ( Al zh'mer me guette) ?
22 septembre 2011, 10:24   Re : Michel Serres et Astérix
Chère Cassandre, est-ce que cet écrivain fort âgé et de grand style ne serait pas Maurice Genevoix ?
22 septembre 2011, 11:00   Re : Michel Serres et Astérix
Citation
Buena Vista
Chère Cassandre, est-ce que cet écrivain fort âgé et de grand style ne serait pas Maurice Genevoix ?

Être "fort âgé" et être "Genevoix", n'est-ce pas une forme d'agonie vers l'enfance* ? (...les jeunes remplaçant les viellards en chemin inverse...)

* il ne lui manque plus que d'être "lecteur d'Astérix" !
Pour "itou" :

La petite troupe n'était plus composée que de trois soldats, le caporal et Fabrice. Quand on fut à un quart de lieue de la grande route :
Je n'en puis plus, dit un des soldats.
Et moi itou, dit un autre.



STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 54.
22 septembre 2011, 23:10   Re : Michel Serres et Astérix
Oui, c'était bien Maurice Genevoix.
24 septembre 2011, 13:44   Re : Michel Serres et Astérix
(oups !)
24 septembre 2011, 15:02   Re : Michel Serres et Astérix
Bonjour, comme il ne faut pas dire,
Astérix est en effet un programme de ressentiment et de nostalgie, et c'est cela qui est bon, et il ne faut jamais s'en priver.
Quand on lit Astérix, c'est bel et bien Goscinny que l'on lit ; Uderzo a été un instrument à remplir les vignettes, excellent en tant que tel mais c'est tout, et il n'y a qu'à voir l'insigne nullité des albums qu'il a réalisés seul.
Mais la romanisation y figure la mondialisation-américanisation, et ni l'Allemagne, ni les soviétiques. (Il paraît que les nazis sont éventuellement reconnaissables dans “Astérix et les Goths”, tout simplement). Preuve ultime : l'admirable album “Obélix & compagnie”, où l'économie de marché est à deux doigts de réussir là où les armes ont échoué.
Le barde est bel et bien la figure-repoussoir conservée pour usage permanent, que Serres, grand ami de Girard, eût aussi bien fait de convoquer (voir aussi “La Zizanie”, ou : quand les structures habituelles ne fonctionnent plus). Et il y a aussi les banquets, évidemment.
C'est qu'Astérix tient son succès de se tenir sur un point aveugle de l'esprit français : la jonction entre le monde antique dont on se réclame sans cesse, fait de petites communautés où tout le monde se connaît et qui ne rêve que de se perpétuer telles quelles dans l'être, et le monde occidental, moderne si on veut, fait d'un toujours-plus-loin-toujours-plus-haut inavoué. Astérix naît au moment du repli français : ah flûte, la domination du monde, c'est raté, il y en avait d'autres sur le coup, et ils sont plus gros. Que dire alors ? Qu'on n'en voulait pas, en fait, que ce n'était pas pour nous, qu'on avait toujours voulu rester petits, dans le village bien tranquille, quitte à voyager beaucoup et montrer qu'on a de la valeur. Et les voyages servent à recomposer une fraternité des peuples qui ne sont pas solubles dans la pax romana (séquence des esclaves divers à qui on veut faire abattre les arbres de nuit dans “Le Domaine des dieux”).
24 septembre 2011, 17:08   Re : Michel Serres et Astérix
Je suis surpris par la pauvreté d'expression de Michel Serres : "J'ai dit trois faits"... Ce n'est pas très reluisant, pour un Académicien. Du reste, son style est aussi assez pauvre : une débauche lexicale (Serres possède en effet un vocabulaire concret éblouissant), mais la phrase me paraît toujours sèche.
24 septembre 2011, 21:08   Re : Michel Serres et Astérix
« J’ai fait une seconde faute, contre l’humour »

Ah oui, en effet, on risque de dire de très grosses bêtises quand on oublie que la bande dessinée qu'on vitupère est une bande 1. humoristique, 2. qui fait gentiment la satire de la société française des années 1960 (mais qui par contre ne tient aucun propos particulier sur l'antiquité gallo-romaine, dont Goscinny se fichait éperdument). Je rappelle que Goscinny, qui s'était lié d'amitié avec la future équipe de Mad Magazine pendant les années new yorkaises, s'y connaissait en satire, et qu'il est l'auteur, entre autres, des Dingodossiers, avec Marcel Gotlib, qui brosse également un portrait amusé de la France des années 1960, et qui encourt du reste les mêmes accusations qu'Astérix pour les gens qui ont des comptes à régler avec les littératures dessinées. Par exemple, l'Histoire de France selon l'élève Chaprot, c'est Clovis, Charlemagne, Jeanne d'Arc et tutti quanti. On démontrera donc facilement, au prix d'un anachronisme, que Goscinny était au moins pétainiste et peut-être largement pire. Sauf que, naturellement, l'Histoire de l'élève Chaprot, c'est celle des manuels d'Histoire du temps, tout bêtement.
Pierre,

C'est très justement vu. Seul point de nuance, quel sens de "ressentiment" utilisez-vous ? celui du surgissement du passé, ou celui de la rancoeur ?
Ha, Gotlib...

24 septembre 2011, 21:22   Re : Michel Serres et Astérix
la jonction entre le monde antique dont on se réclame sans cesse, fait de petites communautés où tout le monde se connaît et qui ne rêve que de se perpétuer telles quelles dans l'être, et le monde occidental, moderne si on veut

Je suis au regret de vous dire que le monde antique n'a rien à fiche là-dedans. Relisez le début des Trente Glorieuses de Jean Fourastié. Il compare deux villages, Madère et Cessac, le premier complètement arriéré (les gens ne se sont jamais éloignés de plus de 20 bornes de leur patelin), le second moderne, où tout le monde a déjà pris l'avion, etc. Et à la fin du chapitre, Fourastié mange le morceau. Le patelin (il n'y en a qu'un), c'est le sien, c'est Douelle, en Quercy, saisi en 1946 et en 1975.

De même, la tension entre l'ancien et le moderne, dans Astérix, c'est celle des 30 glorieuses, saisies au beau milieu, par un auteur particulièrement lucide et fin.
24 septembre 2011, 21:24   Re : Michel Serres et Astérix
Euh, Jean-Marc, c'est une couverture d'Alexis.
Mais Gotlib n'est-il pas le Goscinny de Super-Dupont et Alexis son Uderzo ?

Je veux dire par là que Gotlib n'est pas que dessinateur.
24 septembre 2011, 21:36   Re : Michel Serres et Astérix
Il est vrai. Mais il a dessiné Superdupont superbement.
Une question, Chatterton.

Je ne suis pas bien certain que Mad Magazine et la "Rubrique-à-Brac" soient exactement des bandes dessinées... qu'en pensez-vous ?




Diriez-vous, par exemple, que les dessins d'Efimov ne sont que des dessins, ou autre chose ?

25 septembre 2011, 12:00   Re : Michel Serres et Astérix
Oh, tout cela, ce sont des distinguos de spécialistes. Dans la première définition des comics, la plus restrictive, il fallait non seulement que cela raconte une histoire en images mais que cela paraisse sur le mode du feuilleton et qu'il y ait un héros récurrent ! Autant décréter que la musique n'est de la musique qu'à partir du moment où l'orchestre comprend un harpiste, un kazoo et un cornet à pistons.
La forme, Chatterton, la forme...
25 septembre 2011, 12:18   Re : Michel Serres et Astérix
Même chose pour la forme. Quand on a commencé à faire de la bande dessinée en couleurs directes, des puristes ont protesté que ce n'était plus « vraiment » de la bande dessinée (parce que la « vraie » bande dessinée, c'était dessiné au trait, avec des aplats de couleur rajoutés sur des « bleus » d'imprimeur). Alors Bilal, ce n'est plus de la bande dessinée.
30 septembre 2011, 21:19   Re : Michel Serres et Astérix
Ah, je vous prie de m'excuser, je n'avais pas vu votre question.
Je ne me suis posé aucune question sur le sens du mot ressentiment à cet instant, je croyais recopier un mot employé par M. Serres, qui n'y était peut-être même pas, mais je vous remercie de trouver cela bien vu.
30 septembre 2011, 21:22   Re : Michel Serres et Astérix
Chatterton, "le monde antique n'a rien à faire là-dedans"
ah ben alors tant mieux, c'est encore mieux.
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