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Décivilisation

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
03 novembre 2011, 11:25   Décivilisation
Je rappelle à l'assemblée la parution aujourd'hui de « Décivilisation », l'un des derniers livres de Renaud Camus.



Décilivilisation est le livre frère de La Grande Déculturation. Comme il faut espérer que tous les lecteurs du nouveau volume n'auront pas lu le précédent, il commence par le reprendre, sous des angles nouveaux, avant de le prolonger, mais vers l'amont, si l'on peut dire, d'aller en deçà, de s'interroger sur des problèmes qui sont antérieurs et, si l'on veut, plus fondamentaux encore que ceux qui étaient abordés dans le premier de ces deux essais.
Si La Grande Déculturation se penchait sur les questions relatives à l'école, Décivilisation fait porter la réflexion sur un amont de l'école, sur l'éternelle distinction entre instruction et éducation, sur les obstacles à la transmission — des connaissances, mais aussi des aptitudes à la vie en société — tels qu'ils se manifestent dans les nouveaux rapports entre les générations, à l'intérieur des familles, au sein d'une société où l'exigence d'égalité, s'étant imposée entre les sexes, prétend triompher aussi entre les âges, à présent, entre les niveaux d'expériences, entre ce qui surgit et ce qui est consacré par le temps (et du coup ne l'est plus).
Y a-t-il des limites à l'égalité, y a-t-il des champs où la démocratie soit hors-champ, et, si oui, lesquels : la famille, la culture, l'art, l'art de vivre ? et, si non, quelle société nous est promise ?




03 novembre 2011, 20:11   Re : Décivilisation
Elle a de la gueule, cette couverture !

En plus, c'est la première fois que je vois un péage d'autoroute en pierre…
Utilisateur anonyme
03 novembre 2011, 20:39   Re : Décivilisation
(Message supprimé à la demande de son auteur)
04 novembre 2011, 16:01   Re : Décivilisation
Avouez que c'est vous qui l'avez posé de face !
04 novembre 2011, 16:19   Re : Décivilisation
Je plaide coupable. (Que voulez-vous, ce n'est tout de même pas de ma faute si le personnel ne sait pas mettre les ouvrages correctement en rayon !)
Cher Phénarète,

Il m'est arrivé dernièrement de faire cela avec "J'y crois pas !". (J'ai pensé que les lecteurs de Hessel devaient s'ennuyer de n'avoir qu'un "son de cloche"...)
La semaine suivante, ces livres cachés depuis longtemps étaient vendus. (Les libraires pourraient même nous remercier de faire "tourner leurs affaires" !)
Pour ma modeste part, je procède exactement de même, quasi systématiquement, chaque fois que je me trouve dans une librairie : j'offusque celui-ci, exhume celui-là, réarrange un petit assortiment tout à fait charmant et quitte les lieux avec la satisfaction du devoir accompli.

(Didier Bourjon et Phénarète ne feraient-ils donc qu'un ?)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Cher Pyrrhon, vous fîtes bien !

Citation
Francmoineau
(Didier Bourjon et Phénarète ne feraient-ils donc qu'un ?)

Mmmh, je crois que je vais vous laisser deviner.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
08 novembre 2011, 11:12   Re : Décivilisation
Quant au style, il est moins classique qu'il n'y paraît à première vue : sous les différentes strates de perfection lexicale* et grammaticale, poignent irrémédiablement les souvenirs de l'avant-garde littéraire des années 70 de laquelle il faisait partie.

Dommage que l'auteur de ces lignes ne développe pas davantage sa pensée sur ce point.
15 novembre 2011, 14:42   Re : Décivilisation
Acheté et dédicacé! (au salon des Ecrivains du BB, ce dimanche 13 novembre)
17 novembre 2011, 09:50   Re : Décivilisation
Citation
Didier Bourjon
Intéressante première réaction sur Amazon à la page de Décivilisation :

« Enfin, il y a deux fautes de frappe, qui ne sont pas dues à l'auteur, mais qu'un livre de cet auteur doit justement éviter : « moyen âge » s'écrit traditionnellement sans majuscule... »

Non, je réfute : il n'y a pas de faute à "Moyen Age". (Sinon, afin de se passer de majuscules, on pourra utiliser "époque médiévale".)
Utilisateur anonyme
19 novembre 2011, 08:42   Renaud Camus à Répliques
(Message supprimé à la demande de son auteur)
19 novembre 2011, 08:45   Il allume, et...
(Tiens, du rap, en ce moment, sur France Culture...)
Très bonne émission aujourd'hui. Marcheschi la semaine prochaine : la sphère Camus gagne en influence sur les ondes de France Culture. Cela nous change des prêches imbéciles des Bourmeau & co.
Utilisateur anonyme
19 novembre 2011, 10:01   Re : Il allume, et...
(Message supprimé à la demande de son auteur)
19 novembre 2011, 10:09   Re : Renaud Camus à Répliques
C'est mieux que la semaine dernière ...
19 novembre 2011, 10:21   Re : Il allume, et...
Excellente émission, en effet, et beaucoup d'élégance dans les échanges et même de gentillesse, malgré le sujet, non, à cause du sujet .
19 novembre 2011, 11:24   Re : Renaud Camus à Répliques
Le début est saisissant. Alain Finkielkraut et Renaud Camus interviennent tour à tour, maniant tous deux une langue irréprochable et élégante, y compris dans la prononciation, puis vient la première intervention de Madame Claude Habib :

À la fois, bien sûr, on partageuh votre pessimisme à plein d’égards, mais moi, y’s’trouv' que ch’suis à l’aut’ bout du système scolaire puisque bon, ch’fais de la formation poureuh les agrégatifs, actuellement, et je dois dire que — peut-êt’ passque chuis dans une université de centre-ville — ça pousse plutôt à l’optimisme, c’est-à-dire que je vis des gens qui parlent un français aussi châtié que j’le parlais à leur âge et qui sont pas du tout euh déliquescents euh, d’un point de vue culturel ya pas d’effondrement. Alors évidemment j’me pose la question de où je les envoie après, quand ils ont leur diplôme.

D'emblée, on avait l'impression que tout ou presque était dit...
Utilisateur anonyme
19 novembre 2011, 11:32   Re : Renaud Camus à Répliques
Vous pouvez bien sûr écouter – ou réécouter – cette émission sur le site de France Culture.
C'est ici.
Marcel, vous me coupez l'herbe sous le pied... Je venais juste d'écrire un message en ce sens, qui a disparu, vaporisé peut-être par le fusionnage des fils ?
19 novembre 2011, 11:46   Re : Renaud Camus à Répliques
Elle ne pèse pas très lourd non plus sur le plan théorique. Ses élucubrations sur le comportement "cool" à l'américaine et sur la critique rousseauiste des usages laissent peu de doutes quant à l'honnêteté et la rigueur de sa démarche intellectuelle.
19 novembre 2011, 12:00   Re : Décivilisation
Claude Habib est cependant une bonne et généreuse lectrice qui, à l'époque où Renaud Camus était plus ou moins persona non grata dans la presse, proposa une très belle recension de "Vie du chien Horla", contribuant à faire connaître notre président et son oeuvre à ceux qui ne le connaissait pas. Elle parle ce qui est largement le sabir des "universitaires".
19 novembre 2011, 12:39   Re : Décivilisation
Il faut effectivement rendre cette justice à Mme Habib que, par-dessus les accrocs au tapis évoqués ci-dessus, la douceur, la courtoisie et la qualité des échanges de ce jeu à trois bandes sont à porter à son crédit autant qu'à celui de ces messieurs.
19 novembre 2011, 12:47   Re : Décivilisation
Tout à fait d'accord. Mais c'est précisément parce que Mme Habib est douce, courtoise et bonne universitaire que j'ai été stupéfié par le contraste langagier qui se dégageait de ce début d'émission. Cela s'atténue d'ailleurs ensuite : au fil de l'émission, elle parle de plus en plus normalement, ce qui montre que si la mauvaise langue est terriblement contagieuse, la bonne peut aussi avoir un effet d'entraînement, notamment sur des personnes qui en ont, comme elle, la maîtrise et qui ne versent dans l'épouvantable sabir du temps que parce qu'il est pratiqué par tout le monde et en tous lieux et circonstances.
Utilisateur anonyme
19 novembre 2011, 12:52   Re : Décivilisation
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
19 novembre 2011, 13:00   Re : Décivilisation
J'ai été, pour ma part, très surpris (et déçu) d'entendre un professeur d'université, qui prépare des étudiants au concours d'agrégation, mettre sur le même plan, tel un vulgaire Jack Lang, les erreurs de langue de ses étudiants et les trouvailles syntaxiques d'un Saint-Simon ou d'un Toulet.
Renaud Camus a bien évidemment rectifié la chose en rappelant l'évidence ; mais enfin, quelle tristesse, tout de même.

J'imagine qu'il fallait bien qu'elle jouât le rôle d'opposant (relatif) à Renaud Camus dans ce débat, car une émission où tout le monde eût été parfaitement d'accord sur tout eût été plate ; mais on a l'impression, en l'écoutant, que d'après elle, les choses ne vont pas si mal, en fin de compte, et que la laideur à laquelle nous sommes de plus en plus exposés n'est pas si insupportable, finalement. Ce n'est pas dit ouvertement (quoique...), bien sûr, mais c'est ce qu'on entend en filigrane.

Caude Habib, comme de nombreux universitaires, vit peut-être dans un confortable cocon, qui lui fait peut-être minimiser l'ampleur de la décivilisation... Cela n'enlève rien, bien entendu, à ses nombreuses qualités, et à la valeur de son soutien de naguère à Renaud Camus en des temps troublés.
19 novembre 2011, 13:19   Re : Décivilisation
Totalement d'accord avec Jack : aller chercher Saint-Simon pour justifier l'effondrement actuel de la syntaxe... C'est dit gentiment, certes, mais tout de même... Du niveaumontisme universitaire pur jus.
19 novembre 2011, 13:58   Re : Décivilisation
Cette émission est très bien, je trouve, et Mme Habib fort intéressante. Un débat ne peut valablement avoir lieu que si les intervenants ne disent pas la même chose, je ne comprends pas ce trait qui veut qu'on trouve toujours à critiquer.

A propos de Saint-Simon, parler de la faiblesse de sa syntaxe est un pont-aux-ânes de l'analyse littéraire. Saint-Simon est célèbre pour ses images, son sens de la description, les mémoires sont sur le mode "de la conversation", si je puis dire. Les phrases sans fin où on perd le fil abondent. Je ne crois pas qu'on puisse qualifier cela de "trouvaille syntaxique", c'est simplement le fait que la syntaxe n'intéressait pas outre mesure Saint-Simon.
Utilisateur anonyme
19 novembre 2011, 14:14   Re : Décivilisation
(Message supprimé à la demande de son auteur)
19 novembre 2011, 15:07   Re : Décivilisation
Mais quel rapport entre la liberté syntaxique de Saint-Simon et le mépris de toute syntaxe dans le discours contemporain ? Comment l'une pourrait-elle secourir l'autre ?
19 novembre 2011, 15:09   Re : Décivilisation
Olivier, peut-on, une fois, une seule fois, ne pas critiquer ?

Cette émission est une très bonne émission, au cours de laquelle des points de vue ont été échangés. Je conçois mal cet acharnement à combattre cette dame ici.
19 novembre 2011, 15:26   Re : Décivilisation
La courtoisie, la finesse et la culture de Claude Habib sont une chose, les faiblesses de sa langue et de son discours en sont une autre. Les mensonges prononcés avec un sourire aimable n'en méritent pas moins d'être débusqués, quand c'est possible. Après cela, vous qui aimez la nuance, votre emploi du mot "acharnement" est un poil excessif.
19 novembre 2011, 19:53   Re : Décivilisation
Nobody is perfect, my dear.
19 novembre 2011, 21:03   Re : Décivilisation
Le livre de la semaine (Liberté politique.com)

"Henri Massis aurait dit de l’ouvrage : c’est une nouvelle Défense de l’Occident. Ce à quoi Renaud Camus rétorquerait qu’il l’était tout autant de l’Orient. Car, s’il y a des civilisations, des cultures, il n’existe, au fondement de leur permanence, qu’un processus : celui de la transmission. Puis, à l’œuvre dans chacune de ces aires géographiques, un travail de sape général généré par la modernité et nommé décivilisation."

[www.libertepolitique.com]
21 novembre 2011, 08:46   Re : Décivilisation
J'ai suivi avec intérêt le débat entre Mme Habib et Renaud Camus. Un coup de téléphone m'a empêché d'en écouter quatre ou cinq minutes, sans doute celles pendant lesquelles Mme Habib a parlé de Saint-Simon. Je conçois qu'elle ait évoqué les "libertés" que Saint-Simon a prises avec la syntaxe du début du XVIIIe siècle - en tout cas, la liberté apparente que nous, modernes, nous croyons qu'il prend, due sans doute à une totale maîtrise de la langue et des enchaînements syntaxiques - mais, si "liberté" il y a, c'est toujours dans le sens d'une rigueur plus grande... Il est impossible qu'elle ait pu dire que la syntaxe de Saint-Simon pouvait être rapprochée, de quelque point de vue que ce soit, de l'effondrement syntaxique que l'on observe dans le parler contemporain et même parfois chez Mme Habib, laquelle, comme beaucoup de ses collègues, n'écrit pas suffisamment et surtout ne fait pas passer ses pensées, opinions, analyses par le filtre préalable de l'écrit. Ou alors, si elle a dit cela, c'est qu'elle n'a pas lu Saint-Simon. Il suffit de lire cet extrait de l'Intrigue du mariage du duc de Berry (avril-mai 1710) pour se convaincre de la rigueur de la syntaxe de Saint-Simon, lequel va même jusqu'à donner à la concession qui a été, jusqu'au milieu du XIXe siècle, une figure de rhétorique (et n'a pas été relevée comme un fait de syntaxe) ses formes syntaxiques canoniques : "Certainement, quelque peu de suite qu’il eût dans l’esprit, quelque mollesse qui lui fût naturelle, quelque peu capable qu’il fût d’agir effectivement sur un plan, quelque légère et faible que fût sa volonté sur toutes choses, il n’est pas possible de croire que ces défauts causassent en lui une conduite si surprenante, si étrange en elle-même, et pour nous si radicalement embarrassante".
21 novembre 2011, 09:19   Re : Décivilisation
JGL,

Que pensez-vous de ce passage, qui correspond d'ailleurs assez bien à ce que Gonzague Truc, l'éminent spécialiste de Saint-Simon, nous dit dans l'introduction de la Pléiade ?

De même, cet aristocrate enragé se sert du voca-
bulaire le plus démocratique. Métaphores expressives,
termes d'argot, langage des halles, tout lui est bon
pour exprimer plus clairement sa pensée. Que nous
sommes loin de la solennité du vocabulaire abstrait,
choisi, du grand siècle? Nous en sommes si éloignés
que, s'il s'agissait d'une œuvre inconnue, anonyme,
on aurait peine à admettre que les Mémoires sont d'un
contemporain de Boileau et de Racine.

Et tout de même, que Saint-Simon nous montre la
vie dans sa réalité, il nous la montre dans sa com-
plexité. Et cette complexité se traduit jusque dans la
syntaxe des phrases, comme le réalisme se traduit
dans le choix du vocabulaire. La syntaxe des phrases
dans Saint-Simon est quelque chose d'unique. Ces
périodes embrouillées, ces incidentes, et ces coordon-
nées, et ces subordonnées, et ces propositions relatives
et conditionnelles qui s'emmêlent, et s'entre-croisent,
et s'emboîtent, sont devenues les modèles classiques
d'un style très peu classique. «Je ne suis pas un sujet
académique » , dit naïvement l'auteur, et assurément
on peut le croire sur parole. On pourrait citer par cen-
taines des périodes énormes sans queue ni tête, inco-
hérentes, qui restent comme suspendues en l'air, sans
verbe ou sans complément pour achever la pensée,
sans perspective, où le lecteur le plus avisé perd le
fil des idées. On a parlé à satiété de ce style extraor-
dinaire, on n'en a pas toujours clairement vu la raison
ou plutôt les raisons. Ces phrases compliquées, em-
barrassées d'incidentes, ne sont telles que par le souci
minutieux des faits et des détails qui se pressent sous
sa plume et dont il ne veut rien sacrifier. Ces longues
périodes ne sont telles que par l'intensité de la passion
et la fougue du tempérament. L'homme calme et qui
se domine aligne ses phrases, les ordonne et les su-
bordonne l'une à l'autre. Chez le tempérament pas-
sionné, emporté, la disposition des idées, les idées se
pressent toutes à la fois, et l'écrivain n'a pas le temps
de s'occuper de plan et de perspective. Le style ana-
lytique est le style de la raison raisonnante. Le style
périodique est le style de la passion. Saint-Simon est
un maître incomparable dans le style périodique inco-
hérent. Aucun écrivain ne convient mieux à l'usage
des classes parce qu'aucun écrivain ne montre mieux,
par son exemple, comment il ne faut pas écrire et
tout ce qu'il y a de péril à imiter un homme de génie.
21 novembre 2011, 09:25   Re : Décivilisation
Il y a vraiment une virgule après et tout de même, dans le texte de Truc ?
21 novembre 2011, 09:51   Re : Décivilisation
Le texte en question est de Charles Saroléa, la préface de Gonzague Truc est plus brève mais reprend les mêmes idées.
21 novembre 2011, 09:55   Re : Décivilisation
Et surtout, ceci :

Dirai-je enfin un mot du style, de sa négligence, de répétitions trop prochaines des mêmes mots, quelquefois de synonymes trop multipliés, surtout de l'obscurité qui naît souvent de la longueur des phrases, peut-être de quelques répétitions ? J'ai senti ces défauts ; je n'ai pu les éviter, emporté toujours par la matière, et peu attentif à la manière de la rendre, sinon pour la bien expliquer. Je ne fus jamais un sujet académique, je n'ai pu me défaire d'écrire rapidement. De rendre mon style plus correct et plus agréable en le corrigeant, ce serait refondre tout l'ouvrage, et ce travail passerait mes forces, il courrait risque d'être ingrat. Pour bien corriger ce qu'on a écrit il faut savoir bien écrire ; on verra aisément ici que je n'ai pas dû m'en piquer. Je n'ai songé qu'à l'exactitude et à la vérité. J'ose dire que l'une et l'autre se trouvent étroitement dans mes Mémoires, qu'ils en sont la loi et l'âme, et que le style mérite en leur faveur une bénigne indulgence. Il en a d'autant plus besoin, que je ne puis le promettre meilleur pour la suite que je me propose.

Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon.
21 novembre 2011, 10:20   Re : Décivilisation
Là n'était pas ma question : y a-t-il une virgule après et tout de même, ou bien cette virgule est-elle un jmarcisme ?
21 novembre 2011, 10:30   Re : Décivilisation
Voilà en effet une virgule qui change le sens ou plutôt, en l'occurrence, le brouille.
21 novembre 2011, 11:05   Re : Décivilisation
Jean-Marc,
Lisez Saint-Simon pour vous faire une idée de sa syntaxe et de son admirable maîtrise de l'expression écrite. Le critique que vous citez dit sans aucun doute beaucoup de choses intéressantes malgré le cliché style analytique vs style périodique, mais, à aucun moment, il ne démontre, par une analyse du texte de Saint-Simon, ce qu'il affirme. Il est fort possible qu'il y ait chez cet écrivain des phrases mal construites ou de longues périodes sans verbe, mais dans ce que j'ai lu, je n'ai rien remarqué de tel. Saint-Simon a beaucoup écrit et ne s'est pas suffisamment ou pas du tout relu. Mais qu'est-ce que cela prouve ? Quant au "style" "classique", celui qui caractériserait les écrivains du XVIIe siècle, il est loin d'être aussi dépouillé ou "simple" ou "abstrait" que Gonzague T ne le dit. Il suffit de lire Retz ou Bossuet pour se convaincre que ce prétendu "style", dit "classique", "dépouillé", "abstrait", etc. est surtout une invention des siècles postérieurs.
21 novembre 2011, 13:13   Re : Décivilisation
La virgule est dans le texte de Saroléa, du moins dans la version que j'ai trouvée, je ne me serais pas permis un tel ajout. Elle figure en haut de la page 21 de l'édition de 1911, je crois.

[ia600401.us.archive.org]

JGL, il se trouve que j'aime beaucoup Saint-Simon. C'est pourquoi je me suis, en définitive, référé à ce que Saint-Simon écrivait lui même à la fin des Mémoires.

Emporté toujours par la matière, et peu attentif à la manière de la rendre, sinon pour la bien expliquer.

C'est Saint-Simon qui nous parle, et explique son projet : dire des choses, les expliquer, en faire dire le plus possible, le plus pertinent possible, et dans ce cas peu importe la façon.

Etant donné que ces commentaires sont ceux des dernières lignes des Mémoires, tous les lecteurs des Mémoires les connaissent, car ils sont très frappants. Vous avez là un très grand auteur qui met en balance les qualités (l'exactitude et la vérité) et les défauts (la syntaxe). Ce n'est pas faire injure à Saint-Simon que de reprendre ce qu'il a dit lui-même.

Pour ce que vous dites de Gondi, je suis d'accord. Pour Bossuet, non.
21 novembre 2011, 14:02   Re : Décivilisation
Saint-Simon est modeste, je n'ai pas relevé de négligences de sa part et j'admire ses phrases sinueuses et délicates. Je pense, par exemple, à l'éloge de son ami Beauvilliers dans les commentaires du Journal de Dangeau.
21 novembre 2011, 14:03   Re : Décivilisation
Il ne m'est pas possible d'écouter Répliques sur le site de France Culture et quant à la mise en ligne de cette émission sur le site de Renaud Camus, le silence s'installe inopinément après quinze minutes trente environ.
21 novembre 2011, 14:26   Re : Décivilisation
Citation
JGL
J'ai suivi avec intérêt le débat entre Mme Habib et Renaud Camus. Un coup de téléphone m'a empêché d'en écouter quatre ou cinq minutes

Quoi ? Mais il ne faut jamais répondre au téléphone le samedi matin de neuf à dix, voyons !
21 novembre 2011, 15:11   Re : Décivilisation
Florentin,

Je ne dirai pas que la modestie en général soit une qualité de Saint-Simon : pourquoi serait-il modeste quant à son style et orgueilleux quant à sa précision ?

Saint-Simon est très agréable à lire, de mon point de vue, grâce à ses images. Leur force est telle que la phrase, si je puis dire, s'y plie.

Quant au style, c'est celui d'un homme du monde qui écrit au courant de sa plume, avec plus de facilité pour exprimer tout ce qu'il veut dire, que de goût et de talent pour choisir son expression ; elle est quelque fois heureuse, souvent incorrecte ; négligée, embarrassée dans les constructions ; on y remarque des tournures et des locutions que l'auteur affectionne, et qui sont de ces modes passagères du langage, qui varient selon les temps et selon le ton du jour.

C'est de La Harpe, en 1799.

[books.google.fr]
21 novembre 2011, 16:11   Re : Décivilisation
C'est ici, cher Orimont. Il faut cependant faire preuve d'un peu de patience car après l'apparition de la fenêtre ad hoc il s'écoule un certain temps avant le démarrage de la diffusion. Je crois que c'est parce que l'émission est très demandée (elle était, hier en tout cas, à la première place du hit-parade de l'écoute après-coup de la station).
Utilisateur anonyme
21 novembre 2011, 16:24   Re : Décivilisation
Cher Orimont, merci de cette remarque.
L'écoute de l'émission (entière...) à partir du site camus2012 sera possible dès ce soir, veuillez m'excuser pour ce problème technique.
21 novembre 2011, 17:23   Re : Décivilisation
(A partir de la 21e minute environ) :

Renaud Camus évoque la dégradation sensible de la langue "parmi un certain milieu intellectuel" et universitaire, en particulier l'effondrement syntaxique. Il parle d'une langue "sans extérieur".

"C. H. - Écoutez, je fais comme vous au sens où je n'arrête pas de censurer la langue des uns et des autres pass'que c'est mon travail, pass'que c'est mon métier, et quand justement j'ai à enseigner Saint-Simon qui piétine la syntaxe comme ni vous ni moi n'oserions le faire ou, ch'ais pas, si j'étais contemporainéiste ou XXe-iste ou si j'enseignais Aragon chhhh si j'pétine la syntaxe c'est qu'elle peut (veut ?) être piétinée c'est du raisin, bon, vous voyez bien que...

A. F. - Mais c'est pas le même piétinement, vous le reconnaissez. Toulet aussi piétine la syntaxe, mais à partir d'une connaissance tellement intime de la langue, tellement amoureuse de la langue. On peut difficilement comparer ça, Claude Habib, avec ce qui s'entend sur les ondes, aujourd'hui, et une langue qui est quelquefois, en effet, celle des chercheurs...

C. H. (timidement) - Je le reconnais..."

Suit une brillante mise au point de Renaud Camus.
21 novembre 2011, 17:28   Re : Décivilisation
Écoutez, je fais comme vous au sens où je n'arrête pas de censurer la langue des uns et des autres pass'que c'est mon travail, pass'que c'est mon métier

C'est exactement cette phrase qui m'a fait bondir lorsque j'ai écouté l'émission. Quelle ironique surdité à sa propre parlure !
21 novembre 2011, 21:52   O culo di angelo !...
« On a trop réduit la connaissance de la langue à la simple mémoire. Faire de l’orthographe le signe de la culture, signe des temps et de sottise.
Mais c'est la manœuvre du langage qui importe, l'enchaînement des actes, l'acquisition de l'indépendance des mouvements de l'esprit ; et déliés, la liberté de leur composition dans le discours...
La syntaxe est un système d'habitudes à prendre qu'il est bon de raviver quelquefois et de rajuster en pleine conscience. En ces matières, comme en toutes, il faut se soumettre aux règles du jeu, mais les prendre pour ce qu'elles sont, ne point y attacher une importance excessive. Ne point tirer vanité de se rappeler une quantité d'exceptions. Ne point oublier qu'au temps des plus grands écrivains, les libertés étaient aussi bien plus grandes. Leur langue était plus complexe, mieux construite, plus "organisée" que la nôtre ; mais je confesse qu'ils étaient assez divisés sur la concordance des temps, incertains quant aux accords, inconstants et parfois surprenants dans leur manière d'accommoder les participes. »

Valéry, Choses tues
21 novembre 2011, 22:26   Le temps des grands écrivains
So true....
21 novembre 2011, 22:27   Re : Décivilisation
C'est très juste.
21 novembre 2011, 23:13   Re : Décivilisation
Article du Point sur le collège où Agnès et son assassin étaient scolarisés.

"Il y a des lieux où souffle l'esprit. Le Chambon-sur-Lignon est - était - de ceux-là. La bourgade de 2 800 habitants où a été violée et assassinée Agnès n'est pas une terre comme les autres. Huguenote jusqu'au bout de ses plateaux, elle cultive depuis des siècles une même tradition d'accueil, de solidarité, de résistance. Et, dès sa fondation en 1938 par les pasteurs Theis et Trocmé, le collège-lycée Cévenol, où l'adolescente était scolarisée, s'était inscrit dans cette histoire pour la prolonger.

"Une chape de plomb est tombée sur Le Chambon, une mémoire de mort", dit Gérard Bollon, ancien élève de l'établissement et historien passionné par l'histoire du plateau cévenol. Si d'autres bourgs ont par le passé vécu des drames, le deuil collectif prend ici une âpreté particulière, parce qu'il vient heurter de plein fouet les idéaux humanistes que portent depuis toujours le village et le Cévenol.


Justes

Le plateau du Lignon est seul à avoir été nommé à titre collectif "Juste parmi les nations", pour avoir protégé pendant la Seconde Guerre mondiale des dizaines d'enfants juifs : certains étaient cachés dans les fermes, d'autres dans les pensions, d'autres acheminés de nuit vers la Suisse, par les routes secrètes qui déjà au XVIe siècle servaient aux Huguenots pourchassés. La résistance coûtera la vie au pasteur Trocmé, déporté avec 18 enfants en 1943.

Dès l'ouverture de l'établissement, cet esprit se double de principes pédagogiques nouveaux, inspirés d'exemples que Magda Trocmé, l'épouse du pasteur, a découverts en Italie : liberté, autonomie, ouverture sur l'extérieur et sur autrui. L'"'École nouvelle cévenole" sera mixte et recevra toutes les nationalités, tous les profils. Surtout, elle sera sans clôtures : les bâtiments des internats et des salles de cours sont disséminés en pleine forêt, au sein d'un parc d'aujourd'hui quinze hectares installé en lisière du bourg.


Dernière chance

"On était nombreux à être des cancres, c'était un peu le collège de la dernière chance", témoigne un ancien. Passé sous contrat avec l'État, le Cévenol, international, mêle parmi ses quelque 200 élèves des fils et filles de bonne famille ou de diplomates, des enfants de réfugiés aidés par les (nombreuses) associations locales, et des gamins perturbés. L'idée : apprendre aux élèves à s'autodiscipliner.

Difficile, évidemment. Utopique, peut-être. La direction de l'établissement et l'association qui en assure la gestion en conviennent : il est évidemment plus difficile de surveiller des enfants dans une telle situation. Il y a quelques années, selon d'anciens élèves et enseignants, les problèmes de drogue et d'alcool s'y seraient multipliés au point de rendre nécessaire un changement de direction. Cela n'a pas suffi à enrayer l'hémorragie des effectifs, passés de 500 à la grande époque à 160 aujourd'hui. Dans ces conditions, les frais de scolarité explosent, de 8 000 euros en 2008 ils se montent désormais à 12 000 euros l'année pour un interne ! Mais à en juger par l'état délabré des bâtiments, cela n'a pas suffi : le lustre de cette institution très sélecte appartient désormais au passé.

Témoignages


Aujourd'hui se multiplient les témoignages de parents qui regrettent le "laxisme" de l'établissement. "À mon époque, il y avait une vraie ligne de conduite, souligne Louise, une ancienne élève du Chambon dans les années 70, qui participait à la marche blanche dimanche, épouvantée par le drame qui touche son ancien collège. En ce temps-là, le Cévenol faisait rêver. Aujourd'hui il fait peur."


Jean-Michel Hieaux, vice-président de l'Association unifiée du collège Cévenol, a répondu lundi à ces accusations au micro d'Europe 1 en assurant qu'il existait un système de "suivi" de chacun des élèves. Dimanche, il s'indignait cependant de ce que l'établissement n'ait pas été informé des raisons pour lesquelles le meurtrier présumé d'Agnès était poursuivi : s'il l'avait su, dit-il, il ne l'aurait pas accepté. La liberté et l'ouverture du Cévenol ne lui permettant pas, d'après lui, d'offrir une seconde chance à cet adolescent-là. "
21 novembre 2011, 23:18   Re : Décivilisation
C'est bien ce que je pense, une perte totale de repères.
Utilisateur anonyme
22 novembre 2011, 08:31   Re : Décivilisation
(Message supprimé à la demande de son auteur)
22 novembre 2011, 15:47   Re : Décivilisation
Enfin lu "Décivilisation". Je n'ai guère compris (certes, il s'agit d'un détail), pourquoi Renaud Camus s'en prend à la pratique des arts martiaux--expression s'il en est de la "sculpture de soi", de la forme et de l'auto-discipline. Je ne suis pas sûr non plus de comprendre pourquoi les femmes au travail seraient facteur de "décivilisation". Cela me paraît un peu paradoxal, notamment lorsqu'on juxatpose cet argument à la critique de la régression islamique. Enfin, j'ai le sentiment, après avoir écouté le "Répliques", qu'il y a confusion entre le "cool" américain et le "sympa" ou le "soi-mêmisme" à la française (le "rien à foutre" ou le "moi d'abord"). Pour avoir vécu plus de vingt ans en Amérique, le rapprochement me semble peu probant. Le "cool" américain, s'il a été importé en France, ne s'y ressemble plus du tout. Le "cool", en Amérique, c'est la simplicité des moeurs que remarquait déjà Tocqueville, et qui n'est pas seulement un symptôme de l'égalisation des conditions, mais au moins autant une marque de la tradition puritaine. Par ailleurs, je n'ai guère remarqué que le "cool" en Amérique fût le moins du monde associé avec une brutalisation des moeurs. Or, cela semble bien être le cas en France, sinon dans d'autres pays d'Europe. Les moeurs, à dire vrai, ne se sont pas brutalisées en Amérique, ces vingt dernières années. Les vieillards ont beau se promener en short, t-shirt et casquette de base-ball (suivant l'excellemment sarcastique description du jeunisme américain dans le dernier roman de John Updike), ce jeunisme ne s'accompagne guère de nocences telles qu'on en remarque en France. Il est donc douteux d'imputer à l'Amérique notre "obscénité démocratique" (Régis Debray) et le relâchement des moeurs.
22 novembre 2011, 15:53   Re : Décivilisation
Encore une remarque sur "Décivilisation" : je suis en accord total avec Renaud Camus au sujet de la mode des "pseudos". Mais pourquoi, alors, lesdits "pseudos" fleurissent-ils sur le Forum ?
22 novembre 2011, 16:43   Re : Décivilisation
Je viens d'écouter l'émission de dimanche dernier. Discussion de haute tenue effectivement, très agréable à écouter, contrairement à celle de la semaine précédente qui m'avait littéralement mis mal à l'aise. D'ailleurs, en avez-vous discuté quelque part sur le forum ? Je suis curieux de voir quelles ont été vos réactions.
Utilisateur anonyme
22 novembre 2011, 17:13   Re : Décivilisation
Citation
Bruno Chaouat
Encore une remarque sur "Décivilisation" : je suis en accord total avec Renaud Camus au sujet de la mode des "pseudos". Mais pourquoi, alors, lesdits "pseudos" fleurissent-ils sur le Forum ?

Pur devoir de réserve de ma part, étant fonctionnaire.
22 novembre 2011, 17:17   Re : Décivilisation
Il ne s'agissait pas de blâmer qui que ce soit. Il se pourrait, je le crains, que Renaud Camus ait raison et qu'il y ait des opinions non publiables, ce qui en dit long sur l'état de nos "démocraties".
22 novembre 2011, 17:18   Re : Décivilisation
« D'ailleurs, en avez-vous discuté quelque part sur le forum ? »

Sur ce fil-même, plus haut.
Utilisateur anonyme
22 novembre 2011, 17:27   Re : Décivilisation
Citation
Bruno Chaouat
Le "cool" américain, s'il a été importé en France, ne s'y ressemble plus du tout. Le "cool", en Amérique, c'est la simplicité des moeurs que remarquait déjà Tocqueville, et qui n'est pas seulement un symptôme de l'égalisation des conditions, mais au moins autant une marque de la tradition puritaine. Par ailleurs, je n'ai guère remarqué que le "cool" en Amérique fût le moins du monde associé avec une brutalisation des moeurs.

Cette remarque rejoint une discussion de naguère et une réflexion que je m'étais faite. Je suis d'accord avec vous : l'américanisation de l'Europe a lieu, c'est vrai, mais de manière tératologique. Nous singeons ce que nous croyons être l'Amérique, mais il en résulte quelque chose qui n'est même pas vraiment une américanisation des moeurs.

En fait, ces cinquante dernières années, de l'Amérique de nous avons essentiellement importé et adopté le ghetto. Et que sont nos jeunes de banlieue, sinon des noirs New-Yorkais putatifs et putassiers, fort semblables à ceux qu'on croiserait à Harlem (si on osait y mettre les pieds (quoique Harlem s'est, paraît-il, boboïsé...)), dans le Bronx, et bien sûr à Detroit, ville qui semble offrir ce qu'il y a de pire en la matière ?

D'autres disent que c'est le Brésil (ce mélange de fric et d'hyperviolence) qui, bien plus que l'Amérique, est notre avenir. Je pense qu'ils ont tout aussi raison.

Et ça m'incite à relire La Salle des Pierres, tiens.
22 novembre 2011, 17:55   Re : Décivilisation
"En fait, ces cinquante dernières années, de l'Amérique nous avons essentiellement importé et adopté le ghetto."

Le ghetto, c'est l'emprunt le plus récent. La liste serait vraiment trop longue à dresser de ce que nous avons importé et adopté des Etats-Unis en matière de moeurs (quitte, bien sûr, à les singer), à partir des années cinquante.
22 novembre 2011, 18:24   Re : Décivilisation
Citation
Le ghetto, c'est l'emprunt le plus récent. La liste serait vraiment trop longue à dresser de ce que nous avons importé et adopté des Etats-Unis en matière de moeurs (quitte, bien sûr, à les singer), à partir des années cinquante.

La liste des emprunts à l'anglo-américain donne le tournis. Mais je crois que l'allemand est encore plus touché que le francais.
23 novembre 2011, 10:23   Re : Décivilisation
" Décivilisation " est un livre que devrait méditer, avoir à son chevet, tout homme politique préoccupé de l'avenir de ce pays. Je n'aurais qu'un petit désaccord avec l'auteur quand il affirme, comme il l'a fait souvent, que, selon lui, aucun complot n'est à l'origine de cette course folle à l'égalité radicale.
C'est en 68 que le projet de chambouler l'école a émergé et commencé aussitôt à être mis en oeuvre avec, entre autres, la fin du collège unique. Mais, bizarrement, il se trouve que, jusque là, jamais le peuple des "non héritiers" ne s'était plaint de l'école républicaine telle qu'elle fonctionnait. Au contraire, il en admirait les professeurs et proclamait volontiers sa gratitude envers ladite école. Dans les années 80, les parents non héritiers de la première génération à essuyer les plâtres du chamboulement scolaire n'avaient pas de mots assez durs pour regretter ce chamboulement ni assez forts pour dire leur indignation devant le perte d'autorité et de prestige des professeurs. Ce n'est qu'à la deuxième génération que les enfants formés et formatés par le nouveau système et devenus à leur tour parents ont accepté celui-ci comme allant de soi.
Or ceux qui ont conçu et promu cette nouvelle école étaient, eux, de la classe des héritiers. Ils ont donc volé la parole au peuple, ont parlé en son nom sans l'écouter en lui faisant dire le contraire de ce qu'il pensait et souhaitait. II y a donc bel et bien eu dès le départ au minimum une manipulation des non héritiers par les héritiers et la mise en place d'une propagande visant habilement à discréditer cette école républicaine soi disant incapable d'assurer la réalisation de son idéal d'égalité entre tous les citoyens. Ce qui était totalement faux et que les non héritiers se référant à leur mémoire familiale savaient aussi totalement faux. En effet, le système éducatif républicain avait à peine 80 ans d'âge, ce qui est fort court pour faire accéder tous les citoyens d'un pays à l'égalité surtout quand ils ont traversé deux abominables guerres. Toutefois le mouvement était bel et bien en marche. La première étape: fut la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans c'est-à-dire à peu près jusqu'au certificat d'études dont se contentaient les non héritiers sauf pour les plus doués d'entre eux. Puis après la dernière guerre la scolarité a été rendue obligatoire jusqu'à 16 ans, ce qui a permis à ces enfants du peuple d'entrer au collège et à partir de là de poursuivre au lycée. Et dès le début des années 60, il était parfaitement avéré que l'ascenseur social fonctionnait désormais à la satisfaction entière des non héritiers, lesquels accédaient en masse à l'instruction secondaire, passaient les mêmes examens et les mêmes concours que les héritiers, y réussissant de mieux en mieux et de plus en plus. Il est évident que le mouvement ne pouvait aller qu'en s'accélérant. Et si le peuple savait cela, les héritiers, gens plus instruits que lui, le savaient encore mieux.
C'est pourquoi il me me semble que si l'on ne peut pas parler de complot proprement dit au sens où personne ne s'est mis autour d'une table pour façonner un projet en grand secret, il se pourrait qu'il y ait eu dans l'inconscient de ces manipulateurs l'idée d'écarter de l'ascenseur social les enfants du peuple qui commençaient à y réussir nombreux et à leur faire de l'ombre. Ce n'est sans doute pas un hasard, non plus, si ces mêmes héritiers sont, aujourd'hui, si méprisants de l'ascension républicaine au mérite, et favorable à la discrimination positive . Dans de nombreux domaines ils pratiquent de plus en plus celle-ci pour eux-mêmes : ce qu'on appelle aujourd'hui les " réseaux " , dont le peuple est totalement écarté, est le nouveau vocabulaire pour dire le " piston ". Ainsi la boucle est bouclée et le peuple, particulièrement le peuple " de souche " sans réseaux, réduit à une école qui ne lui permet plus de s'élever socialement, est renvoyé comme jadis à la place que, selon les héritiers, il n'aurait jamais dû quitter.
23 novembre 2011, 13:27   Re : Décivilisation
Pour une critique libre des élites de gauche et de leur trahison des gens ordinaires, voir, également, le dernier livre de Michéa...
23 novembre 2011, 15:31   Re : Décivilisation
Citation
Bruno Chaouat
Je ne suis pas sûr non plus de comprendre pourquoi les femmes au travail seraient facteur de "décivilisation". Cela me paraît un peu paradoxal, notamment lorsqu'on juxtapose cet argument à la critique de la régression islamique.

Je n'y vois aucune contradiction, bien au contraire. En l’occurrence la régression islamique n'en est pas une sur le sujet de la transmission par la mère (hélas). Cela dit, comparer la mère au foyer occidentale moderne à la mère emburquée est un piège, dans lequel sont tentées de s'engouffrer certaines occidentales perdues (en mal de père, de mari, bref : d'homme, mais pas seulement). Comme le soulève à juste titre Renaud Camus dans son ouvrage, cette question ô combien dérangeante mériterait d'être posée, même si elle n'est peut-être pas de tout premier ordre au sujet de notre décivilisation. Les musulmans semblent avoir parfaitement conscience de l'importance du "bain culturel et familial" dont ils entendent faire bénéficier leur progéniture dès la naissance, et de l'enracinement important dont dépend ce contexte culturel et familial.

J'analyse bien souvent le retour précoce au travail des femmes comme une défausse (de leur rôle de mère) de leur part. J'entends d'ici les féministes hurler, mais tant pis, j'assume. Je dis "bien souvent", car je connais le cas de plusieurs couples ayant fait le choix d'une réduction importante de salaire pour que la mère, ou plus rarement le père, puissent s'occuper de leur(s) enfants(s) durant la petite enfance. Il ne s'agit pas seulement de moyens financiers (sans vouloir généraliser : je ne nie pas que dans certains cas les femmes n'aient guère d'autres choix que celui de travailler), mais d'un choix de vie plus ou moins temporaire. Il se trouve même des parents prêts à se priver d'une wii ou d'un iTruc dernier cri pour être au plus près de leur descendance durant ces quelques mois ou années cruciales de l'enfance. Si, si, je vous assure.

Le contexte français est paraît-il le meilleur d'Europe : les Françaises y seraient plus libres de choisir de rester au foyer ou de trouver de bonnes conditions de garde pour pouvoir reprendre leur travail là où les Allemandes et les Italiennes préfèrent ne pas avoir d'enfants plutôt que d'être obligées de "s'enfermer" à la maison.

C'est sans doute vrai, mais nous sommes en droit de nous interroger sur les soi-disant "bonnes conditions" et aussi sur le gain réel que représente le choix de faire garder ses enfants, sur un plan civilisationnel. Personnellement je ne trouve ni souhaitable, ni même acceptable l'idée de retrouver à la fin d'une journée de travail mon enfant sous la table en train d'effectuer "sa prière" et de dire des mots d'arabe, comme cela s'est vu récemment dans une famille parisienne. Certains y voient une ouverture à l'Autre salutaire et un exotisme émoustillant. Un peu comme cette classe de maternelle allemande en visite à la Mosquée du coin en somme. À chacun de juger. Vous me direz que je cherche la petite bête et que le cas n'est pas fréquent... Je vous répondrais que par les temps qui courent, cela ne se présente plus si rarement, et il est même possible de trouver quelques témoignages embarrassés de parents découvrant que leur enfant a ingurgité de la nourriture halal au déjeuner.

Mais ne poussons pas jusqu'au choc culturel. Je vais vous confier une anecdote personnelle : ayant fait le choix d'être mère au foyer à la naissance de mon aîné, plusieurs de mes amies devenues mères elles aussi m'ont avoué trouver difficile de reprendre le travail à l'heure prévue. Certaines ont tranché la question, non sans questionnements et doutes, d'autres ont persisté dans le choix de la reprise du travail. Pour ces dernières, trouver leur bonheur en matière de garde d'enfants fut pour le moins compliqué. À tel point qu'au moins trois d'entre elles, désespérées, auraient aimé me voir prendre le métier d'assistante maternelle et me l'ont demandé ouvertement à plusieurs reprises. Question de confiance bien sûr, mais aussi... question de culture. J'en fus la première étonnée. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles n'étaient pas ravies d'imaginer leurs bambins des mois entiers dans une ambiance culturelle pauvre et en compagnie de nounous charmantes, aimantes et sérieuses, mais au langage plus ou moins incertain, là où mes petits bénéficiaient par exemple de musique (la seule, la vraie, est-il besoin de préciser) au quotidien. Elles finirent par en prendre leur parti et y trouver plus ou moins leur compte, mais je ne m'attendais pas à ce que ces considérations soient déclarées ouvertement. (Comme quoi, tout n'est peut-être pas perdu.) Voilà pour l'anecdote.

D'autre part, je ne peux m'empêcher d'être perplexe quant au mal-être des mères modernes. Comme le disait Orimont de manière très pertinente sur un fil ancien : comment en est-on arrivé à ce que les mères se sentent plus utiles devant une machine à café au bureau qu'en tête à tête avec leur nourrisson ? C'est pourtant un constat banal. N'y aurait-il pas là encore le constat d'un certain manque de responsabilité, ou plutôt d'une non-volonté d'assumer son rôle de mère, de parents ? Pourquoi cette tâche paraît ingrate, difficile, voire impossible à nombre de gens ? C'est une question.
Utilisateur anonyme
23 novembre 2011, 18:15   Re : Décivilisation
Pour dire les choses plus brutalement, j'ai de plus en plus l'impression que le choix d'avoir un enfant est, chez une quantité importante de jeunes gens d'aujourd'hui, un pur caprice. Un peu comme un enfant qui voudrait avoir un petit animal domestique, puis cesserait de s'en occuper sérieusement au bout de quelques jours, parce que la nouveauté serait passée.

L'idéologie dominante dit qu'il faut se marier et avoir des enfants pour « être heureux », comme elle dit qu'il faut être antiraciste pour être quelqu'un de « bien ». Et les gens suivent ce programme pré-digéré sans comprendre les enjeux de ces croyances qu'on leur a vendues, sans prendre la mesure exacte de ce qu'ils font. Et bien sûr, ça ne marche pas. Alors ils divorcent. Puis se marient de nouveau. Et ça ne re-marche pas. Et ainsi de suite, jusqu'à la création de ces horreurs modernes que sont les familles recomposées, dont les enfants sont alternativement laissés à eux-mêmes et gavés de cadeaux débiles (consoles vidéos et j'en passe). Bref, ce sont ces enfants complètement fous, complètement ensauvagés et issus de parents incultes qui n'ont pas voulu ou pas su prendre leurs distances vis-à-vis de la modernité déstructurante, que les profs sont censés éduquer (puisqu'il n'est déjà plus question d'enseigner quoi que ce soit d'un peu consistant....)

Il est nécessaire de faire le lien entre le désastre de l'Ecole, qui se voit nettement, et le désastre des familles, qui est par définition caché (mais qu'on repère tout de même très bien si l'on est un peu observateur). Décivilisation le fait très bien.

Les trentenaires d'aujourd'hui sont de grands enfants qui continuent, même diplômés (rendons grâce au passage à la planche à diplômes !), de jouer à la console, d'aimer les dessins animés et les BD. Il faut dire qu'ils ne connaissent rien d'autre.

Ces nouveaux parents n'ont ni culture ni métier à transmettre (Michel Houellebecq le dit très bien dans Les Particules Elémentaires), autrement dit : rien. Par conséquent, leurs enfants n'ont aucun autre horizon que de se mettre devant la télé et profiter à fond des joies du collège unique, ou inique, en attendant d'avoir, s'ils ont de la chance ou du piston, un emploi. Et de reproduire, en l'aggravant, la folie (et donc l'impéritie) de leurs aînés.
23 novembre 2011, 18:47   Re : Décivilisation
Je suis d'un avis tout contraire : une mère qui travaille peut être un "role model" et pour un fils, et pour une fille. Je connais des mères (des "mamans" !) qui ne travaillent pas et sont bien moins responsables que d'autres qui travaillent. Tout dépend aussi de l'occupation dont on parle. Certaines occupations, hélas, sont particulièrement enrichissantes et nourrissent les enfants de récits extérieurs à la maison (souhaiteriez-vous qu'une E. de Fontenay, une J. de Romilly, une Claude Habib, fussent restées mères au foyer ? Pensez-vous vraiment que cette inertie aurait ralenti le mouvement de décivilisation ?)
23 novembre 2011, 19:01   Re : Décivilisation
La nature n'est pas une idéologie dominante.
24 novembre 2011, 12:13   Re : Décivilisation
"(souhaiteriez-vous qu'une E. de Fontenay, une J. de Romilly, une Claude Habib, fussent restées mères au foyer ? (...)"

Argument de même farine que celui qui consiste à évoquer Picasso, Charles Aznavour ou Dutillieux pour convaincre des quidams de travailler dix ans de plus dans n'importe quel boulot.

Ce n'est pas parce que Jacqueline de Romilly n'est pas restée au foyer qu'elle a produit son oeuvre, c'est parce qu'elle avait cette oeuvre à produire qu'elle n'est pas restée au foyer.
24 novembre 2011, 12:39   Re : Décivilisation
N'oubliez pas Henri Salvador.
24 novembre 2011, 12:46   Re : Décivilisation
Et si Stéphane Hessel avait choisi de faire grand-père au foyer, comme métier ? Vous imaginez le manque atroce ?
24 novembre 2011, 12:54   Re : Décivilisation
J'y crois pas !
24 novembre 2011, 15:32   Re : Décivilisation
Le texte de Jack est à pleurer.

Parce qu'il est vrai, dans sa brutalité.
24 novembre 2011, 16:30   Re : Décivilisation
Cher Orimont,
Vous énoncez une fois de plus l'aporie de la poule et de l'oeuf. Votre objection ne vaut, d'un point de vue logique, sans doute pas mieux que mon argument que vous délégitimez par l'ironie.
24 novembre 2011, 16:56   L'oeuf, la poule et le pigeon
Veuillez excuser mon ironie, cher Bruno, mais cet argument est l'un de ceux qui a le don de m'agacer. Va pour l'aporie de l'oeuf et la poule, que j'admets volontiers et qui offrirait matière à méditation si, malheureusement, elle ne couvait un beau pigeon qu'on envoie au charbon à durée indéterminée en lui donnant à croire qu'il partage le destin d'une académicienne, d'un peintre ou d'un chanteur de variétés hors du commun.
D'accord avec Orimont.
(sauf pour "un de ceux qui a"...)
(sauf pour "un de ceux qui a"...)

Vaste question...
Vaste question ? Ah non, "ceux qui" ne laisse absolument pas le choix de l'accord.
Oui, ceux qui, ceux qui, mais... UN de ceux-là m'agace, c'est lui qui fait l'action de m'agacer et, par erreur sans doute, je n'entends que lui, au mépris de la règle grammaticale.

Cet argument est l'un de ceux qui ont le don de m'agacer, oui, c'est plus juste mais cela n'isole pas suffisamment l'argument.

Il faudrait sans doute tourner la phrase autrement.

... mais cet argument, parmi d'autres, a le don de m'agacer

Bof.
27 novembre 2011, 00:34   Re : Décivilisation
Les relations Hommes Femmes exposées d'un point de vue anagogique par le rabbin Ravdynovisz ne manque pas d'intérêt même si les démonstrations par les références à la Torah peuvent laisser par moments perplexe.

[www.ravdynovisz.tv]

(conférence vidéo de cette semaine)
27 novembre 2011, 00:42   Re : Décivilisation
Serait-ce l'âme de Platon qui plane sur le Talmud .
27 novembre 2011, 01:25   Re : Décivilisation
Un peu dirait-on...(En plus compliqué puisque selon le rabbin une partie du sexe opposé est dans chacun des sexes et qu'il s'agirait plutôt de se débarrasser de cette partie encombrante et source des conflits).
27 novembre 2011, 03:48   La femme du boulanger
C'est un rabat-joie ce Dynovisz, oh, je connais le genre... Pas question de décoller les miches en pleine cuisson !
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