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ll me semble que le Catharisme partait de l'idée de l'imperfection constitutive du monde et s'appuyait sur la nostalgie du tout-autre...
En effet, il me semble qu'il y ait eu là le présupposé du principe mauvais en soi de la nature dans son ensemble, en tant que matière et apparaître. Le réel manifesté est irrémédiablement un pis-être, une déchéance, une corruption de laquelle on ne peut que vouloir s'extraire.
Cette contemption de la matière du réel manifesté, ce rejet en bloc à seule fin digne de l'homme de s'en dégager, est je crois étrangère à l'islam.
La comparaison avec le gauchisme pèche aussi en ce sens, si l'on admet ces prémisses, que ce dernier vise à amender le monde, le rendre meilleur et plus viable, mais il ne s'agit que de ce monde-ci. Un tel optimisme immanent au monde est pour le cathare, dans ces conditions, inenvisageable.
Tout à fait par hasard j'ai relu ceci récemment :
« Pour Plotin en revanche la "matière" représente le mal absolu, le complet non-être ; elle est incapable d'être jamais parfaitement "informée", elle n'est jamais vraiment pénétrée par l'"
eidos" mais conserve au contraire, même lorsqu'il lui arrive d'être (apparemment) "informée", les caractéristiques de la négativité, de la stérilité et de l'hostilité ; il y a dans la matière une impassibilité devant la forme et quelque chose en elle qui, du point de vue de cet "
eidos", justement parce qu'elle demeure toujours étrangère à l'"
eidos", lui résiste. Dès lors, dans la philosophie de Plotin, qui par "
eidos" entendait non pas seulement la forme aristotélicienne, mais également l'Idée platonicienne, l'antagonisme de la forme et de la matière prend l'aspect d'un conflit entre la force et l'inertie (celle-ci faisant obstacle à la force), entre la beauté et la laideur, entre le bien et le mal. »
Erwin Panofsky,
Idea