Citation
Renaud Camus
Oh, je ne pense pas que nous prêtions trop à ambiguïté... Et pareil procédé pourrait attirer l'attention sur notre thème de la colonisation, et montrer que nous sommes sérieux à son sujet. Il me semble que la démarche pourrait être polémiquement productive. Après tout nous cherchons à nous constituer un arsenal langagier et idéologique, est-ce que nous ne pas ?
Bien sûr, si ce n'est que le mot d'"arsenal" est peut-être un peu trop explicitement connoté en référence à un contexte guerrier et, compte-tenu de la pesanteur idéologique que nous subissons actuellement, nos thèses prêtent suffisamment le flanc à la critique pour que nous n'ayons pas besoin de donner davantage de verges pour nous faire battre en utilisant des expressions trop agressives. Le problème du FN n'a-t-il pas été que, par ses outrances langagières répétées, il ait définitivement contaminé et rendu impossible tout débat sérieux et dépassionné sur l'immigration, l'islam et autres ? Quand je lis ou j'entends à la télévision des gens comme ceux de Riposte Laïque, je me dis qu'ils ont raison sur le fond mais tort sur la forme : en employant des mots chocs, des tonalités désespérées ou des dessins grotesques, on n'incite pas à la réflexion et on se place soi-même dans le camp des extrémistes, ce qui ne peut être que contre-productif.
J'ajouterais, de surcroit, que la différence majeure entre la colonisation et la contre-colonisation est que, dans le premier cas, elle est formelle et se fait "par le haut", c’est-à-dire par l'instauration de lois et d'un pouvoir établis par la puissance coloniale, qui se transmettent ensuite à toutes les couches de la population sans qu'il y ait forcément besoin d'un grand nombre de colons pour maintenir le nouvel ordre en place. La "contre-colonisation" actuelle suit un schéma inverse, elle se fait "par le bas" et nécessite un grand nombre d'individus pour être mise en place sur le terrain, ce qui entraîne une multitudes de petits changements au niveau local (c'est notamment visible dans le cas de l'islam : multiplication des prières dans les rues, des revendications, des pressions sur les individus pour qu'ils adoptent certaines règles) qui finissent par remonter et se traduisent, au somment de la pyramide du pouvoir, par un infléchissement des règles communes, qui entérinent ainsi la transformation sociétale (le multiculturalisme, la diversité, l'antiracisme dogmatique, la discrimination positive et autres processus d'intégration inversée). Mais il s'agit là le plus souvent de discours informels et flous, non immédiatement directifs ou coercitifs, qui visent plus à changer les mentalités qu'à contraindre explicitement, ce qui fait qu'il est beaucoup plus dur de les réfuter. Regardez ce qui se passe pour la "discrimination positive", par exemple : personne ne dit explicitement les consignes (qui se résumeraient à : "favorisez les gens issus de l'immigration au détriment des Blancs") et pour cause, car elles seraient tout bonnement illégales. Non, on parle plutôt de "favoriser la diversité", de "représenter mieux la société" et autres formules en apparence évasives mais qui débouchent sur la même chose, en conditionnant les comportements. Même chose pour la censure ou la propagande : il n'y a pas d'interdiction officielle ou d'idéologie officielle qui émanerait d'une officine d'Etat clairement définie : tout se fait de façon détournée, mal identifiable, avec l'apparence de la normalité ; les idées se diffusent ainsi comme une mode ou un air du temps, les bouches et les yeux se ferment par réflexe d'autocensure, tout se fait "en creux", progressivement, sans que nous ayons eu le temps de nous en apercevoir (les effets les plus visibles du Grand Remplacement ont eu lieu longtemps après son commencement).
Ces différences avec une colonisation au sens où on l'entend habituellement font qu'il est encore plus périlleux, à mon avis, d'utiliser des mots sujets à controverse. Plutôt qu'un arsenal idéologique (laissons cela aux Amis du Désastre, car idéologie suppose rigidité de la pensée, vision unique du monde et absence de débat, et il ne serait pas glorieux de se revendiquer de telles méthodes), il conviendrait, je pense, d'analyser soigneusement la situation et de prendre les Amis du Désastre à leur propre piège en démontrant de façon claire, logique et sans outrance en quoi leurs concepts sont manipulateurs et leurs vérités fausses.