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Tradition ou raison

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
15 janvier 2012, 00:58   Tradition ou raison
La lecture de "L'Abécédaire de l'In-nocence" m'inspire la réflexion suivante.

Le Parti semble encore trop empreint du vieil esprit classique français fondé sur la raison raisonnante et à prétention universelle. Ou du moins il ne prend pas assez ses distances avec cet esprit que décrit Taine dans ses "Origines de la France contemporaine" et qui nous a mené jusqu'au délires rationalistes de la Révolution française et à sa prétention à vouloir fonder en raison toute politique.

D'un autre côté le Parti se revendique d'une certaine tradition française dans les mœurs, la culture, la composition de sa population. Mais ce discours ne semble se fonder sur rien si ce n'est sur la nostalgie d'un paradis perdu.

Fonder une politique sur la Raison c'est s'exposer aux contradicteurs qui vous opposeront au nom de la même raison le multiculturalisme, l'universalisme, la tolérance à l'égard de toutes les religions, la compréhension de tous les comportements, le mariage homosexuel, la théorie du genre.

La référence à la tradition ne sera que rabâchage du "bon vieux temps" s'il ne se fonde sur la revendication politique d'un retour à la Tradition à la place (ou à côté si on veut) de la Raison comme seul fondement en politique.

Il me semble donc que le Parti n'ose pas franchir le pas et se déclarer pour un retour à la Tradition en politique contre la Raison totalitaire.

Cette revendication serait une rupture par rapport au discours majoritaire depuis la Révolution française et une contestation de l'esprit classique. Mais ce serait peut-être aussi la tentative d'instaurer un nouveau romantisme en politique.
15 janvier 2012, 01:16   Re : Tradition ou raison
Brunetto, qu'entendez-vous par "Tradition" ? Celle de Guénon, celle de Monseigneur Lefebvre...?
Il est d'ailleurs curieux de voir que les traditionalistes dans la veine guénonienne se sont tournés vers l'Islam, y voyant un système traditionnel encore plus ou moins vivant.
Donc, pour poser une entité spirituelle face à l'Islam, il n'est pas sûr qu'énoncer "Tradition" soit bien suffisant... Ou alors quoi, le catholicisme?
Autre question : la raison n'est-elle pas au fondement de la tradition de l'Occident, de Socrate à Einstein? Dans ce cas votre message n'a plus de sens.
Utilisateur anonyme
15 janvier 2012, 03:25   Re : Tradition ou raison
Citation
Loik A.
Brunetto, qu'entendez-vous par "Tradition" ? Celle de Guénon, celle de Monseigneur Lefebvre...?
Il est d'ailleurs curieux de voir que les traditionalistes dans la veine guénonienne se sont tournés vers l'Islam, y voyant un système traditionnel encore plus ou moins vivant.
Donc, pour poser une entité spirituelle face à l'Islam, il n'est pas sûr qu'énoncer "Tradition" soit bien suffisant... Ou alors quoi, le catholicisme?
Autre question : la raison n'est-elle pas au fondement de la tradition de l'Occident, de Socrate à Einstein? Dans ce cas votre message n'a plus de sens.

Je parle de la raison raisonnante et raisonneuse : celle qui prétend régir l'ensemble de nos actions individuelles, sociales et politiques en la soumettant au jugement individuel. Celle qui prétend que la différenciation sexuelle est aussi affaire de choix personnel. Affaire de choix personnel aussi le fait de décider de la vie ou de la mort d'un enfant à naître ou d'un vieillard malade. Affaire de choix personnel l'appartenance à une collectivité. Affaire de choix personnel la décision de se soumettre ou pas aux règles de vie de cette collectivité.

Mais aussi cette Raison qui, inscrite dans la loi, permet aux choix individuels de s'affirmer et donc donne le droit d'avorter, d'euthanasier, de faire fi des règles de vie de la société qui vous reçoit validant ainsi le droit exorbitant de l'individu de choisir dans tous les domaines.

Mais comment ne donnerait-elle pas ce choix puisque la loi général et le jugement individuel sont filles de la Raison raisonnante et universelle.

Monsieur Camus a écrit dans "La grande Décivilisation" que le problème de la démocratie était qu'elle s'invitait dans des domaines où elle n'avait rien à faire comme l'éducation ou la culture.

Eh bien il est certains domaines ou la Raison n'a rien à faire et où son action est mortifère. Toutes les actions de ce que votre Parti nomme les amis du Désastre sont parfaitement fondées en Raison. Vous ne pouvez donc leur opposer que la Tradition.

Pourquoi vouloir me faire rentrer dans vos "fillettes" mentales : Guénon et Mgr. Lefebre. Peut-on ici parler de Tradition sans pour autant déclencher les fureurs taxinomistes dignes des colonnes (infernales) de Libération?

La Tradition est pour moi tout ce qui se fonde nos moeurs, nos pratiques politiques et sociales et qui n'est pas justifié ou pas encore par la raison dissolvante.

Socrate n'obéïssait-il pas lui aussi à des règles qui n'étaient pas fondées en raison lorsqu'il demandait qu'on sacrifie un coq à Esculape. Il me semble qu'il a préféré la fidélité à la Tradition (l'obéïssance aux Lois) plutôt que la vie. Or la Raison raisonneuse aurait exigé qu'il préfére la vie et qu'il dénonce la Loi.

La raison d'Einstein me semble appartenir à la raison technicienne et n'a rien à voir avec celle que j'essaie maladroitement d'analyser n'ayant pas votre grille intellectuelle (Guénon, etc.etc.)
15 janvier 2012, 04:02   Re : Tradition ou raison
Vous n'avez pas pris en compte l'argument de la raison comme fil d'Ariane tout au long de la civilisation occidentale... Ou plutôt, le fil d'Ariane de notre civilisation me semble être : la recherche de la vérité.
Vous croyez que l'on meurt de "trop de raison" ; depuis l'Ecole de Francfort, c'est une des musiques préférée des Amis du Désastre, cette dénonciation de "la Raison occidentale", par nature impérialiste et destructrice, qu'on oppose au "droit à la différence".
On meurt ce me semble de l'abandon du projet fondateur, celui de la philosophie, projet rejeté à partir des post-modernes (voire, de Nietzsche), quand il est devenu un article du Dogme que "la raison n'est qu'un prétexte à la volonté de puissance, aux intérêts, aux pulsions..." La raison s'est vue désavouée, et les hommes livrés aux idoles de leurs valeurs ou de leurs intér^rets non universels.
C'est à cause de l'abandon du projet même de la Raison que notre civilisation s'abîme. Si l'on ne remonte pas là, il est peu probable que l'on puisse s'échapper du destin qui nous semble promis...
15 janvier 2012, 04:02   Re : Tradition ou raison
» Mais comment ne donnerait-elle pas ce choix puisque la loi général et le jugement individuel sont filles de la Raison raisonnante et universelle.

Absolument. Et plus sera universelle la « Raison », plus je ferai c'que j'veux, moi, non mais...
Franchement, Brunetto, vous poussez tout de même la confusion des termes à un comble inusité : quel est le lien entre le "jugement individuel" et le "choix personnel" et entre une inférence logique qui oblige nécessairement, par force apodictique absolument inflexible, et qui se soucie comme d'une guigne de toute préférence personnelle qu'on pourrait bien avoir ??
Utilisateur anonyme
15 janvier 2012, 13:16   Re : Tradition ou raison
Citation
Alain Eytan
» Mais comment ne donnerait-elle pas ce choix puisque la loi général et le jugement individuel sont filles de la Raison raisonnante et universelle.

Absolument. Et plus sera universelle la « Raison », plus je ferai c'que j'veux, moi, non mais...
Franchement, Brunetto, vous poussez tout de même la confusion des termes à un comble inusité : quel est le lien entre le "jugement individuel" et le "choix personnel" et entre une inférence logique qui oblige nécessairement, par force apodictique absolument inflexible, et qui se soucie comme d'une guigne de toute préférence personnelle qu'on pourrait bien avoir ??

Je n'ai pas bien compris le sens votre question. Je vous remercie de bien vouloir me l'expliciter.
15 janvier 2012, 14:00   Re : Tradition ou raison
On meurt ce me semble de l'abandon du projet fondateur, celui de la philosophie, projet rejeté à partir des post-modernes (voire, de Nietzsche)
Ou alors Nietzsche a voulu dire que la philosophie mourrait si elle ne s'occupait pas enfin de pratique dans la vie, au lieu de s'arrêter uniquement à la théorie. Car la philosophie comme disait un certain professeur de philosophie, ce n'est pas s'asseoir les jours de pluie et contempler dehors par la fenêtre.
15 janvier 2012, 16:23   Re : Tradition ou raison
Ne vous déplaise Brunetto, la Raison, c'est la Tradition de l'Occident, c'est aussi ce qui fait son irremplaçable beauté, presque son mystère.
15 janvier 2012, 16:48   Re : Tradition ou raison
celle qui prétend régir l'ensemble de nos actions individuelles, sociales et politiques en la soumettant au jugement individuel. Celle qui prétend que la différenciation sexuelle est aussi affaire de choix personnel. Affaire de choix personnel aussi le fait de décider de la vie ou de la mort d'un enfant à naître ou d'un vieillard malade. Affaire de choix personnel l'appartenance à une collectivité. Affaire de choix personnel la décision de se soumettre ou pas aux règles de vie de cette collectivité.

Comment faites vous pour mettre ainsi en relation d'identité la raison et "l'affaire de choix individuel" ? Vous brouillez tout, ce qui semble bien dans votre cas et dans cette discussion, en effet, être une affaire de choix individuel. Je vous en prie, si vous abordez une problématique aussi fondamentale, tâchez d'être un peu plus kantien. Je m'aperçois à l'instant qu'Alain Eytan est intervenu pour vous "rappeler à l'ordre", si l'on peut dire, sur ce point précis. Ce qui se propose chez certains comme "choix individuel" est très souvent le fruit d'une tradition récente, en train de se faire. La publicité, dans le monde moderne, depuis les années 30, avec l'aide de la psychanalyse, par exemple, réintroduit, par l'irrationalisme, la tradition, une tradition instantanée dans l'expression du choix individuel, si bien que l'on peut dire que cette manière de tradition (le sac à main vert, très tendance en Amérique dans le milieu des années 50 parce que sa couleur était celle de cigarettes mentholées que l'industrie proposait désormais aux dames -- cela n'est qu'un exemple de "tradition" fausse qui se fond à un faux "choix individuel") très fortement en concurrence, et toujours sur elle victorieuse, faut-il le rappeler, avec la Tradition que vous habillez d'un grand T, massacre la "raison raisonnante" et s'empare des rênes des choix individuels.

La raison, qui est née en Occident, est une fille bien de chez nous, qui plait beaucoup et qui fascine toutes les cultures païennes qui ne rêvent, en 2012, que de la faire leur. L'hergémonisme (cf Du Sens) est une manière occidentale de cratylisme, même si cela est triste pour Cratyle qui n'en finit pas de mourir en Occident, jusqu'à ce que l'on comprenne qu'en mourant Cratyle livre son âme à Hermogène qui la reprend à son compte et s'en transfigure. (La République, par exemple dans ses principes et actualisations universels est fille du cru d'Occident).

La dichotomie que vous proposez (Tradition vs. Raison raisonnante) qui pose la Tradition comme nue et ancestrale et la Raison comme pervertie car arraisonnée aux "choix individuels", paraît inopérante et sans valeur dès lors que la machine déraisonnante, celle des désirs induits et attisés par l'économie marchande et sa communication, par exemple, crée des traditions instantanées que les publicistes nomment "tendance" (l'avortement lui-même, puisque vous l'évoquez, fut "tendance" à une époque), cependant que la Raison, qui me permet ici d'objecter à votre dichotomie, reste la source inépuisable de nos armes, de nos outils et de nos contre-poisons contre toute déraison et toute fausse tradition.
Utilisateur anonyme
15 janvier 2012, 17:24   Re : Tradition ou raison
Citation
Francis Marche
Ne vous déplaise Brunetto, la Raison, c'est la Tradition de l'Occident, c'est aussi ce qui fait son irremplaçable beauté, presque son mystère.

Bon, bon. Je pensais qu'on avait un peu plus le sens des nuances. je parlais de la raison raisonnante celle qui considère que tout, absolument tout doit être fondé en raison. J'ai dû m'exprimer de façon maladroite. Je vais citer Taine pour vous faire mieux comprendre ce que je visais :

"Mais voici que les rôles s'intervertissent ; du premier rang, la tradition descend au second, et du second rang, la raison monte au premier. (...) Il arrive un moment où, la seconde autorité ayant dépossédé la première, les idées mères que la tradition se réservait tombent sous les prises de la raison. L'examen pénètre dans le sanctuaire interdit. Au lieu de s'incliner, on vérifie, et la religion, l'Etat, la loi, la coutume, bref, tous les organes de la vie morale et de la vie pratique, vont être soumis à l'analyse pour être conservés, redressés ou remplacés, selon ce que la nouvelle doctrine aura prescrit. (Les origines de la France contemporaine, chapitre III, I)."

Par ailleurs je ne reprenais pas cette relation entre raison et tradition pour en débattre mais pour définir la position du P.I. à égard à cette problématique.

Le P.I. me semble être "sentimentalement" du côté de la tradition mais tout se passe comme s'il n'osait pas se l'avouer et continuait à se placer sous les auspice de la raison raisonnante pour fonder ses critiques.

Lorsque Causeur suggère à M. Camus que l'Histoire montre qu'on peut devenir français, le président du P.I. précise qu'on peut assimiler des hommes et pas des peuples. Certes mais quelle est la limite qui fait qu'on passe d'une somme d'individus à un peuple? A partir de combien et sur quelle période? 100 000, 200 000 personnes par an? Et à condition que tous appartiennent à un même peuple. Or il n'y a pas 200 000 Algériens, ou 200 000 Chinois, 200 000 Camerounais qui entrent en France chaque année.

M. Camus décrit ensuite les deux éléments qui créent des Français : l'héritage et le désir. Ce sont, je crois bien, les deux éléments composant une nation selon Renan. Mais quelle est la légitimité rationnelle de ces deux principes? On peut tout autant affirmer que ce qui crée un Français c'est la volonté de l'être. Et c'est d'ailleurs le cas et ce sont bien des Français en droit qu'on produit. Et peut-il y en avoir d'autres?

Mais il est vrai que l'héritage et le désir sont ce qui a traditionnellement permis à la France de faire des Français et au Français de constituer la France c'est à dire autre chose qu'un "conglomérat".

L'argument rationnel trouvera toujours un contradicteur tout autant rationnel. D'autant plus aisément que la France s'est posée comme le modèle de la patrie universelle dont le fondement politique repose sur la "Déclaration des droits" à vocation universelle. Ce qui fait de tout être humain un Français en puissance. Il est donc rationnel de faciliter l'entrée du plus grand nombre d'étrangers qui honorent la France de leur présence.

Il suffirait que le P.I. prenne acte que par tradition la France est majoritairement peuplée du même type d'individus, pour qu'on estime que cette tradition soit digne de respect et qu'elle doit être préservée. Il suffit de dire que la Déclaration des droit est l'expression d'une tradition politique récente imposée par la force mais qu'elle ne correspond pas à la tradition politique française pour s'affranchir d'une conception létale de la nation.

Je ne comprends pas pourquoi le P.I. n'ose encore franchir ce pas.
Utilisateur anonyme
15 janvier 2012, 17:41   Re : Tradition ou raison
Citation
Francis Marche
La dichotomie que vous proposez (Tradition vs. Raison raisonnante) qui pose la Tradition comme nue et ancestrale et la Raison comme pervertie car arraisonnée aux "choix individuels", paraît inopérante et sans valeur dès lors que la machine déraisonnante, celle des désirs induits et attisés par l'économie marchande et sa communication, par exemple, crée des traditions instantanées que les publicistes nomment "tendance" (l'avortement lui-même, puisque vous l'évoquez, fut "tendance" à une époque), cependant que la Raison, qui me permet ici d'objecter à votre dichotomie, reste la source inépuisable de nos armes, de nos outils et de nos contre-poisons contre toute déraison et toute fausse tradition.

Je retiens vos "traditions instantanées". Ainsi que vos avortements tendance.

Je vous remercie d'avoir pris la peine de me répondre.
Utilisateur anonyme
15 janvier 2012, 17:59   Avoir du plomb dans... la plume
...une inférence logique qui oblige nécessairement, par force apodictique absolument inflexible...

Diable, je n'avais jamais lu une tournure si pléonastique ! « logique », « oblige », « nécessairement », « apodictique », « absolument », « inflexible » !

Dites-moi, M. Eytan, n'êtes-vous pas assez écouté pour devoir insister aussi lourdement ? Lorsque ma femme affecte de ne pas m'entendre lorsque je lui cause, je souffre du même mal et deviens aussi verbeux que vous...
Oh mais je ne suis pas tant écouté que cela, pensez-vous... Oui, j'ai eu la main un peu lourde, en voulant souligner le côté contraignant de la chose. Et apparemment cela n'a servi à rien, puisqu'on continue à mettre en avant une sorte de bon plaisir rationnel, et invoquer trente-six rationalités différentes, et probablement contradictoires.
En tout cas, vous-même avez la main légère, c'est un plaisir.
Utilisateur anonyme
16 janvier 2012, 00:58   Re : Avoir du plomb dans... la plume
(Message supprimé à la demande de son auteur)
16 janvier 2012, 08:53   Re : Avoir du plomb dans... la plume
Citation
Isaac
...une inférence logique qui oblige nécessairement, par force apodictique absolument inflexible...

Tout de même, merci pour "apodictique" qui est un adjectif considérablement décoratif.
On ne peut, selon moi, relativiser la Raison en lui opposant la tradition. La Raison me paraît être dans la logique de l'Evolution. Elle est par rapport à la civilisation ce que l'apparition de la vie est au néant, ce que l'apparition de la conscience est à la vie et ce que l'apparition de la culture est à la conscience : une étape capitale et peut-être terminale de l'Evolution . Il serait aussi criminel de la liquider que de liquider la vie ou la conscience.Et parce qu'il s'agit, dans tous ces d'un miracle qui n'aura sans doute plus jamais l'occasion de se reproduire, le devoir de l'homme vis-vis de la vie et de la conscience comme de la Raison universelle est de préserver le miracle et non de le détruire. Faut-il blâmer la nature d'avoir "sacrifié" tant d'espèces avant d'en arriver à la vie consciente ? Faut-il cesser de procréer sous prétexte que l'on sacrifie des millions de spermatozoïdes pour permettre à un seul de féconder l'ovule? Ni la nature ni l'histoire ne progressent à l'économie. C'est sans doute regrettable mais plus regrettable encore serait de vouloir pour ce motif en finir avec la nature et avec l'Histoire. De même faut-il en finir avec la Raison apparue dans la civilisation occidentale sous prétexte que, de régressions en nouveaux progrès ( parce qu'elle a été capable de se regarder dans un miroir, de se prendre comme objet d'analyse et de réparer ses erreurs y compris morales ) cette civilisation s'est accouchée au cours d'un processus long, douloureux, en accumulant les morts ( surtout les siens ) comme d'autres civilisations ( mais qui, elles, ont refusé et refusent de se remettre en question pour si peu ) au moment où, justement, elle touchait peut-être au but ? Ce serait pure folie, et folie criminelle vis-à-vis de l'humanité toute entière qui aurait plus à perdre à cette disparition qu'à y gagner.
Utilisateur anonyme
16 janvier 2012, 11:51   Re : Avoir du plomb dans... la plume
C'est aussi un plaisir de vous lire, M. Eytan.

Attaquons le "fond", maintenant...
Devoir : la Tradition est-elle raisonnable ?


Professeur, on peut évoquer Pascal qui pensait que la coutume n'est juste que parce qu'elle est coutume, sans qu'il soit nécessaire qu'elle fût raisonnable : « ...rien suivant la seule raison n'est juste de soi ; tout branle avec le temps. La coutume fait toute l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue ; c'est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe, l'anéantit. [...] Elle est loi et rien davantage. Qui voudra en examiner le motif le trouvera si faible et si léger, que, s’il n’est accoutumé à contempler les prodiges de l’imagination humaine, il admirera qu’un siècle lui ait tant acquis de pompe et de révérence. » (Pensées) Lorsque Renaud Camus déclare que la Constitution est bonne parce qu'elle est Constitution avant tout, il ne dit rien d'autre... La coutume, en somme, se suffit à elle-même ; elle se moque des flatteries comme des critiques de la raison.
Avez-vous vécu dans des sociétés régies entièrement par la coutume cher Isaac ? Combien d'entre elles ? Combien de temps ?
Utilisateur anonyme
16 janvier 2012, 18:55   Re : Avoir du plomb dans... la plume
Non, cher M. Marche.
Utilisateur anonyme
16 janvier 2012, 19:38   Re : Avoir du plomb dans... la plume
Citation
Isaac
C'est aussi un plaisir de vous lire, M. Eytan.

Attaquons le "fond", maintenant...
Devoir : la Tradition est-elle raisonnable ?


Professeur, on peut évoquer Pascal qui pensait que la coutume n'est juste que parce qu'elle est coutume, sans qu'il soit nécessaire qu'elle fût raisonnable : « ...rien suivant la seule raison n'est juste de soi ; tout branle avec le temps. La coutume fait toute l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue ; c'est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe, l'anéantit. [...] Elle est loi et rien davantage. Qui voudra en examiner le motif le trouvera si faible et si léger, que, s’il n’est accoutumé à contempler les prodiges de l’imagination humaine, il admirera qu’un siècle lui ait tant acquis de pompe et de révérence. » (Pensées) Lorsque Renaud Camus déclare que la Constitution est bonne parce qu'elle est Constitution avant tout, il ne dit rien d'autre... La coutume, en somme, se suffit à elle-même ; elle se moque des flatteries comme des critiques de la raison.

Merci Monsieur de votre contribution.

Retenons avec vous "coutume" car le mot tradition risque fait surgir dans l'esprit de certains de nos amis des images de curés à godillllots cloutés et à la nuque rasée ("baroudeurs du Saint-Esprit").

La raison raisonnante exige que tout soit fondé selon ses propres catégories et ce faisant sape le principes de certaines lois, habitudes, moeurs qui n'ont que l'ancienneté et l'obscurité de leur origine pour elles.

Ainsi aucun argument rationnel ne me semble opposable au droit pour les homosexuels à se marier et notamment pas l'argument pseuso kantien (si tous nous en sommes alors il n'y aura bientôt plus personne pour en être). Par contre on peut invoquer l'ancienneté de coutume qui consiste à réserver le mariage à un homme et une femme.

La libératisation de la vente de cannabis trouve des défenseurs dont les arguments sont aussi rationnels que ceux de leurs contradicteurs. Et pourtant il faut maintenir l'interdiction car il n'est pas de tradition en France de libéraliser cette forme de drogue, le pernod et le pinard étant par tradition des drogues nationales.

Seulement invoquer la coutume n'est pas suffisant.

En effet, Pascal croit aussi en l'existence de lois naturelle issues d'un droit naturel (bien démontré par Gérard Ferreyrolles dans "Pascal et la raison du politique") et on l'a parfois tiré vers trop de relativisme.

On aurait alors trois sources pour la loi et les moeurs :

- la loi naturelle à l'origine des lois visant la protection des bien et des personnes (l'avortement et l'euthanasie sont contraires au droit naturel)
- la coutume (ou la tradition) à l'origine des lois qui ne trouvent pas leur fondement dans la loi naturelle mais dont l'origine est ancienne : le principe de primogénture masculine en matière de succession dans la monarchie française, la règle de politesse consistant à dire "Bonjour Madame" (donc le "Salut et fraternité citoyen" n'est pas légitime), le mode de peuplement traditionnel de la France qui ne doit pas autoriser l'entrée en masse et l'installation sur son peuple de peuples trop différents par rapport à cette population originelle,
- la Raison : pour tout le reste du droit positif.

La Raison n'a pas à contester ou même à valider selon ses catégories le pouvoir du droit naturel et de la coutume.

Un chrétien dira que la coutume et la loi naturelle ainsi que l'obcurité de leurs fondements sont les marques et la sanction de notre chute. C'est un peu ce que disait Burke pour justifier l'existence des gouvernements considérés comme des maux nécessaires.

Vouloir tout fonder en raison est bien dans la suite du péché d'Adam qui a voulu connaître le bien et le mal avec ses propres moyens (la raison) alors que Dieu lui en avait donné une connaissance certaine et instinctive.
» La coutume, en somme, se suffit à elle-même ; elle se moque des flatteries comme des critiques de la raison.

Parfaitement d'accord, cher Isaac ; c'est exactement la raison pour laquelle elle n'a plus aucune raison d'être lorsqu'elle cesse de prévaloir en tant que telle.


» Ce serait pure folie, et folie criminelle vis-à-vis de l'humanité toute entière qui aurait plus à perdre à cette disparition qu'à y gagner.

Et non seulement cela, chère Cassandre, mais ce serait en plus pur non-sens, cela ne voudrait rien dire : on ne se débarrasse pas de qui l'on est, de sa raison et de son esprit critique. Autant dire à quelqu'un de cesser d'être intelligent, de penser juste, et vouloir lui persuader de raisonner comme un pied, et de ne plus penser du tout, pendant qu'on y est.
C'est toute cette alternative entre "tradition et raison" qui est fausse, ne tient pas debout, comme si on avait le choix, dans les cas où l'on estime que c'est possible, de ne pas rechercher la vérité.
Utilisateur anonyme
16 janvier 2012, 20:54   Re : Avoir du plomb dans... la plume
Citation
Alain Eytan
C'est toute cette alternative entre "tradition et raison" qui est fausse, ne tient pas debout, comme si on avait le choix, dans les cas où l'on estime que c'est possible, de ne pas rechercher la vérité.

"C'est pourquoi, quand il avait à conférer avec quelques athées, il ne commençait jamais par la dispute ni par établir les principes qu'il avait à dire, mais il voulait connaître auparavant s'ils cherchaient la vérité de tout leur coeur, et il agissait suivant cela avec eux, ou pour les aider à trouver les lumières qu'ils n'avaient pas, s'ils la cherchaient sincèrement, ou pour les disposer à la rechercher et à en faire leur plus sérieuse occupation avant que de les instruire s'ils voulaient que son instruction leur fût utile". La vie de Monsieur Pacal écrite par Madame Périer, sa soeur. Edition l'Intégrale du Seuil p. 25).

Je ne doute pas que vous cherchiez la vérité tout comme moi.

Indiquez-moi alors Monsieur, je vous prie, comment pouvez-vous justifier rationnellement votre refus de voir d'autres peuples remplacer celui qui, traditionnellement, occupe le territoire de notre patrie quand il n'existe, selon moi, aucun argument rationnel pour soutenir ce refus et qu'au contraire la politique passée et présente, les intérêts mercantiles, le courant d'opinion majoritaire et une certaine conception de la nation comme "vouloir-vivre-ensemble" favorisent ce remplacement et vous le justifieront par les meilleures raisons du monde?
"La Raison n'a pas à contester ou même à valider selon ses catégories le pouvoir du droit naturel et de la coutume."

Argument où l'on ne voit rien d'autre que la raison à l'oeuvre.
Utilisateur anonyme
16 janvier 2012, 21:07   Re : Avoir du plomb dans... la plume
Citation
Orimont Bolacre
"La Raison n'a pas à contester ou même à valider selon ses catégories le pouvoir du droit naturel et de la coutume."

Argument où l'on ne voit rien d'autre que la raison à l'oeuvre.

La raison des habiles et du peuple qui pense bien ; la Raison des demi-habiles consistant à contester la coutume et le droit naturel au motif qu'ils n'ont aucun fondement rationnel. On ne parle pas de la même raison.
16 janvier 2012, 21:24   Re : Tradition ou raison
Et on a encore rien dit de l'Entendement!
» Indiquez-moi alors Monsieur, je vous prie, comment pouvez-vous justifier rationnellement votre refus de voir d'autres peuples remplacer...

Cher Brunetto, je ne vous indiquerai rien de la sorte, parce que je suis persuadé qu'on ne peut justifier rationnellement aucune décision relevant d'un jugement de valeur, et que l'axiologique n'est pas réductible à l'apodictique (que M. Morel m'oblige et veuille bien aller se planter dans le décor si l'emploi de ce terme lui paraît déplacé en l'occurrence).

C'est pourquoi la raison aussi "délirante" que "raisonnante" que vous dénoncez dans votre préambule n'est en vérité pas la Raison, ce n'en est à mon sens qu'une mauvaise caricature, et c'est pourquoi toute prétention d'icelle à fonder en totalité le politique procède en réalité d'un errement de la raison, c'est à dire d'une déraison.
On n'est à mon sens véritablement rationaliste que dans la mesure où l'on conscient, autant que possible, des limites inhérentes à la raison, et du fait qu’aller au delà serait enfreindre ses propres règles, lesquelles constituent tout ce qu'elle est.
Utilisateur anonyme
16 janvier 2012, 22:42   Re : Avoir du plomb dans... la plume
Citation
Alain Eytan
» Indiquez-moi alors Monsieur, je vous prie, comment pouvez-vous justifier rationnellement votre refus de voir d'autres peuples remplacer...

Cher Brunetto, je ne vous indiquerai rien de la sorte, parce que je suis persuadé qu'on ne peut justifier rationnellement aucune décision relevant d'un jugement de valeur, et que l'axiologique n'est pas réductible à l'apodictique (que M. Morel m'oblige et veuille bien aller se planter dans le décor si l'emploi de ce terme lui paraît déplacé en l'occurrence).

C'est pourquoi la raison aussi "délirante" que "raisonnante" que vous dénoncez dans votre préambule n'est en vérité pas la Raison, ce n'en est à mon sens qu'une mauvaise caricature, et c'est pourquoi toute prétention d'icelle à fonder en totalité le politique procède en réalité d'un errement de la raison, c'est à dire d'une déraison.
On n'est à mon sens véritablement rationaliste que dans la mesure où l'on conscient, autant que possible, des limites inhérentes à la raison, et du fait qu’aller au delà serait enfreindre ses propres règles, lesquelles constituent tout ce qu'elle est.

Monsieur, nous sommes d'accord.

Vous m'accorderez néanmoins que sur le terrain politique il est assez difficile d'opposer à vos adversaire de simples jugements de valeurs.

Imaginons qu'un ami du Désastre, vous affirme le droit de tout étranger à venir en France, à s'y installer avec sa famille et à y vivre selon ses coutumes ce qui est d'ailleurs à peu près le cas. Il justifiera ce droit par l'universalité des droits-de-l'homme, une conception "ouverte" de la communauté nationale en construction constante, la nation comme "vouloir-vivre-ensemble", le métissage et la diversité comme chance pour la France, les retraites à payer etc. etc. Tous arguments que je peux comprendre.

Quels arguments contraire à cette opinion lui opposerez-vous?
Utilisateur anonyme
16 janvier 2012, 23:08   Re : Tradition ou raison
Quelle fougue !
Le sujet est fort complexe. Dans la tradition philosophique, Hegel a eu le mérite de défendre une position contre le rationalisme creux de l' "entendement" tout en défendant la Raison. Il a souligné l'importance de la tradition sans pour autant tomber dans un discours réactionnaire (cf. par ex. ses cours sur "Les principes de la philosophie du droit" de 1821).

Je pense qu'il s'agit là DU débat central pour le P.I. Ne nous énervons donc point : il faut considérer cela comme un chantier de longue haleine (qui mériterait même peut-être une rubrique particulière sur le site, tant pour les sympatisants que pour les adhérents).
Vous ne pouvez me demander de parler en un autre nom que le mien, et il est fort possible qu'à ce sujet je ne sois pas représentatif : le fait de trouver le Désastre désastreux n'est en soi, pour ce qui me concerne, pas plus vrai que le trouver aimable ou souhaitable et s'y complaire.
Le vérité n'a à mon sens rien à voir là-dedans. Mais le goût, la fidélité à de certaines valeurs, l'instinct de la préservation de soi, l'amour de son pays ou de la civilisation à laquelle on appartient ou veut appartenir.
On partage ces valeurs ou pas. Rien, aucun argument rationnel, ne pourra persuader un Todd de l'importance de la saveur du saucisson qu'il a dans son assiette, s'il a décidé de s'en foutre. Tout au plus pourrez-vous essayer de rendre plus sensibles et parlants les désagréments, de toutes sortes et les plus concrets, qu'il y aura à se laisser envahir, et montrer que la réalité n'est pas adéquatement décrite. Mais vous aurez toujours en face de vous des personnes qui vous rétorqueront qu'elles aiment ça, ou qu'en réalité il n'y a pas de problème, parce qu'elles ne partagent pas vos valeurs, pour des raisons que personne en fait ne connaît réellement.
16 janvier 2012, 23:56   Re : Tradition ou raison
Alain Eytan,
vous adhérez semble-t-il à la dichotomie weberienne qui distingue les jugements de faits et les jugements de valeurs. Cette dichotomie, une fois admise, livre donc le champ politique à un pur décisionnisme : chaque camp décide en tout arbitraire de défendre telle constellation de valeurs, sans discussion possible.
Pourtant, Popper a montré qu'il existait un terrain de discussion possible, où les différentes options politiques étaient un objet de débat sur ce qu'il est raisonnable, ou déraisonnable, de choisir (voir "La société ouverte et ses ennemis").
C'est en s'appuyant sur ce champ du raisonnable - et non du rationnel - que vous pourrez discuter et argumenter avec les Amis du Désastre, pour leur montrer que le modèle de société ouverte est préférable à un modèle de société fermée (au sens poppérien), ou qu'une société régie par les droits de l'homme est préférable à une société chariatique... La raison a donc voix a chapitre.
Utilisateur anonyme
17 janvier 2012, 00:24   Re : Avoir du plomb dans... la plume
» La coutume, en somme, se suffit à elle-même ; elle se moque des flatteries comme des critiques de la raison.

Parfaitement d'accord, cher Isaac ; c'est exactement la raison pour laquelle elle n'a plus aucune raison d'être lorsqu'elle cesse de prévaloir en tant que telle.


Les coutumes, certes, évoluent comme les modes, et il est vain d'en vouloir maîtriser l'évolution, laquelle est largement endogène, je crois, mais je persiste à penser que les coutumes entre elles ne se valent pas ; certaines d'entre elles sont plus nobles que d'autres, plus civilisatrices, disons, et l'on peut légitimement regretter d'être né dans un temps où les coutumes qui prévalent ne sont pas du meilleur goût.

...le fait de trouver le Désastre désastreux n'est en soi, pour ce qui me concerne, pas plus vrai que le trouver aimable ou souhaitable et s'y complaire. La vérité n'a à mon sens rien à voir là-dedans.

L'amor fati semble, chez vous, cher Alain, un véritable jeu d'enfant... Mais quel est votre secret ?
17 janvier 2012, 00:27   Re : Tradition ou raison
À chacun ses références, cher Loïk A., je parlerais plutôt d'une conception "humienne" ou "wittgensteinienne", mais peu importe, vous avez très bien résumé ma position, dans les grandes lignes (qui est aussi, une fois un petit ménage terminologique opéré, celle de M. Brunetto, à y regarder de plus près...).

Je demeure très sceptique quant à la possibilité d’échanger des arguments avec un ami du Désastre jusqu'à pouvoir lui faire changer d'avis, si les valeurs qu'il promeut en consentant au Désastre lui sont plus chères, ou consubstantielles, que celles qu'il sacrifie en leur nom, je pense par exemple à un Alain Badiou, qui est très loin d'être bête, et parfaitement conscient dudit Désastre...
Mais puissiez-vous dire vrai...
17 janvier 2012, 00:59   Re : Tradition ou raison
Cher Alain Eytan,
il est toujours compliqué d'échanger. Mais le débat, justement, est au fondement de la civilisation occidentale. Philosophie ou violence... Il n'y a pas de moyen-terme. Depuis Socrate, le pari que nous avons fait fut celui de l'échange argumenté. Socrate échangeait avec le Sophistes, pourquoi nous n'échangerions pas avec les Amis du Désastre?
Par ailleurs, ensuite, il faut une graduation... On est pas obligé de courir à Badiou à la seconde.
Utilisateur anonyme
17 janvier 2012, 01:18   Veritas odium parit, obsequium amicos.
...je pense par exemple à un Alain Badiou, qui est très loin d'être bête, et parfaitement conscient dudit Désastre...

Le cas Badiou est en réalité criant : cet homme est si orgueilleux — la perfidie de son rire le trahit — que la vérité ne le concerne pas. Il compose avec l'époque, mettant son intelligence et sa ruse au service de sa notoriété. Cet homme est si roué qu'il joue sans être déjoué, persuade sans la moindre conviction, et l'aisance avec laquelle il saute des mathématiques à la philosophie, en passant par le théâtre, se mêlant ici ou là de politique, le pousse à écrire des livres dangereusement synthétiques, dont la hardiesse des assertions, lorsqu'il ne s'agit tout simplement de pure folie — je songe à L'être et l'évènement —, fait paradoxalement son succès. Il use de son érudition comme d'un art d'avoir toujours raison et brise imprudemment les frontières naturelles qui assurent l'ordonnancement des différents domaines qu'il domine, délaye insolemment tous les hauts faits de son intelligence, s'abreuve d'exsangues vérités dont ne subsiste que le squelette, et noie le lecteur dans l'hermétisme de bon ton dont se pare sa petite clique de la rue d'Ulm. De tout cela il se délècte, et l'assurance tranquille avec laquelle il prêche s'accorde avec l'extatique vanité des majors de l'agrégation.
» mais je persiste à penser que les coutumes entre elles ne se valent pas ; certaines d'entre elles sont plus nobles que d'autres, plus civilisatrices, disons

Fort bien, mais elles sont alors bien davantage que loi, et leur critère de légitimité est extérieur à elles-mêmes et tient à autre chose qu'au seul fait d'être reçues et de se maintenir en place ; elles ne s'auto-suffisent plus, sont redevables d'une hiérarchie des valeurs au regard de quoi vous les comparez et les évaluez.
Je crains que le Pr Bourjon ne soit encore en droit de vous demander des comptes, et de rendre compte plus avant de cette mystérieuse pierre de touche.


» L'amor fati semble, chez vous, cher Alain, un véritable jeu d'enfant... Mais quel est votre secret ?

La flemme (voir la photo du plantigrade sybarite, oriental et impénétrable, sur un fil voisin...).
"Quels arguments contraire à cette opinion lui opposerez-vous? "

L'opinion des peuples, à commencer par celui des Amis du Désastre, éclairée par le débat non faussé ainsi que par leur propre expérience, ce qu'on appelle, en somme la démocratie.
Et surtout, ce qui vaut partout et en tous temps : le principe de cohérence. Mettre le nez des Amis du Désastre dans leurs incohérences manifestes serait un jeu d'enfant au point que je m'étonne que nul ne s'y emploie pour de bon.
Utilisateur anonyme
17 janvier 2012, 11:39   Re : Veritas odium parit, obsequium amicos.
Fort bien, mais elles sont alors bien davantage que loi, et leur critère de légitimité est extérieur à elles-mêmes et tient à autre chose qu'au seul fait d'être reçues et de se maintenir en place ; elles ne s'auto-suffisent plus, sont redevables d'une hiérarchie des valeurs au regard de quoi vous les comparez et les évaluez.

M. Eytan, considérez-vous que tous les climats se valent ? Certains d'entre eux sont plus propices, plus féconds, voire tout simplement plus cléments que d'autres... Et la météo se fiche, comme l'évolution des mœurs et des coutumes, de nos petites velléités... De même que les habitudes et coutumes langagières, par exemple. Tenez, tentez de convaincre un vieux taulard que le vouvoiement, qui se perd et dont il n'use jamais, introduit parfois, dans les rapports humains, une noble distance qui reflète et préserve une certaine liberté de penser et d'agir. Il raillera vos distinctions, vous balançant sèchement : Hey, t'affole pas drôle, tu m'tutoies ou tu dégages... De fait, le goût tranche en ces matières d'avantage que la raison, mais les goûts, eux, se valent-ils ?

Que les coutumes n'en fassent qu'à leur tête n'interdira donc jamais que nous puissions légitimement et raisonnablement les critiquer, les classer, les hiérarchiser même, avec l'assurance que nous imprime notre aveugle suffisance... Oui Monsieur !
Il existe un critère assez facile à appliquer pour juger d'une coutume : ce qu'elle produit, sa fécondité civilisationnelle, sa valeur heuristique si l'on veut. Le vouvoiement, ainsi que toutes les règles de savoir-vivre, à commencer par celles de la table chères à Renaud Camus, n'ont parfois aucun sens en soi et peuvent paraître totalement arbitraires, mais elles produisent de la douceur, de l'attention, de la civilité et, à terme, de la civilisation. Le fait est incontestable sur le plan historique : le développement de ces règles (quelles qu'elles soient dans le détail et aussi différentes qu'elles puissent être d'une ère civilisationnelle à l'autre) et celles de la civilisation, des arts, de la littérature, de la pensée, vont de pair.

C'est pourquoi l'affirmation d'Alain selon laquelle un Ami du Désastre restera insensible aux effets du désastre même si on lui met le nez dedans (syndrome du Noctilien par exemple), parce qu'il en chérit les causes, ne me satisfait qu'à moitié. Elle est peut-être presque entièrement vraie, mais il reste toujours cette possibilité de ramener encore et encore la réalité jusqu'à ce que la carapace cède.
Utilisateur anonyme
17 janvier 2012, 13:55   Re : Veritas odium parit, obsequium amicos.
Citation
Marcel Meyer
Il existe un critère assez facile à appliquer pour juger d'une coutume : ce qu'elle produit, sa fécondité civilisationnelle, sa valeur heuristique si l'on veut. Le vouvoiement, ainsi que toutes les règles de savoir-vivre, à commencer par celles de la table chères à Renaud Camus, n'ont parfois aucun sens en soi et peuvent paraître totalement arbitraires, mais elles produisent de la douceur, de l'attention, de la civilité et, à terme, de la civilisation. Le fait est incontestable sur le plan historique : le développement de ces règles (quelles qu'elles soient dans le détail et aussi différentes qu'elles puissent être d'une ère civilisationnelle à l'autre) et celles de la civilisation, des arts, de la littérature, de la pensée, vont de pair.

C'est pourquoi l'affirmation d'Alain selon laquelle un Ami du Désastre restera insensible aux effets du désastre même si on lui met le nez dedans (syndrome du Noctilien par exemple), parce qu'il en chérit les causes, ne me satisfait qu'à moitié. Elle est peut-être presque entièrement vraie, mais il reste toujours cette possibilité de ramener encore et encore la réalité jusqu'à ce que la carapace cède.

Pour le dire trivialement, un ami du Désastre commencera à admettre la folie de ses conceptions à partir du moment où il se fera voler son portable par une chance-pour-la-France, que sa fille se fera insulter par les adeptes de le seconde religion en France et que ses amis lui reprocheront de virer Front national s'il a l'air de s'en plaindre.

La violence et la nocence serait en fin de compte la dernière chance qu'il aurait de changer d'opinion.

Y aurait-il donc aussi un vertu positive à la nuisance?

N'y aurait-il pas au PI une tentation d'attendre que la violence joue un rôle de rétablissement de l'ordre ou plutôt du champ respectif des trois ordres pascaliens?

Pour reprendre le modèle des trois ordres. La Loi naturelle serait du domaine de la foi ou de la croyance. La coutume serait du domaine de la chair : l'habitude et le mécanisme qui tient un grande part dans les règles de politesse par exemple. Et la Loi fondée rationnellement serait du domaine de l'esprit. Lorsqu'un ordre prétend gouverner les deux autres, seule la violence peut le ramener dans le champ qui est le sien.

Quel est le rapport du PI à l'égard de la violence en politique?
Utilisateur anonyme
17 janvier 2012, 14:25   Re : Veritas odium parit, obsequium amicos.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
17 janvier 2012, 18:21   Re : Veritas odium parit, obsequium amicos.
Citation
Didier Bourjon
La politique est la violence raisonnable.

Et vice-versa?
Utilisateur anonyme
17 janvier 2012, 19:21   Re : Veritas odium parit, obsequium amicos.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
18 janvier 2012, 02:25   Re : Veritas odium parit, obsequium amicos.
Citation
Didier Bourjon
Non.

***

Nous sommes les hôtes du Temps, hostiles à tout remplacement, favorables à toutes les reprises.

L'in-nocence ne révère aucune tradition, elle aime l'épaisseur du Temps.
Sa nostalgie ne lui inspire que du désir.

Le Temps est un grand niveleur, Monsieur, et il ne saurait inspirer que des prophètes de malheurs à venir : les missionnaires d'une seule classe, les apôtres d'une seule race, les prédicateurs d'un seul monde, les visionnaires d'une Raison forcément universelle.

L'Espace est discriminant et à ce titre meilleur inspirateur en politique. Chérissons l'aristocratie de l'Espace plutôt que le triste égalitarisme du Temps.
» M. Eytan, considérez-vous que tous les climats se valent ? Certains d'entre eux sont plus propices, plus féconds, voire tout simplement plus cléments que d'autres... Et la météo se fiche, comme l'évolution des mœurs et des coutumes, de nos petites velléités...

Si j'étais M. Hude, dont il a été question ici récemment, je vous répondrais que les climats se valent du point de vue de leur être de climat, et que la météo, toute crâneuse qu'elle soit, a absolument besoin de nos petites velléités et de nos risibles sensibilités pour pouvoir être propice ou clémente. Aussi si elle veut valoir, elle ne peut s'en ficher aussi complètement que cela.
Mais comme ma raison étriquée peut peu, je suis plutôt d'accord avec vous, et vive notre suffisance aveugle !
Citation
Brunetto
Citation
Didier Bourjon
Non.

***

Nous sommes les hôtes du Temps, hostiles à tout remplacement, favorables à toutes les reprises.

L'in-nocence ne révère aucune tradition, elle aime l'épaisseur du Temps.
Sa nostalgie ne lui inspire que du désir.

Le Temps est un grand niveleur, Monsieur, et il ne saurait inspirer que des prophètes de malheurs à venir : les missionnaires d'une seule classe, les apôtres d'une seule race, les prédicateurs d'un seul monde, les visionnaires d'une Raison forcément universelle.

L'Espace est discriminant et à ce titre meilleur inspirateur en politique. Chérissons l'aristocratie de l'Espace plutôt que le triste égalitarisme du Temps.

Ça ne peut qu'empirer, figeons-nous !

(Soit dit en passant, on pourrait aussi bien dire, et plus vraisemblablement à mon avis, que c'est la raison qui est spatiale, la logique des classes consistant en inclusions et exclusions, et le sentiment, donc le goût, qui se travaille, varie et s'affine dans la durée désirante.)
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