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République et républicain

Envoyé par Henri Rebeyrol 
Journalistes et idéologues ont longuement commenté les images de MM Sarkozy et Hollande côte à côte devant l'Arc de Triomphe à l'occasion de la célébration de la capitulation de l'Allemagne et ils ont vanté l'esprit "républicain" qui présidait à cette cérémonie ainsi organisée, faisant implicitement l'éloge de M. Sarkozy, que, pourtant, ils ont accusé pendant cinq ans de violer les règles et l'esprit de la République. Il n'est pas nécessaire d'insister sur ces analyses et ces discours de "girouettes", le girouettisme étant l'essence du journalisme, mais de se demander si ce qui nous a été montré était bien "républicain", c'est-à-dire conforme à la lettre des institutions de la République.

Le 8 mai 2012, il y avait un seul président en exercice. "L'Autre" (comme on nommait Satan jadis ou comme a été nommé M. Sarkozy) n'est rien d'autre qu'un citoyen ordinaire. Il ne changera de statut qu'à compter du jour où 1) le Conseil constitutionnel aura validé les résultats des élections (imaginons qu'il invalide les résultats, pour fraude ou vice quelconque, de Seine-Saint-Denis, des Antilles, de la Nièvre, du Pas de Calais, de Corrèze !) et 2) la cérémonie de "passation des pouvoirs" aura eu lieu (le 15 mai semble-t-il). Il n'a déposé hier à 11 h une gerbe de fleurs devant l'Arc de Triomphe qu'à la suite d'une décision totalement arbitraire du Président en exercice, décision peu conforme à la lettre et à l'esprit des institutions. Ce n'est pas parce que la chose était "émouvante" (donc trompeuse) qu'elle était légale ou légitime. Hier, M. Sarkozy est resté fidèle à la caricature d'hyper-président qui a été faite de lui ou de président qui bouscule les règles, les conventions, la lettre des institutions.

Si les journalistes ont béé à tout cela, qui n'avait rien de républicain, c'est que ces entorses à la lettre et à l'esprit des institutions bénéficiaient au candidat dont ils ont fait la "promotion" pendant plus d'un an. On n'ose imaginer ce qu'auraient été leurs réactions à la même cérémonie, si le vainqueur des élections du 6 mai avait été Mme Le Pen. Tout ce qui était parfaitement républicain aurait été d'un coup, sans que quoi que ce soit change dans le cérémonial, horriblement anti-républicain.



Une des accusations récurrentes des journalistes et des idéologues contre cette dernière candidate (Mme Le Pen) a consisté à dire son "incompatibilté" avec la République : elle serait anti-républicaine par essence ou par nature. C'est méconnaître ce qu'a été la République et ce qu'elle est depuis 1792 que de réduire la République ou l'esprit républicain au "sympa" des bisournous. La République, pendant plus d'un siècle et demi, c'est l'armée contre le peuple ou l'armée qui mate le peuple (en Vendée, massacres de brumaire en 1795, répression de manifestations ouvrières en juin 1848, répression de la Commune, répression de manifestations ouvrières au début du XXe siècle) et l'armée qui va faire la guerre à toute l'Europe, puis en Afrique, en Asie et en Océanie, avec toutes les atrocités qu'entraînent ces aventures, aventures auxquelles De Gaulle a mis fin en 1962. La caricature qui est faite des Le Pen, père et fille, si tant est qu'elle ait un brin de vérité, est parfaitement conforme à ce qu'ont été la République et l'esprit républicain pendant un siècle et demi, de 1792 à 1962. Je pense que Mme Le Pen n'a rien à voir avec ces aventures, mais si elle y était fidèle ou si elle les assumait en totalité, affirmant comme Clemenceau au sujet de la Révolution "la République est un bloc", elle serait, contrairement à ce que disent ses détracteurs de Libération, de Marianne, du Monde, la plus républicaine des candidats de 2012, celle qui non seulement est compatible avec la République (proposition qui ne veut rien dire), mais qui en exprime le mieux l'histoire et les institutions.

Tous ces journalistes et idéologues donneurs de leçons n'ont besoin que d'une chose : apprendre enfin l'histoire de la République, ce qu'elle a été réellement pendant deux siècles.
Vous parlez d'or, cher JGL, mais vous demandez l'impossible à la corporation journalistique. S'ils avaient quelque appétence que ce soit pour le savoir et voulaient apprendre, ils ne seraient pas devenus journalistes, mais tout autre chose. Chaque fois qu'un journaliste interroge un "spécialiste" ou un "expert" quelconque (en sciences expérimentales, en histoire, en économie, en politique, en littérature, etc.), il est frappant qu'il ne cherche au fond qu'à lui faire confirmer ses préjugés sur la question traitée : il ne se présent jamais dans la position de l'ignorant (même partiel) à qui l'invité pourrait enseigner et apprendre quelque chose.
S'agissant de l'histoire, c'est pire que tout : leur petit bagage scolaire (de plus en plus léger et de plus en plus biaisé) leur donne l'illusion qu'ils savent déjà et les empêchent donc paradoxalement d'aller s'instruire. Le plus "amusant" (inquiétant en fait), c'est de lire ce journaliste du Nouvel Obs (François Reynaert) qui prétend corriger les idées reçues fausses dans ses articles et ses ouvrages : or, rien n'est plus faux et idéologiquement marqué que son propos dans ces chroniques et ses ouvrages. Sa correction n'a pas lieu dans le sens de la vérité et du savoir, mais dans celui de la conformité idéologique à l'esprit du moment. C'est ce qu'on appelait avant un commissaire politique.
Votre message décrit admirablement la manière dont cette caste de commissaires politiques (de "militants politiques", dirait Guaino avec raison) dispose de la vérité, de la loi, de la réalité et des institutions : selon leur bon vouloir collectivement construit, et toujours plus soucieux d'intérêts privés et particuliers et indifférents à l'intérêt public et général.
Le plus drôle chez François Reynaert est qu'il s'appuie (ou prétend le faire) sur les dernières recherches des historiens les plus connus et les plus réputés : Ecole des Annales ou ex-Ecole des Annales, historiens des représentations, historiens déconstructeurs du "roman national", ceux qui n'établissent pas les faits ou de nouveaux faits, mais défont ce qu'a établi l'historiographie des deux derniers siècles.
Vous avez raison, mais il s'abstient de citer le père de tout ce mouvement d'historiens, Fernand Braudel, qui soutient une identité de la France. Il a recours aux Annales quand ça confirme ses préjugés, et les abandonnent quand ça coince. C'est donc un idéologue pur.
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