Quand on s'appelle Jean Daniel, on peut dire n'importe quoi sans dommage. Jean Daniel (comme tous ceux qui comptent) considère avec hauteur qu'un "fond supposé" (ce sont ou presque ses mots) d'antisémitisme hier, de xénophobie aujourd'hui au sein d'un parti politique périphérique, le FN, a justifié qu'on laisse l'Europe s'anéantir. Par contre, Jean Daniel nous apprend qu'écouter des reportages radiophoniques sur le conflit palestinien lui donnerait envie "s'il était arabe" de "tirer dans le tas". Un tas de Français? S'il était juif, dans quel tas aurait-il envie de tirer ? Et s'il était français ? Car, vous l'aurez noté, quand Jean Daniel se lâche, être arabe, juif ou français sont des appartenances exclusives et l'Arabe qui tire dans le tas vote forcément pour la mosquée. Foin des subtils procès en essentialisme. On les réserve à d'autres. Bien entendu, après ses bons mots, aucun cordon sanitaire ne se sera tendu entre le Nouvel Obs et la République.
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"La petite bourgeoisie [...]n'a pas « d'ailleurs » (et ne supporte pas qu'on lui dise qu'il en existe un)." Davoudi
Il y a pourtant un ailleurs, une extériorité bien intériorisés : le repoussoir Le Pen qui compte en bonne place au nombre des leviers de la pensée unique, à savoir l'Histoire mythique, les boucs émissaires et les icônes, autant d'extériorités chargées de court-circuiter l'histoire et la raison autonome. Neutraliser le repoussoir ou, pour parler comme Jean Daniel, neutraliser le nationalisme qui empêcherait d'estimer la nation, priverait la pensée unique d'un levier.
Le "point de détail" a donné à la deuxième carrière d'Adolphe Hitler un essor fatal à la salubrité intellectuelle et morale. Condamner le propos et son auteur ne sert à rien : l'un et l'autre collent à la peau ; plus on veut s'en défaire, plus on s'englue. Se contenter de signaler sa participation à la curée générale est politiquement stérile et moralement coupable. Aussi solennelles et sincères soient ses condamnations, qui n'est pas remplaciste est irrémédiablement complice du "détail", selon la logique politique camp contre camp. Il lui faut donc assumer ce "détail" capital comme une tare de son camp et, devant l'urgence, contre-attaquer sans attendre d'avoir fini de l'extirper. Or, pour ce faire, il dispose d'armes politiques que la morale, par ailleurs, lui commande d'utiliser car, par l'usage qu'il fait de la Shoah, le camp des saints est plus ignoble encore que le "quarteron du détail" qui ruine la réputation du nôtre.
La Shoah est une catastrophe telle que son souvenir est sacré ou devrait l'être. Qualifier les chambres à gaz de détail est donc blasphème de mécréant. Monter de toute pièce l'affaire Carpentras à des fins politiciennes est donc blasphème de faux dévot. Ajouter au blasphème l'hypocrisie et le calcul sordide est un scandale qui dépasse dans l'ignominie le blasphème du mécréant qui n'en attend aucun avantage mais, au contraire, l'infamie et les injures de ceux qu'il méprise, en premier lieu, des faux dévots. La mémoire de la Shoah est donc à protéger autant des faux dévots que des mécréants (autant du PS que du FN).