Samedi soir, dans le train qui nous ramenait chez nous, une amie et moi nous sommes assis en face d'un couple de personnes assez âgées (lui devait avoir dans les soixante-dix ans, elle un peu moins). Le Monsieur a immédiatement entamé la conversation avec nous (au grand dam de sa femme, visiblement — elle a été plus chaleureuse après). Il a d'abord demandé d'où nous venions mais a surtout beaucoup parlé de lui. C'était très enrichissant. Il a expliqué avoir travaillé à l'usine Schneider de Champagne-sur-Seine. De cette conversation ressort qu'il est encore possible de parler avec des inconnus dans un train. Ce Monsieur a parlé de son enfance et de sa scolarité (quarante-cinq jeunes gens dans une classe, tous reçus là où ils devaient l'être), de son travail (où les anciens formaient les jeunes), du service militaire (qui aurait dû être transformé en service civique digne de ce nom), de l'Algérie française (qui n'était pas si mal, l'Algérie était très belle — elle a été gâchée ensuite et le pays entier profitant des revenus du pétrole, rien d'autre n'a été développé ; les rapports avec la France auraient dû être autres qu'ils n'ont été), de l'école (tout le monde devrait être à égalité et on devrait réinstaurer un uniforme), de l'esprit d'entreprise (brimé en France : les gens sont empêchés de créer et d'entreprendre par le matraquage fiscal et par un esprit hostile à la réussite et aux privilèges), de l'argent (ce Monsieur refuse qu'il vienne gangréner sa petite association de cueillette de champignons) et de bien d'autres choses encore.
Ce fut une rencontre très in-nocente avec une personne du pays réel et de la France d'avant. J'espère que chacun ici en fera de nombreuses du même acabit.