Les étudiants,eux, n'ont de toute façon plus vraiment besoin de professeur, ils n'ont "plus besoin d'informations brutes. Ils la trouvent partout".
Blog du Monde
Le Grand amphi :
"Nous voyons se développer de nouveaux comportements étudiants qui bouleversent nos pratiques"
Un oeil sur Facebook, une oreille attirée par les murmures du voisin, les doigts qui tapotent sur l'Iphone et... ce qui reste pour le cours. L'assouplissement des conventions et l'essor des nouvelles technologies bousculent l'enseignement supérieur. Dans les amphis, le comportement des étudiants change à toute allure. Et les professeurs se sentent parfois désarmés. Face à ces évolutions qui semblent annoncer une révolution, l'Ecole de management de Strasbourg (EM Strasbourg) a décidé de prendre le taureau par les cornes.
D'abord, le diagnostic. Alertés par les vacataires, particulièrement bousculés par ces nouveaux comportements, les dirigeants d'EM Strasbourg ont lancé une vaste enquête auprès des enseignants et des étudiants. Recueillant le témoignage de 568 personnes, l'école a rendu les résultats publics vendredi 7 décembre, à Paris. "Nous voyons se développer de nouveaux comportements étudiants qui bouleversent nos pratiques", dit-on à Strasbourg.
Premier constat : "
Les étudiants veulent tout, tout de suite, et au bon moment", constate Isabelle Barth, directrice générale de l'école. Du coup, EM Strasbourg adapte sa manière de communiquer avec eux. Exemple : pour les stages en entreprise ou la poursuite d'études à l'étranger, plutôt que d'organiser une réunion d'information trois mois avant, l'école prévoit de multiplier les groupes Facebook, ce qui permet de rapprocher l'information de l'événement. "ça marche bien, les tensions s'apaisent...", note Mme Barth.
Deuxième constat : "
les étudiants n'ont plus besoin d'informations brutes. Ils la trouvent partout."
Cela implique qu'ils considèrent certains cours superflus. Soit ils n'y assistent pas, soit ils y viennent et font autre chose. Selon les résultats de l'étude, 8,3% des étudiants ne suivent pas assidument les cours. Ce taux monte même à 12,4% en deuxième année. Pour se justifier, les abstentionnistes mettent en avant "la pédagogie appliquée en cours" (34,4 %, parce que l'enseignant est mauvais pédagogue ou qu'il ne maîtrise pas son cours, disent les étudiants), "le contenu du cours" (28,9 %) ou des "raisons personnelles" (20,1 %). Dans certains cas, il peut également s'agir de raisons liées à l'organisation : le cours commence trop tôt dans la journée (25,6 %) ou aucune sanction ne tombe en cas d'absentéisme (22,4 %).
Certes, des étudiants qui n'écoutent pas le cours, il y en a toujours eu. Mais, aujourd'hui, les nouvelles technologies leur offrent de multiples échappatoires. Ces comportements, souligne Mme Barth, ne sont cependant pas l'apanage des jeunes. "Nous sommes tous pareils, dit-elle. Les profs qui disent ne plus supporter que les étudiants rédigent leurs courriels en cours font pareil pendant les réunions !"
Deuxième remarque, les étudiants accordent paradoxalement une grande importance à la question de l'assiduité... La question de la présence en cours "reste quelque chose de très précieux pour eux", relève Mme Barth.
Enfin, l'étude met en exergue "l'un des grands dénis de l'université, souligne la directrice générale :
l'excellence pédagogique est considérée comme ne faisant pas partie du job d'enseignant-chercheur. La pédagogie est considérée comme un sous-produit. Or, il s'agit de deux compétences qu'il convient de développer ensemble..."
Que faire ? L'école essaie de mettre en place un nouveau contrat pédagogique en innovant sur plusieurs terrains.
Responsabiliser les étudiants. "Etre étudiant, c'est un job, un vrai métier", considère Isabelle Barth. EM Strasbourg tâche, depuis cette année, de les faire travailler sur leur "métier". Des journées d'échange ont été organisées sur le développement durable, sur les discriminations et sur l'éthique. Les étudiants devront ensuite poursuivre leur réflexion en s'autoformant via un cursus en ligne.
Accompagner les enseignants. L'étude met particulièrement en valeur l'importance de la pédagogie. L'école souhaite "nouer un contrat pédagogique avec les enseignants". Des séminaires pédagogiques seront organisés à leur attention. et un spécialiste sera à leur disposition pour réaliser "un audit de leur cours". Une opération délicate car les professeurs peuvent être réticents à admettre un tiers dans leur classe.
Un contrat avec les étudiants. EM Strasbourg demandera aux enseignants et aux étudiants de se mettre d'accord sur un modus vivendi : la présence en cours est-elle obligatoire ? Quelles sanctions et évaluations cohérentes seront-elles mises en place ? L'idée centrale, c'est la cohérence. Il faut que les enseignants et les étudiants sachent à quoi s'en tenir. Toute la palette des comportements est envisageable, mais EM Strasbourg assure qu'une fois fixées, les règles seront respectées. Le nuancier sera en outre plus large que l'alternative prof libéral / prof rigide. Un enseignant qui laisse libre d'assister à son cours pourra être intraitable sur les retards, etc.
Selon l'étude, les enseignants (à 41 % pour les permanents et à 47 % pour les vacataires) sont majoritairement favorables à un système réglementé. Une majorité d'étudiants (42 %) préfère un système libéral. Bizarre, non ?