Ces temps-ci, je me passionne pour
Le Seigneur des Anneaux et pour
Les Malheurs de Sophie.
Vers l’ouvrage de John Ronald Reuel Tolkien je suis revenu parce que les semaines passées France II a diffusé le dimanche soir les films que Peter Jackson a réalisés en 2000 :
La Communauté de l’Anneau,
Les Deux Tours &
Le Retour du Roi (certainement à l’occasion de la sortie au cinéma du
Hobbit, nouvelle adaptation d’un autre livre de Tolkien). Longtemps, pour moi, cet ouvrage a fait partie (et était au cœur) de ce qu’on pourrait appeler “la culture
geek” (la sous-culture des “petits blancs”
as opposed to la sous-culture “gangsta” des rappeurs et de leur public). En revoyant ces films et en me plongeant dans les livres, j’ai mieux compris l’admiration qu’on pouvait leur porter. Les films sont très bien, techniquement, visuellement. Bon, évidemment, c’est un genre. Je suis certain que bien des lecteurs de ce Forum ne sont pas adeptes de la
fantasy. Mais tout de même. Les paysages que l’on voit sont superbes. Vierges. Préservés de toute salissure humaine. Peter Jackson a reconstitué en Nouvelle-Zélande (il est Néo-zélandais) la Terre du Milieu qui est le cadre des aventures des Hobbits, des Elfes, des Nains et des Hommes. Mais l’histoire est censée se dérouler dans une Europe mythologique et oubliée. Il est très intéressant de relever ce que dit des paysages du film l’acteur Ian McKellen, qui interprète le rôle du magicien Gandalf. Il explique que logiquement, le tournage aurait dû se faire en Angleterre, qu’il aurait beaucoup aimé qu’il se fît en Angleterre, mais que c’était impossible parce que l’Angleterre médiévale qui correspond aux descriptions de Tolkien avait disparu à cause de la présence envahissante de l’homme.
Le début du premier film se passe dans le pays des Hobbits, appelé la Comté. C’est un endroit merveilleux où ces êtres vivent en parfaite harmonie avec la nature. Leur architecture s’intègre parfaitement aux paysages. Leurs maisons sont des galeries creusées dans les collines. Pour le coup, voilà de la
vraie campagne, et à perte de vue encore ! Dans le
making of du film, on voit l’endroit où ont été tournées ces scènes. C’est très “
Loin”.
De nombreux aspects des films (qui présentent quelques différences avec les livres) méritent d’être traités à travers le prisme de l’In-nocence.
Le Seigneur des Anneaux est une œuvre assez binaire. Les “bons” (Hommes, Elfes, Nains et Hobbits) s’opposent aux “méchants” (le terrifiant Sauron et ses serviteurs les Orcs). Mais ce sont aussi deux modèles de société qui s’affrontent. Les “gentils” ont le sens des responsabilités, de la parole donnée, de l’engagement pris et respecté, du courage. Les “mauvais” ne vivent que dans le chaos, la dispute perpétuelle, l’affrontement, le rapport de force, le désordre (la laideur, les cris, la crasse). La morale est illustrée par une esthétique. Les Elfes, les créatures les plus incorruptibles, les plus en accord avec leur élément naturel, les plus sages, sont aussi les créatures les plus belles. Les Orcs, féroces et
nocents, sont hideux. Le rapport à la nature est très
in-nocent, lui aussi, dans l’ensemble.
Au-delà de ces questions, on peut faire une lecture politique du
Seingeur des Anneaux et dire de cette œuvre (films comme livre) qu’elle est
identitaire (un ami belge m’a fait cette remarque qui me semble parfaitement fondée), et ce à deux niveaux. Au niveau interne, tout d’abord. Les races existent en tant que telles, sont clairement identifiées et définies (ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Tolkien a été accusé d’être raciste et eurocentriste...). Les Hommes cherchent à défendre leur terre et leur mode de vie face au danger que représente Sauron et le Mordor. Pour nous, Européens, ensuite. En effet, Tolkien (qui était professeur de langue et de littérature anglaises à Oxford) s’est inspiré de différents mythes de la culture européenne (en particulier de la mythologie germanique et anglo-saxonne ainsi que des
sagas nordiques).
*
Vers le livre de Sophie Rostopchine, comtesse de Ségur, je suis venu par la série télévisée d’animation réalisée en 1997 par Bernard Deyriès et diffusée à partir de 1998 sur France III (c’est là que je la regardais étant enfant). Les épisodes de cette série sont visibles sur
YouTube et je les ai revus récemment. Je crois qu’elle ne plaît pas beaucoup à M. le Président mais je pense qu’elle a tout de même quelques qualités, surtout si on considère le fait qu’il s’agit d’un spectacle destiné à être vu par de petits enfants. Pour commencer, la langue y est tout à fait correcte. Le dessin est plutôt agréable, lui aussi (rien à voir avec les affreux “dessins animés” diffusés de nos jours) et relève de la ligne claire (le “style Hergé”). L’environnement où la petite Sophie commet ses bêtises (les châteaux de Fleurville et de Réan, en Normandie, et les paysages environnants) est très plaisant et illustre à merveille ce que fut la campagne dans la
France d’avant. On pourrait dire que tout l’objet du livre est de montrer le chemin que parcourt Sophie vers l’in-nocence et de faire de ce parcours un exemple (l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire, souvent (et dans ce cas, ce sont Camille et Madeleine de Fleurville qui sont l’exemple à suivre)).
Bref, ces deux ouvrages (et les adaptations qui en ont été tirées) me reposent bien de la laideur et de la
fatigue du sens actuelles.