Je ne sais absolument pas ce qu'est "
la gauche réformiste ", qui peut m'aider ? Merci d'avance.
"C'est toute la gauche réformiste qui est humiliée"
Par François Chérèque (président de Terra Nova, ancien secrétaire général de la CFDT (2002 à 2012)
Mardi 2 avril, jour de l'aveu de l'ancien ministre du budget devant les juges, j'étais dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur pour participer à un colloque sur la lutte contre la pauvreté. La PACA, comme on l'appelle est la région de France, après l'Ile-de-France, où les écarts de revenus sont les plus importants, où les personnes soumis à l'impôt sur la fortune (ISF) sont les plus nombreux, mais également où la proportion de personnes vivant dans des quartiers dit "sensibles" est la plus importante. Il n'y a pas plus de pauvres proportionnellement là qu'ailleurs, mais ils y sont plus pauvres !
C'est dans ce contexte que celui qui, chargé par le gouvernement d'expliquer la nécessité de maîtriser les dépenses budgétaires, puis de mettre en œuvre ces réductions, avoue qu'il n'a cessé, depuis vingt ans, de s'en extraire pour son compte personnel ! Rassurez-vous, ce n'est pas tant le mensonge qui me révolte le plus aujourd'hui, mensonge que je considère à ce stade relevant de la pathologie grave. Se considérer intouchable, surpuissant, quasi immortel dans son cynisme et continuer à prêcher ainsi le juste et le mal pendant vingt ans relève pour moi autant du psychiatre que du juge !
Ce qui me révolte le plus, c'est la honte qu'il fait porter sur la grande partie de ceux qui pensent qu'il est juste de mettre fin aux dérives des finances publiques car elle crée de l'injustice, de l'inégalité et de l'exclusion. Parce qu'au bout de l'histoire, ce sont toujours les même qui trinquent, ceux qui n'ont pas d'autres choix que de recourir à la solidarité collective. Ceux qui ont le plus de moyens, qui peuvent tricher, cacher leur argent à l'étranger, s'en sortent toujours bien.
Et c'est celui qui était chargé de les traquer qui nous explique, contrit, qu'il en fait partie. Avec le risque terrible d'un refuge électoral à l'extrême droite d'une population trahie qui, au final, profitera encore à ceux-là mêmes qu'il était sensé combattre avant que l'on apprenne cette turpitude. En effet, qui peut penser sérieusement aujourd'hui qu'une droite revancharde et radicale réduirait, revenue au pouvoir, ces inégalités insupportables de notre pays. Comment expliquer aujourd'hui qu'il est nécessaire de mettre de l'ordre dans nos finances publiques sans se faire rire au nez, si ce n'est agresser ?
UN SENTIMENT DE MÉPRIS M'ANIME
M. Cahuzac, en révélant ses dérives, à sali deux de mes modèles : Pierre Mendès France et Jacques Delors, qui chacun en leur temps, pour les raisons que je viens de décrire, ont tenté de mettre fin à ce mal français d'utiliser avec excès l'argent que l'on a, sans vivre à crédit sur le compte de nos enfants, pour mieux le redistribuer avec plus de justice. C'est donc toute la gauche réformiste, une gauche sociale, parce que non libérale au sens négatif du mot, qui est aujourd'hui humiliée et qui doit se sentir bien seule.
C'est donc un sentiment de mépris qui m'anime aujourd'hui face à ces soient disant hommes de gauche soit disant morale et qui sombrent dans les turpitudes de l'argent d'autant plus facile qu'il n'est pas le leur.
Il faut donc maintenant aller au-delà de la nécessaire moralisation de la vie politique que propose le président de la République sans tomber dans le "tous pourris" si facile, mais lutter encore plus contre les paradis fiscaux, la fraude fiscale et réformer encore plus le système bancaire avec l'aide de l'Europe.
Monsieur le président, je suis convaincu que, comme moi, vous avez été trompé, mais puisque la finance est votre ennemi, faites-le !
François Chérèque (président de Terra Nova, ancien secrétaire général de la CFDT (2002 à 2012))