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La grande Parade,

Envoyé par Henri Rebeyrol 
03 décembre 2013, 13:49   La grande Parade,
comme l'écrivait Revel il y a un peu plus de dix ans (dans les deux sens du mot : on pare et on parade), a repris à l'occasion de la publication des enquêtes PISA.

La France, comme le chômage (catégorie A) !, recule dans le classement international. Ce n'est pas encore l'Albanie, mais on s'en approche. Chacun s'attendait au désastre, le ministre Peillon le premier, qui avait pris soin au cours de la semaine passée de sortir la Grosse Bertha de la propagande, annonçant avant tout le monde que la responsabilité du mauvais classement incombait aux inégalités (mais que tout allait changer, puisque ces inégalités étaient la cible du gouvernement Hollande, en particulier les classes préparatoires aux grandes écoles). Bien entendu, personne n'est dupe. Le désastre est avéré. Silence, on coule. Mais les journalistes aux ordres (tous ou quasiment tous) ne l'entendent pas de cette oreille (ils sont la voix du ministère) et ils répètent depuis trois heures ou plus le mot d'ordre époumoné d'en haut : tout est de la faute des inégalités.

Les pays les mieux classés (Chine, Japon, Corée, Taïwan, Singapour, etc.) sont célèbres pour l'ampleur de leurs inégalités sociales, contre lesquelles, dès qu'il est question des bonnes performances économiques de ces pays, s'insurgent les bien pensants , qui objectent à ces monstres la belle France socialo qui, depuis trente ans, lutte contre ces mêmes inégalités - apparemment en vain. Aucun de ces journalistes n'oppose à l'homogénéité culturelle relative de ces pays d'Asie, premiers partout, la diversité galopante de la France et la présence en France d'élèves divers qui tiennent les élèves français qui étudient pour des bouffons, quand ils ne les humilient pas, et dont le seul horizon est le fric facile, la frime (la frime + le fric = la frique), les trafics, le vol, le foot. Non, tout est de la faute des classes préparatoires. Rien n'est dit non plus des profs, qui préservent habilement leurs propres enfants de ce désastre dans lequel ils enfoncent les enfants du peuple et qui, ainsi, leur (à leurs enfants) épargnent toute concurrence ultérieure (à eux, les bonnes places !).

Au même moment, à 12 h 45, la dénommée Pascale Clark, le héraut (féminine : la héraute ?) de la ligne juste, participait au Jeu des Mille Euros, à l'occasion de la célébration du cinquantième anniversaire de France Inter. Ce fut un grand moment de désastre culturel. Cette dame, avec une acolyte, n'a répondu qu'à quatre questions sur six et n'a pas pu tenter le banco, et encore, elle n'a donné trois de ses quatre bonnes réponses qu'après de nombreux essais. A la question "quelle était la nationalité de Sibelius ?", elle énumère vingt nationalités avant de tomber, aidée par l'animateur (norvégienne ? Non c'est tout près ! Suédoise ? C'est à côté ! Islandaise ? Presque !), par hasard et juste avant le gong, sur la bonne. Elle et son acolyte, une journaleuse de France Inter comme elle, ont été incapables de trouver la réponse à une question de vocabulaire scientifique : "à quoi correspond la température de - 273 degrés ?, ayant répondu la "glaciation" !!! La bonne rigolade. Si la glaciation se fait à cette température, on ne comprend pas qu'il y ait encore des glaciers et une banquise. La question rouge était : "qui est l'auteur de Port-Royal, cette "fresque" en 5 volumes sur l'institution janséniste de Port-Royal ?". Pour aider ses deux camarades, l'animateur a précisé que l'auteur était un écrivain et un critique littéraire, qu'il écrivait entre 1840 et 1860 et que son nom "double" comportait un mot qui évoquait la religion. La réponse donnée a été "Saint Vincent de Paul", qui vivait au XVIIe siècle et qui n'a rien écrit, sinon des lettres, et rien sur Port-Royal, des seuls débuts duquel il a été le contemporain.

Pendant que ses collègues de France Inter essaient de parer le coup porté par PISA au système scolaire français, Mme Pascale Clark, cette grande moralineuse qui met la culture au-dessus de tout le reste, fait parade de son ignorance, qui ne dépare pas avec les résultats PISA. Et pourtant, dans son cas, il est impossible de mettre le désastre sur le compte des inégalités sociales.
03 décembre 2013, 16:39   Re : La grande Parade,
C'est en effet un formidable unisson... Le troupeau bêle d'une seule voix — à en faire trembler les murs. Ayant rapidement "balayé" l'ensemble des principales stations de radio, je n'ai entendu partout que cette "complainte des inégalités" usée jusqu'à la trame. Cet acharnement à marteler une "explication" aussi bête est proprement stupéfiant. On se situe carrément dans le registre du mantra.

Quant au festival d'inculture de la dame Clark, sur lequel je suis tombé moi aussi à la mi-journée, il m'a hautement réjoui : il confirme ce que je pensais de cette petite personne, terriblement imbue d'elle-même et en représentation permanente de belle-âmisme, prompte à distribuer les certificats d'infamie à tout ce qui ne pense croit pas comme elle. Ce n'est d'ailleurs pas bien difficile à deviner, il suffit de l'entendre parler une vingtaine de secondes. En dehors du petit champ de l'écume culturalo-industrielle quotidienne la plus basse, c'est le néant conceptuel, la rebellitude à deux sous, le ricanement décérébré, l'autolâtrie.
Mais elle s'en fout, de vos sainte-Beuve et de vos Sibelius, la Clark (pour la nationalité de ce dernier, elle a proposé, entre autres : "italien ?" — épatant, non ? Il est vrai que nationalité, ce doit être une espèce de gros mot dans sa bouche). Mieux : elle s'en gausse. Elle est bien au-dessus de tout ça ; elle écoute du rap, elle lit Angot et elle cause comme on doit causer.
03 décembre 2013, 18:16   Re : La grande Parade,
Sur France Culture c’est le bourrage de crâne à chaque journal. On n’y tient plus, on tourne le bouton.

La tactique est toujours la même : il s’agit de prêcher des choses que l’on sait fausses, et qui sont même des paralogismes, mais qui ont, au moins superficiellement, l’air de coller à un logiciel « de gauche ». La sur-délinquance est due à... la prison. L’effondrement de l’école est dû à... son élitisme.

Et dans deux jours, les journalistes vont encore s’indigner d’être mal considérés par l’opinion.
03 décembre 2013, 20:12   Re : La grande Parade,
« Je sors jaten le bus mes il n’arrivent pas. Donc je vai an vélo jusqu’à l’école mais il y a tros de nège. Alors je repose le vélo dans le carrage et jivai à pied. Quand j’arrive à l’école tout le monde est dans la cour pourtant je suis enretard. Je demande à mes copin il me dise se qui se passe il me dise que l’intérieur de l’école est recouverte de neige. Il y a eu une avallanche. Donc toute la journée il niora pas école. »

Voilà un extrait de la production écrite, glanée récemment dans une classe de CM2, à l’occasion d’un atelier d’écriture que j’ai animé. La consigne était d’imaginer une journée de panne générale d’électricité.

En voici un autre :

« Je sorre pour aller à l’école, je me ranconte qu’il avait de la neige, bizarrement je ne voix pas le bus, dabitude il est la. Je me dis que c’est domage car je vais me jelais pendant tout chemin. Aureusement que je connait la route, les lampadère ne marche plus, mais tout dincou de la neige recouvrie le chemin je me di que je vais marché tout droit. »

Et un troisième :

« Maintenant à l’école personne était là apare mon meillure ami. Ils ont vu la fenetre allumé mais personne dedans. Ils vont dedans, les enfans entend du bris, ils vont voir ce que c’est. Ils entre dans la classe mais ils se conyent de partous sur les bureau et sur les chaisse. »

(Encore ces recopiages ne rendent-ils pas compte des graphies…)

L’écrasante majorité du reste est à l’avenant.

Peut-être pensez-vous que j’étais en mission dans un quartier « sensible », « défavorisé », « divers », or c’est exactement le contraire. Les écoles où je suis « intervenu » avaient pour particularité d’accueillir des enfants de milieux aisés, dans un cadre idéal. Ces élèves étaient d’ailleurs fort bien élevés, levant le doigt pour prendre la parole, s’exprimant sans la moindre intonation banlieusarde pourtant si répandue et, d’ailleurs, ces classes n’étaient pas le moins du monde « mélangées » quant aux origines de leurs élèves. Sur un total de quatre-vingt élèves (soit quatre classes), j’ai relevé UNE enfant maîtrisant l’orthographe, une moitié en ayant une pratique chaotique, une autre moitié dans une sorte d’illettrisme.

Or, ces enfants sont on ne peut plus normaux dans leurs comportements, ils ne manquent pas d’intelligence ni de vivacité, paraissent absolument à l’aise, n’ont pas le commencement d’un soupçon qu’il leur manque un petit quelque chose et, de fait, il ne leur manque rien, ils s’en sortiront très bien dans la vie, un certain type de vie, j’en suis certain, ils feront leur chemin sans problème, un certain type de chemin, ils seront cadres, comme leurs parents, cadres du monde de demain.

Cette expérience qui m’a parue inouïe et à laquelle je ne croirais pas si je n’avais ces feuilles sous les yeux, m’a donné à réfléchir. Il ne m’a plus paru suffisant d’incriminer les méthodes (aucune méthode ne peut être à ce point mauvaise pour qu’un enfant, écrive : « Alors je repose le vélo dans le carrage et jivai à pied », immédiatement suivi par un tronçon de phrase correct : « Quand j’arrive à l’école tout le monde est dans la cour ») ; insuffisant aussi de relever la présence d’élèves étrangers à la langue française car ce n’est absolument pas le cas, en l’occurrence ; la question de l’appartenance sociale échoue elle aussi à expliquer quoi que ce soit.

Je n’ai pu tirer d’autre conclusion que celle d’une révolution anthropologique à l’œuvre, un changement de paradigme, un nouveau rapport au monde qui passe, chez ces enfants, par une pratique très intense de l’électronique, pratique qui est incompatible avec une certaine forme de raisonnement, une certaine approche du monde, les nôtres, et qui seront lettre morte pour ces "bouts de chou" quand ils seront aux affaires, car rien ne fera qu'un jour ils n'y soient pas.
03 décembre 2013, 20:38   Re : La grande Parade,
Citation

« Je sors jaten le bus mes il n’arrivent pas. Donc je vai an vélo jusqu’à l’école mais il y a tros de nège. Alors je repose le vélo dans le carrage et jivai à pied (...)"

J'ai un cru un instant que vous essayiez d'imiter le mal-écrire (et que vous n'y arriviez pas très bien, que vous en faisiez trop). C'est à ce point, alors. J'ai moins de quarante ans, j'ai grandi dans une cité complètement diversifiée, j'ai appris à lire et écrire dans l'école publique la plus proche, alors je peux vous dire que je l'ai vue, l'école effondrée, de près. Mais ça, en CM2, nom de Dieu ! Si ça continue comme ça, à ce rythme, quelle sera la prochaine étape ? Le tout phonétique ? L'abandon pur et simple de l'écrit ?
03 décembre 2013, 21:00   Re : La grande Parade,
"Je sors jaten le bus mes il n’arrivent pas. Donc je vai an vélo jusqu’à l’école mais il y a tros de nège. Alors je repose le vélo dans le carrage et jivai à pied"

Entrevu cette phrase en un éclair, ai cru que vous nous proposiez du Théophile de Viau, puis à un classique du XIIIe siècle Le Manuel des Péchiez, en anglo-normand, étais même près à donner au "bus" figure hippomobile...

Si l'état de l'écrit peut nous être de quelque indication, il est possible que ce curieux XXIe siècle où nous sommes embarqués nous ramène à l'an mille cent. Ce ne serait que justice des nombres.
Un Corbeau devant moi croasse,
Une ombre offusque mes regards,
Deux belettes et deux renards
Traversent l'endroit où je passe :
Les pieds faillent à mon cheval,
Mon laquais tombe du haut mal,
J'entends craqueter le tonnerre,
Un esprit se présente à moi,
J'ois Charon qui m'appelle à soi,
Je vois le centre de la terre.

Ce ruisseau remonte en sa source,
Un boeuf gravit sur un clocher,
Le sang coule de ce rocher,
Un aspic s'accouple d'une ourse,
Sur le haut d'une vieille tour
Un serpent déchire un vautour,
Le feu brûle dedans la glace,
Le Soleil est devenu noir,
Je vois la Lune qui va choir,
Cet arbre est sorti de sa place.
03 décembre 2013, 21:22   Re : La grande Parade,
"Le tout phonétique ? L'abandon pur et simple de l'écrit ?"

Non, je ne crois pas. L'orthographe de ces textes n'a que peu de rapport, à mon avis, avec la phonétique. J'ai lu par exemple : "téléphone phixe" et il y aurait quantité d'autres exemples où c'est la complication qui l'emporte sur la loi de moindre effort. Je ne crois pas non plus que l'écrit soit promis à l'abandon complet. Il peut simplement entrer dans le domaine de l'expertise, devenir l'affaire de certains experts, avant que les traitements de texte "intelligents" ne s'en occupent. Ce qui me semble le plus stupéfiant à observer c'est la séparation qui est en train de s'opérer entre l'expression écrite et la capacité, tout de même, de réfléchir, d'avoir des opinions d'enfants, des histoires d'enfants, de grandir. Autrefois, ces textes eussent signalé des enfants "à problème", des simples d'esprit et le reste du comportement l'eût confirmé. Or, il n'en est rien. Je suis certain que leur Q.I est à fait acceptable. Le lien entre expression écrite et capacité de raisonner se distend mais, au fond, personne ne sait quelle sorte de raisonnement peut naître de ce divorce.
03 décembre 2013, 21:27   Re : La grande Parade,
"(...) il est possible que ce curieux XXIe siècle où nous sommes embarqués nous ramène à l'an mille cent."

Alors là, Francis, apprenez, si ne le savez, que le Moyen-âge est la seule et unique référence historique de ces bambins. Pour eux, il y a aujourd'hui et tout ce qui n'est pas aujourd'hui, c'est le Moyen-âge. Entre les deux : rien.
03 décembre 2013, 21:51   Re : La grande Parade,
Citation

Alors là, Francis, apprenez, si ne le savez, que le Moyen-âge est la seule et unique référence historique de ces bambins. Pour eux, il y a aujourd'hui et tout ce qui n'est pas aujourd'hui, c'est le Moyen-âge. Entre les deux : rien.

Dans certains cas ça n'est pas sans me donner quelque espoir : je suis toujours agréablement surpris par la fascination qu'exercent chevaliers, rois et grands châteaux, courage, honneur et loyauté, sur les jeunes enfants.

J'ai tout récemment été ému par les larmes d'un garçon de quatre ans, inconsolable qu'il était d'avoir appris que la France avait tué le Roi, "Oh non ! Mais pourquoi maman ? Pourquoi ? Oh non !" "Eh bien, euh... le peuple, les privilèges, euh...". Il s'en fichait pas mal, du peuple, des privilèges et de Robespierre, il venait d'apprendre qu'on avait tué son Roi !
04 décembre 2013, 04:23   Pots cassés
» Je n’ai pu tirer d’autre conclusion que celle d’une révolution anthropologique à l’œuvre, un changement de paradigme, un nouveau rapport au monde qui passe, chez ces enfants, par une pratique très intense de l’électronique, pratique qui est incompatible avec une certaine forme de raisonnement

Le rôle de la lecture dans l'acquisition d'une certaine maîtrise de l'écriture me paraît prépondérant, un peu comme l'observation du comportement visible des autres locuteurs dans l'apprentissage du langage semble capitale.
Il s'agirait alors plutôt d'une mise en jachère de certaines facultés ou potentialités qui ne sont pas actualisées faute de "stimulation efficace" (l'exemple que procure la lecture) ; si bonne nouvelle il y a, elle réside peut-être dans le fait que si ces facultés ont pu se perdre aussi rapidement, leur recouvrement pourrait l'être tout autant.
Pour une fois, la gravité des symptômes pourrait augurer d'une reprise tout aussi spectaculaire, s'il est vrai que dans la vie de l'esprit la rapidité des changements contredit leur irréversibilité.
Or je ne crois pas que la richesse du monde écrit puisse être de quelque façon remplacée, à valeur d'expérience égale, par ce que vous appelez la "pratique de l’électronique" : l'homme ne mute pas si rapidement et ne change de besoins si facilement ; quand le manque de l'apport (fondamental en réalité, au plan de ce qu'on peut concevoir encore comme "humanité") que représentent l'écrit et la lecture se fera trop ressentir, la pratique d'icelles se manifesta d'autant, et avec elles leur corollaire mimétique : le soin et le savoir de l'écriture.
04 décembre 2013, 12:30   Re : Pots cassés
Cher Alain,

Merci pour ce message optimiste, quand bien même il ne suffirait pas à effacer la tristesse que m'a communiqué cette rencontre scolaire. L'homme ne mute pas si rapidement, écrivez-vous, et ne change pas de besoins si facilement, mais s'agit-il d'une mutation ? N'avons-nous pas perdu progressivement notre savoir-faire manuel, par exemple, sans pour autant muter ? J'évoque cela car, paradoxalement, mon premier sentiment à la vue de ces pages a été de les associer, moins à une perte intellectuelle qu'à une perte de savoir-faire manuel, comme si, au lieu de demander de l'écrit, j'avais demandé de fabriquer une simple boîte en balsa et qu'on m'eût présenté des contenants informes. De là m'est revenu d'avoir lu que dans les écoles des Etats-Unis l'écriture à la main est devenue une matière facultative dans la moitié des Etats. Autrement dit, dans ces écoles, je suppose que si les élèves ne travaillent plus que sur écran, leurs fautes sont automatiquement corrigées : l'orthographe ne disparaît donc pas, elle devient l'objet d'une "fabrication" extérieure à l'usager et sur laquelle il n'a pas plus besoin d'avoir prise directe que sur tous les objets qui l'entourent. L'orthographe, l'expression écrite, devient une activité particulière : pas plus n'est-on censé la maîtriser par ses propres moyens qu'on n'estime devoir pratiquer la menuiserie pour acheter des chaises.
04 décembre 2013, 16:25   Re : Pots cassés
Beaucoup d'ethnologues estiment que deux générations suffisent à un groupe ethnique pour perdre complètement sa culture quand elle n'est plus entretenue ni valorisée.
04 décembre 2013, 21:11   Re : Pots cassés
En effet : que transmettra à ses descendants cette génération-là ?
04 décembre 2013, 21:35   Re : La grande Parade,
L'écriture et l'orthographe peuvent s'apprendre à tout âge, à la différence de la phonétique, de la prononciation et de l'acquisition de la compréhension orale.

J'ai appris à écrire l'anglais à dix-huit ans passé, sans faire aujourd'hui plus de fautes (et même certainement moins!) qu'en français. J'ai appris à lire le chinois à trente ans. Je suis convaincu que l'on peut apprendre la calligraphie chinoise, l'alphabet cunéïforme de Sumer, à soixante ans après avoir été toute sa vie mécanicien auto ou épicière.

Ces pauvres enfants, devenus adolescents, s'y mettront comme les autres, à l'heure de rédiger leurs premières "lettres de motivation" avec un énorme retard accumulé et des efforts importants qui auraient pu leur être épargnés. Il leur restera à dire un merci très amer à l'école pédagogiste et égalitaire qui aura flatté leur "créativité" pendant l'enfance en les laissant grandir dans leur condition d'orgueilleux petits ânes aux "rythmes scolaires diversifiés". Ce qu'ils transmettront à leurs enfants ? Eh bien cet enseignement-là, celui de NE PAS faire confiance à l'école de la République qui s'est moquée d'eux, qui les a trahis et a abusé de la confiance de leurs parents.
05 décembre 2013, 01:17   Re : La grande Parade,
Sans compter qu'il existe toujours des "malins" qui eux apprennent l'orthographe en usant d'anciennes méthodes... La proportion d'analphabète est-elle tellement plus grande aujourd'hui qu'en 1900 ou en 1700 ?
05 décembre 2013, 05:28   Question de préséance
» L'orthographe, l'expression écrite, devient une activité particulière : pas plus n'est-on censé la maîtriser par ses propres moyens qu'on n'estime devoir pratiquer la menuiserie pour acheter des chaises.

L'écrit paraissant si indissolublement lié au meilleur exercice de la pensée, toute la question revient à savoir s"il n'est pas plus vital, pour la survie même de l'espèce, de continuer à pouvoir penser que de s'asseoir.
05 décembre 2013, 13:37   Re : La grande Parade,
On sent bien, tout de même, un désir de revenir à des états sociaux antérieurs. Le moteur à explosion du Désastre, c'est la Grande Régression qui procède par identification aux mœurs étrangères: une société sans écriture? Pourquoi pas... Une école qui n'enseigne pas la destruction des juifs d'Europe? Allez chiche... Marre de ce confort! Et si on allait dormir dans un yourte après avoir mangé une platée d'insectes crus? Ouais!
05 décembre 2013, 15:11   Re : La grande Parade,
Toujours sur l’enquête PISA, Frédéric Métézeau, commissaire politique sur France Culture, ce jeudi 5 novembre à 7H 15.

« Mardi l’étude PISA révélait un petit recul de notre système éducatif au sein de l’OCDE, mais surtout un accroissement des inégalités à l’école. Des écarts toujours plus grands entre les meilleurs et les moins bons, les moins bons étant issus des milieux les plus défavorisés, économiquement, socialement et culturellement : dis-moi quel est ton quartier et je te dirai quelle est ton école. »

Après une préparation d’artillerie d’une semaine, c’est donc plié, la vérité médiatique est devenue la seule vérité : le recul de la France est anecdotique. L’important, c’est l’injustice vis-à-vis des habitants « défavorisés » des « quartiers ».

Sauf que le dossier communiqué à la presse, que tout un chacun peut consulter... dit exactement le contraire. Le recul n’est pas du tout un petit recul. La France, qui était au-dessus de la moyenne de l’OCDE en mathématiques, se retrouve dans la moyenne, très loin des pays développés (Asie, Suisse, Pays-Bas, etc.). Or les compétences en mathématiques telles qu’elles sont mesurées par PISA sont très fortement prédictives du succès scolaire, et notamment de « la faculté de suivre des études post-secondaires » ainsi que des « perspectives financières une fois dans la vie active » (p. 6).

Pour les inégalités, le système français se révèle en effet à la fois peu performant et inéquitable socialement (p. 13 du dossier). Mais comment interpréter les écarts de performance entre immigrés et autochtones (les immigrés étant deux fois plus susceptibles de compter dans les mauvais et l’écart entre immigrés et autochtones augmentant de 24 points en France, alors qu’il diminue de 11 points en moyenne pour l’OCDE) ? Se contenter de relever les inégalités, sous l’angle de l’injustice, c’est dérouler paresseusement la rhétorique victimaire. Il faudrait s’interroger sur les causes, quitte à admettre le fait que ces gamins ne sont pas adaptés au système éducatif français, qu’ils sont condamnés à l’échec.

[www.oecd.org]
[www.oecd.org]

[Message modifié]
Utilisateur anonyme
05 décembre 2013, 15:25   Re : La grande Parade,
Citation
Stéphane Pugnière
Citation

« Je sors jaten le bus mes il n’arrivent pas. Donc je vai an vélo jusqu’à l’école mais il y a tros de nège. Alors je repose le vélo dans le carrage et jivai à pied (...)"

J'ai un cru un instant que vous essayiez d'imiter le mal-écrire (et que vous n'y arriviez pas très bien, que vous en faisiez trop). C'est à ce point, alors. J'ai moins de quarante ans, j'ai grandi dans une cité complètement diversifiée, j'ai appris à lire et écrire dans l'école publique la plus proche, alors je peux vous dire que je l'ai vue, l'école effondrée, de près. Mais ça, en CM2, nom de Dieu ! Si ça continue comme ça, à ce rythme, quelle sera la prochaine étape ? Le tout phonétique ? L'abandon pur et simple de l'écrit ?

Moi qui vais bientôt les avoir, ces quarante ans, moi qui ai aussi grandi dans un quartier divers et sensible, je suis tout comme vous stupéfait de constater à quelle vitesse la langue se perd.

Je fais des fautes d'orthographe, de syntaxe, bien trop souvent, mais elles sont dues, pour la quasi totalité, à un défaut de concentration hérité justement de ces lieux d'apprentissage. Un effort et tout va mieux.

Il me semble que nous n'en sommes plus là, que ce que j'ai réussi à apprendre malgré tout, que ce qui a titillé ma curiosité n'existe plus.

Si la qualité des élèves est évidemment à mettre en cause, je crois qu'il faut également regarder du côté des enseignants : ils n'y sont plus.

Notez bien que je ne leur jette pas la pierre. Déjà, à mon époque, j'ai vu l'enseignant le plus motivé finir par lâcher prise, par ne plus y croire.(Avoir vu cela, avoir eu de la peine pour cet être humain m'a sans doute sauvé)

Je crois que cette orthographe est d'abord le résultat de ce "à quoi bon" des enseignants.

J'ose seulement croire qu'ils arrivent encore à repérer, dans le brouhaha quotidien, le ou les élèves qui méritent leur attention (j'ai bénéficié de ce dévouement et je les en remercie chaque fois que je peux le faire).
Utilisateur anonyme
05 décembre 2013, 16:40   Re : La grande Parade,
Le site vie-publique.fr publie quelques chiffres intéressants :

"Peut-on encore parler d’illettrisme chez les jeunes aujourd’hui ?

Parmi les 750 000 jeunes de 17 ans testés dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté (JDC) en 2011, un pourcentage non négligeable présentait un niveau faible en lecture. Ainsi, 10,4 % étaient considérés comme des lecteurs en difficulté et 4,8 % en grande difficulté. Ces derniers, qui ont un déficit important de vocabulaire et une maîtrise insuffisante du langage écrit, sont en situation d’illettrisme selon les critères de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. Chaque année, les JDC permettent de détecter environ 40 000 nouveaux jeunes dans ce cas.

Par ailleurs, une récente enquête internationale (PIRLS 2011) montre une baisse significative des performances en lecture des élèves à la fin du CM1 sur une période de 10 ans (2001-2011).

Les 18-25 ans représentent 4,5 % des illettrés en France. Les dispositifs « Défense-Deuxième chance », « Écoles de la deuxième chance » ou la formation en alternance sont des outils relativement efficaces pour les aider à dépasser cette situation.

Les centres « Défense-Deuxième chance », placés sous la tutelle des ministères chargés de l’Emploi, de la Ville et de la Défense, s’adressent aux jeunes de 18 à 25 ans subissant de grandes difficultés d’insertion sociale et professionnelle en raison de leur comportement. La formation dispensée dans ces centres, d’une durée de six mois à deux ans, comporte notamment une remise à niveau des fondamentaux scolaires. Les « Écoles de la deuxième chance » s’adressent, quant à elle, aux 18 à 25 ans qui sont sortis du système scolaire sans diplôme. Elles offrent une formation de 9 mois à 1 an pour parvenir à la maîtrise des savoirs de base : lire, écrire, compter, notions d’informatique et en langue étrangère. Si ces dispositifs ont une certaine efficacité (environ 40 % des jeunes trouvent un emploi à la sortie), il n’en reste pas moins que les effectifs concernés sont limités par rapport aux besoins."
05 décembre 2013, 19:55   Re : La grande Parade,
Citation
Christophe Rivoallan
J'ose seulement croire qu'ils arrivent encore à repérer, dans le brouhaha quotidien, le ou les élèves qui méritent leur attention (j'ai bénéficié de ce dévouement et je les en remercie chaque fois que je peux le faire).

J'ai eu la même peine que vous en voyant comment était traités certains de mes professeurs de collège et de lycée. En revanche, et bien qu'il n'y ait sans doute pas eu grand chose à repérer chez le jeune homme que j'étais, je n'ai jamais eu l'impression qu'un de ces professeurs ait eu le désir, l'espoir ni même les capacités de repérer quoi que ce soit, de distinguer qui que ce soit. Quand un Albert Camus ou un Jean Clair évoque (évoquent ?) ces professeurs qui les ont repérés, aimés, poussés, je n'y crois qu'à moitié, c'est trop beau pour avoir été vrai : une légende.
05 décembre 2013, 20:12   Re : La grande Parade,
Déclaration solennelle de M. Hollande : "Des massacres s'y perpétuent". Il parlait du Centrafrique, pas de la langue française.
Titre du Monde (site) : "Des amendes record à mettre en perspective". Avec quoi ? Ils veulent dire "à relativiser". Le massacre continue.
05 décembre 2013, 20:38   Re : La grande Parade,
Ah tiens, voici une anecdote toute fraîche : je discute avec deux collègues de mon administration (deux femmes), leur parle du niveau catastrophique des écoliers, de l'effondrement de la langue, de la déculturation, du désastre, je soliloque, m'excite, je suis comme possédé, ventriloqué au dernier degré par vous-savez-qui.
Les deux collègues opinent de toutes leurs forces, me comprennent du plus profond de leurs âmes, elles étaient perdues mais elles se retrouvent, de toute évidence mes paroles sont d'or ! Je les vois déjà membres du PI, du NON, en lutte, en guerre, en reconquête, livre brandi dans une main, archet menaçant dans l'autre ! La plus ancienne des deux (plus de soixante ans, belle voix grave, manières agréables, assez bien vêtue) finit par articuler quelque chose :

- oh mais tu sais, Stéphane il ne faut pas perdre espoir, tu vois, pense à ce ce prof de lycée dont on m'a parlé, qui fait étudier... (c'est moi qui pointille)... Pierre Perret à ses élèves !
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