Nous sommes en janvier 2215 de l’Hégire, soit env. 2800 de l’ère chrétienne. Et nous retrouvons le cours du Vénérable Ib'n Al-Onfray, titulaire en Sorbonne de la chaire d'Histoire de l'Europe pré-islamique aux XVe et XVIe siècles de l'Hégire. On rappelle que ce semestre, le Vénérable donne un cours intitulé Mythogenèses chrétiennes tardives et dernier élan millénariste chez les associationnistes à la veille de l'instauration de la 1ère République Islamique de France -- l'épisode de la Semaine Sainte de Janvier.
Ib'n Al-Onfray se tient toujours droit devant le pupitre, drapé dans sa gigantesque djellaba blanche, ventru, méprisant, colérique, injuste. Il est toujours assisté de Page, le sourcil préoccupé, bidouillant sans arrêt la machinerie complexe du rétro-projecteur, plus fébrile que jamais ce matin depuis qu'il a vu passer en un éclair, dans le jeu des diapositives, une image pornographique qui s'est affichée une fraction de seconde dans le déroulement des vues sur le grand l'écran lors de la "répétition" préalable à la séance, ce qui fort heureusement a échappé à l'attention d'Ibn Al-Onfray, mais que certains étudiants placés dans l'amphithéâtre pourraient avoir aperçu... ... Page s'affaire à retrouver l'image pour l'effacer.
Nous allons continuer aujourd'hui avec ce que je vous ai décrit la semaine dernière comme tentative de synthèse et d'hybridation syncrétique du message politique proto-civilisationnel des chrétiens de France en déchéance millénariste, tentative qui prit corps et qui s'illustra, comme nous avons commencé de le voir lors des deux séances précédentes, dans leur construction du mythe de la
Semaine Sainte de janvier, laquelle, comme vous le savez, a nourri la chronique et l'imaginerie chrétiennes jusqu'à la proclamation de la Première république islamique, voire au-delà. J'insiste sur ce terme "déchéance millénariste" car c'est le contexte historial même, dans ces événements, qu'il s'agit de comprendre pour en saisir la portée. En effet, les chrétiens étaient alors parvenus à ce que j'ai caractérisé dans mon dernier ouvrage, comme
stade du désenchantement post-millénarien, issu du constat incontournable que leur "sauveur" n'avait rien pu faire pour empêcher les horreurs de leur XXe siècle, dont ils s'étaient, à l'évidence, rendus coupables, qu'il s'agisse du nazisme ou du communisme. Le deuxième millénaire qui faisait suite à la venue de leur prophète venait de s'écouler sans que la parousie promise ne se fût le moins du monde produite, fût-elle sous forme symbolique ou occulte. Et ce que certains parmi eux appelaient "crise de la foi chrétienne" cachait une véritable agonie de cette foi et de cette civilisation.
Que fallait-il faire alors pour relancer la machine de haine et de rancoeur ? Eh bien tenter la même chose, encore et toujours mais cette fois-ci, en se masquant : Attaquer les musulmans en masquant sa croix, tenter l'ultime effort d'imposer l'horreur associationniste en en déguisant la nature et l'objet ! Et lever les foules en masse dans cette entreprise en agitant des images perverses et blasphématoires... et sans omettre d'inviter les Croyants à s'adjoindre à leurs rangs, car tel se révéla alors leur calcul tactique.
MAIS QU'EST-CE QU'IL ME FAIT ?!!! QU'EST-CE QU'IL ME FABRIQUE ?!!!! QU'EST-CE QUE CET ABRUTI EST ENCORE EN TRAIN DE ME FABRIQUER ?!!!! PAAAAAGE !!! QU'EST-CE QUE C'EST QUE CETTE CUISINE, VOUS ME LA SORTEZ LA PHOTO DU LAGARDE OUI OU NON ? Ahhhhhhh voilà:
Cette photographie de propagande nous montre nul autre que le président de la banque internationale chrétienne, le FMI, Monsieur Lagarde lors de la manifestation faite au nom de leur pseudo-prophète "Charlie", nom qui, je vous le rappelle, comme celui de "Jeannette Bougrab" ne désigne aucun personnage réel et historique. Personne, aucun homme politique, aucun prédicateur, faut-il le préciser, ne s'est jamais nommé "Monsieur Charlie" dans ces années-là, nous sommes toujours, puisqu'il faut sans doute le rappeler à l'intention de certains (
le Vénérable s’interrompt brièvement pour couler un regard noir en direction de Du Masneau), en pleine mythogenèse. Cette image compte, en sus de l'imposture "Charlie" que je viens de dire, au moins deux autres types de perversion de la réalité auxquelles eurent recours les ingénieurs de cette "Semaine sainte de Janvier".
Tout d'abord, vous l'avez tout de suite reconnue, il y a la petite croix que le banquier tient dans la main, petite croix de bois de laquelle on a retiré les branches, comme nous l'avons vu la semaine dernière, cela à nulle autre fin, je le répète, que celle de tromper les Croyants et de mieux les inviter à se joindre aux rangs des associationnistes furieux qui, d'après la tradition, se massèrent en nombre ce jour-là.
La troisième imposture, la plus grosse, et grotesque, la plus extravagante, est celle du genre. Notez bien ce terme et ce concept,
le genre, car nous y reviendrons.
On le sait, pour l'avoir examiné avec le cas du personnage féminin au nom hybride "Jeannette Bougrab", comme celui de leur héroïne de fiction anti-musulmane Catherine Ségurane la niçoise -- je m'adresse ici à ceux qui étaient présents à la séance de la semaine dernière (
autre regard noir en direction d'un coin de l'amphithéâtre) -- c'est une constante chez les chrétiens d'époque tardive, de mettre en avant les bonnes femmes dans leurs attaques et agressions désespérées contre les Croyants. Et quand ils n'ont pas de bonne femme sous la main... eh bien ils n'hésitent pas à en fabriquer !
(onde de rires et remuements sur les bancs) C'est tout le sens et le fondement de ce qu'ils nommèrent à cette époque "Théorie du Genre", nous y reviendrons. Ces pleutres, incapables d'attaquer les Croyants de front, et comptant si entièrement sur leurs femmes pour leur sauver la peau des fesses, s'imaginèrent qu'ils trouveraient le salut en travestissant les hommes en femmes, pas moins !
Donc observons bien cette photo, ce qu'elle montre est terrible, ce que cette image donne à voir est bien la constante que je vous dis : les imagiers et mythographes chrétiens, vous le constatez, ont fait de ce banquier....
une femme ! La crypto-tradition politico-associationniste n'a pas reculé et appliquant sa "théorie du genre" à la lettre, ils firent du banquier
une madame, parfaitement, et le rebaptisèrent, je vous le donne en mille,
CHRISTine ! C'est donc par l'onomastique, la pensée magique, et leur "théorie du genre" que, à cette époque, nos chrétiens d'Europe et d'Amérique s'imaginaient pouvoir stopper le vent de l'histoire qui allait bientôt libérer l'Europe avec la fondation de la première République Islamique que notre patrie, la terre ancestrale de nos pères, la France, eut l'honneur et le bonheur d'accueillir.
Image suivante... Page, c'est à vous.
(Ib'n Al-Onfray consulte ses notes. Claquements sinistres dans la machine manipulée par Page. Grosse émotion sur les bancs de l'amphithéâtre. Rires. Emois divers. Ib'n Al-Onfray reste le nez dans ses notes, ne lève pas la tête. L'écran s'éteint. Le Vénérable s'avise du chahut, dirige son regard vers les élèves Marche et Chastagnac, saisit un bout de craie, et d'un grand geste d'athlète la projette violemment en direction des deux étudiants en haut de l'amphithéâtre puis, après une seconde de flottement part à grandes enjambées vers les gradins, qu'il ascensionne quatre à quatre jusqu'aux deux "fauteurs de trouble", saisit chacun d'eux par une oreille, qu'il tord horriblement, leur impose dans ce geste de courber l'échine, de baisser la tête à hauteur des genoux et de la sorte, les force de descendre, presque à croupeton jusqu'à l'estrade où les attend son assistant. Ib'n Al-Onfray tenant ainsi les deux jeunes gens invite Page à les frapper à coup de pied "comme des ânes" précise le Vénérable. Page entreprend alors de lancer de prodigieuses ruades dans le bas-ventre des deux autres, d'une férocité invraisemblable, à chaque coup de pied, Page prend un élan de deux pas, lève haut la jambe en arrière, comme pour se l'arracher. Dans l'effort, le fez en équilibre précaire sur son front finit par choir, découvrant un occiput glabre et fuselé. Le châtiment achevé, le Vénérable raccompagne les deux coupables à leur place en haut des gradins sans lâcher les oreilles. Il regagne le pupitre. Détendu, apaisé, et comme rajeuni.)
Bon. Continuons.
[fin du second acte]