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L'avenir de l'Europe est là

Envoyé par Michel Le Floch 
C'est Tariq Ramadan et Massimo D'Alema qui le disent dans Le Soir :

* Le Soir Namur Luxembourg, Le Soir Liège, Le Soir Hainaut, Le Soir Brabant Wallon, Le Soir Bruxelles

L’Europe est dans une situation paradoxale. Les défis tragiques qui l’ont secouée en 2015 auraient dû l’encourager à plus d’unité politique et à initier un débat sur l’islam. Or, la lutte contre le « terrorisme islamique » et l’accueil des réfugiés génèrent des sentiments de peur et d’incertitude qui poussent dans la direction opposée.

D’un côté, la xénophobie et le racisme. De retour en Europe, ils alimentent l’idée que l’Union européenne devrait s’enfermer et pourrait devenir une forteresse coupée du reste du monde. De l’autre côté, les flux migratoires. Ils ne peuvent être stoppés mais doivent être contrôlés avec la prévoyance maximale nécessaire pour éviter de graves conséquences sociales, culturelles et religieuses. L’avenir de l’Europe est là.

L’Europe devient plus que jamais une société multi-ethnique, multi-religieuse, multiculturelle, multilingue. Mais si l’Europe n’est pas capable de construire un espace de cohabitation durable, elle remet en cause l’existence même du projet d’Union européenne et, au-delà, ce qui fait la richesse de nos nations : cet héritage culturel sur lequel se fondent nos valeurs.

C’est pourquoi, quand des réfugiés quittent leur pays, la guerre, les bombes, il y a d’abord un devoir moral, un devoir de dignité qui nous renvoie à notre citoyenneté, laquelle n’est pas là uniquement pour nous protéger. Malheureusement, c’est par le biais de la photo d’un enfant mort sur une plage en Turquie que la grande partie de l’opinion publique européenne a réellement commencé, collectivement, à saisir l’ampleur du drame des réfugiés. Malheureusement, l’élan est retombé. Les fonctionnaires de la Commission ne parviennent pas à combler l’absence de vision politique du Conseil européen bien que l’idée semble avoir progressé que le règlement européen dit de Dublin – qui détermine que la gestion des réfugiés est une question nationale – relève désormais d’un siècle passé.

Ce n’est pas que nous ne sommes pas préoccupés par la sécurité de nos concitoyens. Il faut développer une stratégie efficace pour la paix en Syrie, pour la stabilité en Libye et pour mettre fin au fascisme de l’« Etat islamique » mais, au-delà, quelle est la stratégie politique ? Les forces engagées depuis les attentats du 13 novembre, l’Etat d’urgence, sont des moyens, quel est le but ?

Ce n’est pas que nous ne sommes pas préoccupés par la sécurité de nos concitoyens, mais nous ne devons pas oublier que l’éducation et la mixité sociale sont les éléments durables et indispensables pour asseoir la paix et le vivre ensemble.

N’oublions pas que l’Union européenne est née pour que des peuples qui se battaient entre eux vivent et vieillissent ensemble, dans la paix. Nous regrettons l’absence de réponse européenne de Bruxelles et de vision européenne de nos leaders politiques, mais nous sommes également en droit de nous interroger : existe-t-il actuellement une conscience européenne parmi les citoyens des Vingt-huit ?

Il faut parallèlement discuter d’un problème qui n’a jamais été abordé. Qu’est-ce que l’islam en Europe ? D’où viennent « ces fous » qui ne sont pas des réfugiés mais des citoyens européens ? Pourquoi n’a-t-on pas été capable de « vivre ensemble » sereinement entre juifs, chrétiens, musulmans et athées – et, de l’autre côté, comment répondre à l’islamophobie ?

Récemment, dans une conférence à laquelle nous participions tous les deux, une dame voilée, dans le public, Belge d’origine marocaine et de confession musulmane, exprimait sa contrainte à devoir se défendre vis-à-vis de ce qu’il se passe au niveau de l’« Etat islamique » car, pour elle, ces personnes ne sont pas musulmanes.

Ce serait trop simple de les sortir de l’islam. C’est un peu comme si on osait formuler que le stalinisme n’était pas le communisme. D’un point de vue strictement islamique et religieux, ils sont musulmans mais bien évidemment leurs comportements ne correspondent pas aux principes de l’islam. Par contre, ils obligent moralement et intellectuellement à prendre position sur ce qu’ils font. Ils forcent les musulmans à se distancer de ce discours qui met tout le monde en enfer sauf eux.

Il faut avoir une réponse religieuse mais pas uniquement. Si, bien entendu, il est plus facile de recruter dans la marginalité sociale, la pauvreté, le chômage, des études montrent que les terroristes impliqués à New York, Londres, Beyrouth ou Paris avaient très souvent basculé dans la violence extrémiste après un engagement religieux de quelques semaines seulement, et ce quel que soit leur niveau de formation scolaire ou leur niveau social. Il y a donc un vrai problème en termes d’éducation, de manipulation, d’endoctrinement sur Internet, d’usage de la drogue et de l’utilisation politique du fait religieux.

Nos concitoyens musulmans sont en première ligne pour lutter contre l’extrémisme violent parce qu’ils en sont les premières victimes. Il faut toutefois conduire ensemble cette lutte politique, culturelle et sociale. Paradoxalement, les extrémistes musulmans et les Européens islamophobes partagent la même idée que « l’islam est violence ». Cette perception est non seulement fausse, mais elle est dangereuse.

Pour sortir de cette idéologie infondée, nous avons besoin d’un islam européen, un islam de citoyens européens et non d’un islam constitué par la somme de communautés sous l’influence de leur pays d’origine. Nous avons besoin d’un islam pensé par des esprits ouverts à la réforme et aux défis de l’époque moderne, refusant la lecture littéraliste du Coran et s’inscrivant dans ce nouveau contexte historique. La contribution d’un tel islam serait importante pour la culture européenne du XXI e siècle, et au-delà. Ce serait également un puissant antidote au fanatisme religieux qui existe dans toutes les religions , et une réponse à l’islam figé et ultraconservateur dont se revendiquent parfois certains groupes terroristes.

Si les musulmans ont leur part de responsabilité dans l’émergence de cet islam européen, les Etats de l’Union et leurs institutions doivent reconnaître que l’islam est une religion européenne et que sa contribution est nécessaire et importante.
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