Quiconque a eu l'occasion de feuilleter des copies d'élèves ou de collégiens dans les matières littéraires a pu constater que le niveau de maîtrise de la langue française a désormais atteint un seuil de "déconstruction" presque absolu et sans doute irrémédiable pour plusieurs générations. Récemment, j'ai pu jeter un œil sur une de ces copies (une dissertation de français de classe de première) où se détachait un coruscant "
il aurait mourru" et où les mots étaient visiblement confondus les uns avec les autres : transporter à la place de transposer (l'auteur analysé y
transportait la réalité), résoudre à la place de rétablir (on y voyait la justice
résoudre la loi...) le tout sous la mitraille ininterrompue de fautes qu'on pourrait qualifier d'ordinaires et qui n'étaient même plus corrigées. Note : 15/20. Mais un autre devoir, de même facture, avait obtenu un 6/20, comme si les notes ne traduisaient plus que l'humeur du moment de la
professoressa.
Mais, dans le même temps, j'observe que les causettes de la vie sociale, quand elles tournent autour des études des enfants ou des jeunes, livrent très souvent la constatation suivante : "Oh, lui (ou elle), le français, c'est vraiment pas son fort, mais alors par contre il (ou elle) est très bon en maths.", ce qui est un baume au cœur de ces braves naïfs et leur permet de garder espoir. C'est bien simple, les cohortes d'illettrés se sont changées en colonnes de "matheux"...
Il va sans dire que cela tient simplement au fait que les parents sont incapables de juger du niveau des mathématiques en question dans lesquelles leur progéniture excelle prétendument, tandis qu'ils voient bien (encore) que quelque chose cloche avec le français. Or, il suffit de discuter avec un professeur de mathématiques à l'Université pour apprendre que la première année de fac se passe presque exclusivement en reprise du programme des trois années de lycée, après quoi le gros des troupes des "matheux" chimériques sont vite réorientés vers ce à quoi leur "esprit scientifique" les a en réalité préparés : une quelconque formation de techniciens, de lecteurs de modes d'emploi, de surveillants de la bonne marche des robots qui feront le vrai travail à la place de leurs petits esclaves humains, privés de tout l'esprit critique qu'auraient pu leur infuser la maîtrise de la langue, de la littérature et de l'histoire.