Mon propos, succinct et très incomplet, voulait juste réhabiliter, en quelque sorte, une classe de la bourgeoisie souvent injustement méprisée, alors que tout le monde fait grande consommation des inestimables progrès de notre époque, dont la plupart de ceux à qui on les doit appartenait à cette classe-là. Je veux m'élever contre cette ingratitude qui lui est trop souvent faite, tant à Gauche, bien que la bourgeoisie émane du Tiers état, qu'auprès de certains nostalgiques de l'Ancien Régime.
Quand je me rends chez mon dentiste pour une extraction de dent je loue infiniment le progrès médical et, plus particulièrement, les merveilles de confort apportées par l'anesthésie. Il paraît que les rages de dents ont, durant longtemps, été une des causes majeures du nombre de suicides en France et, certainement, partout ailleurs.
Ceci dit j'ai une très grande admiration pour ceux qui, que ce soit par héritage, par mimétisme culturel ou par sculpture exigeante et volontaire d'eux-mêmes, se présentent naturellement à nous sous les parures les plus nobles, les plus princières, les plus enviables et désirables qui soient.
Les exemples abondent, dans la production cinématographique et chansonnière, où on se moque, où on humilie trop facilement et sans aucune prise de risque cette pauvre bourgeoisie forcément vulgaire, vile, sournoise, dénuée de sens noble, conservatrice, hypocrite, intéressée, j'en passe et des meilleures. Je ne dis pas que souvent elle ne prête pas à critique mais il y a tellement de suffisance chez certains critiques que cela en devient indécent et totalitaire.
A Gauche, comme on en a l'habitude, on ne supporte pas que certains puissent émerger de la masse et c'est ainsi que le bourgeois a remplacé, dans sa détestation, le noble que l'on avait au préalable guillotiné.
Tout le monde tire à qui mieux mieux sur l'ambulance. Les chansonniers s'en repaissent sans vergogne tant il est admis que les
bourgeois c'est comme les cochons...
Les caricatures sont souvent très grossières. Même le très beau film de Visconti,
le guépard, y participe sans nuance. Le prince de Salina est paré de toutes les nobles vertus attribuées à son milieu, alors que le beau-père de Tancrède (Delon) nous apparaît comme un arriviste sans scrupule et sans aucune qualité qui pourrait nous le rendre tant soit peu fréquentable et sympathique. Difficile dans ces conditions d'imaginer qu'il ait existé dans la Noblesse des individus lâches, retors, sournois et sans honneur et, a contrario, dans la Bourgeoisie, des personnes cultivées, curieuses, aimables, généreuses et plein de noblesse.