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L'enfer numérique

Envoyé par Quentin Dolet 
21 décembre 2008, 21:36   L'enfer numérique
Ma paranoia critique et technophobe est loin d'être guérie. Dans cet article (au style relaché, vous me pardonnerez) de Télérama, ce n'est pas l'exposé des nuisances de l'Ecran global sur les familles et les individus qui m'accable le plus, mais la tentative désespérée qui suit pour sauver les meubles dans cette catastrophe : tout n'est pas noir, bien au contraire, puisque demain, grâce aux nanotechnologies, on pourra choisir de "déjeûner dans la Chapelle Sixitine", et dès aujourd'hui, "des parents transfèrent des blagues du Net et des horoscopes à leurs enfants" ! Tout ça en valait vraiment la peine ! Quant aux usages soi-disant "conviviaux" des moyens de communication hyper-modernes, il me semble évident qu'ils ne font que colmater les brèches que la technique avait préalablement creusées dans le corps social. La technique répare ses propres dégâts grâce à des innovations qui détruisent à leur tour un pan de l'édifice civilisationnel, qu'elle répare ensuite avec d'autres innovations, etc.



"[...] Pauline Decreton, 13 ans, s'est créee un blog sans même prévenir ses parents et "reste en lien avec ses copines via MSN, même quand elle invite en chair et en os à la maison", témoigne sa mère. Thiago, 16 ans, gère, lui, une centaine de joueurs d'un jeu en réseau, World of Warcraft, en plein milieu du salon familial. "Je ne sais jamais à qui il parle ! sourit sa mère. J'entends : "Qu'est-ce que tu fous ?" Je réponds : "Je prépare le dîner. - C'est pas à toi que je parle", me répond-il alors... Et moi, je n'ai aucune idée de qui sont tous ces gens dans mon salon !" Dans cette auberge espagnole virtuelle, difficile de savoir qui entre et qui sort : "Avant, on connaissait les fréquentations de nos enfants, on pouvait déterminer des heures de sorties ; aujourd'hui, c'est une bataille de tous les instants !" constate Patricia Camprasse, maman de deux préados.

La maison ouverte à tous les vents, c'est déjà compliqué, mais se coltiner, jour après jour, des zombies mutiques, shootés aux cristaux liquides, c'est encore plus désespérant. Les écrans ont de la conversation, des couleurs, de l'imagination. Plus sexy pour un ado qu'un dîner en famille, une partie de Monopoly, une balade en forêt, ou pire, une séance de lecture. Résultat : "Ma fille ne décolle plus de MSN", "On n'arrive plus à se préserver des moments sans être sans cesse coupés", "Mon fils laisse sa fenêtre de conversation ouverte pendant qu'on mange, et y retourne dès qu'on a fini de dîner"...Chez Flematou Konte, veilleuse de nuit à Vernon, les enfants ne prennent plus leur repas ensemble : "Ma fille de 18 ans ne veut pas bouger d'Internet, mon fils de 10 ans de ses jeux, et moi, je me retrouve toute seule devant ma télé." L'intimité physique laisse place à l'intimité virtuelle. Au détriment du contact direct ? Très optimiste, Walter Detomasi prédit que "chacun d'entre nous possédera un environnement artificiel qui dépassera l'environnement naturel".

En attendant, les écrans créent surtout des engueulades tout sauf virtuelles. A la maison, c'est souvent la guerre : on s'écharpe, on fait une trêve, on signe des Yalta numériques, sporadiquement renégociés, inévitablement transgressés. Côté enfants, on planque, on biaise, on tente... le portable sous l'oreiller, la DS dans les toilettes. Côté parents, on élabore des stratégies graduées :

Suspendre. Chez les Quidet, "les téléphones portables sont éteints pendant les repas. Sinon, on était foutus."

Limiter. Chez les Decreton, "on a droit à une heure et demi de MSN certains soirs". Ailleurs, on bénéficie d'un "forfait écrans" hebdomadaire.

Surveiller. Chez les la Fouchardière, "la vieille télé est sur le palier, les ordis ne sont pas dans les chambres, les téléphones sont éteints et sortis des chambres le soir, et on n'a pas de DS, trop discrète pour être contrôlée."

Occuper le terrain numérique. Chez les Camprasse, Patricia s'est carrément inscrite sur Facebook. "Quand je vois un nom nouveau dans le cercle d'amis de Dylan, je vérifie son profil."

Faire diversion. Chez les Zéraoui, "on a organisé une alternative à la DS, en formant des gamins du quartier au tarot."

Confisquer. Chez les la Morandière, "on a planqué une console PSP pendant trois semaines".

Capituler. Chez les la Morandière, toujours : "Quand j'ai voulu rendre sa PSP à Paul, il n'y avait plus que l'étui. Ca faisait belle lurette qu'il l'avait récupérée en cachette !"

Pas facile de gagner contre des enfants, encore moins contre des adultes. "Tu veux que je te raconte comment les écrans ont tué mon couple ?", nous balance une amie. "D'abord, il y a eu l'ordi portable. Le sien, puis le mien... Mais ce qui a fait tout basculer, c'est l'iPhone ! Un cauchemar ! C'est son doudou ! Un vrai vampire qu'il faut nourrir ! Mon mari l'utilise tout le temps, partout. Il a voulu m'en offrir un, mais j'ai refusé." Il arrive qu'on dépose les armes avant d'avoir guerroyé : "Le nombre de soirs où on se retrouve chacun devant son ordi, en silence, c'est terrible !" avouent nombre de duos bobos interrogés.

Alors les écrans, bouffeurs de temps partagé ? Fossoyeurs impitoyables du foyer ? Ce serait trop simple. Grâce à eux, les membres de la famille restent en connexion toute la journée : Capucine envoie des "je t'aime" à sa maman de son ordi portable, les fils de Patricia l'appellent de leur téléphone pour dire que tout va bien sur la route des vacances, Elisabeth se réconcilie par mail avec son mari après la dispute du matin... On surfe en famille sur Internet, on dispute un match de tennis sur la Wii. Bref, on pratique une multitude d'activités tout aussi fédératrices qu'un bon vieux Trivial Pursuit. Sauf que là, piment supplémentaire, les parents se retrouvent un rien largués : "Le rapport de force au sein de la famille s'est renversé", constate un père, mi-rigolard, mi-dépité. "On n'a plus besoin de laisser les enfants gagner !" Le pouvoir a changé de camp. Pour Médiamétrie, les jeunes forment désormais "une communauté d'experts" à l'origine d'un phénomène de "socialisation inverse".

Le foyer numérique est un laboratoire dans lequel les cobayes tentent des expériences : un père et son fils jouent ensemble au billard, sur deux écrans et dans deux pièces différentes. Un couple de retraités high-tech joue dans la même pièce, mais chacun de son côté, avec des joueurs du bout du monde. Des parents transfèrent des blagues du Net et des horoscopes à leurs enfants... qui habitent le même immeuble. Grâce à Skype, qui permet de communiquer via une webcam, des grands-parents voient grandir leurs petits-enfants à Tahiti...

Il faut s'y faire : les écrans vont continuer à proliférer, la maison à s'ouvrir. Quand il sera plus grand, Tom Nonat pourra visionner ses cours depuis sa couette, ce que font déjà les étudiants de l'université de Lyon. Quand ils seront plus vieux, ses parents pourront comme cela se fait déjà à Osaka, se faire soigner à distance par des médecins grâce à des web caméras reliées à des terminaux de soins. Et d'ici dix ans, "ils achèteront chez Casto des rouleaux de plastique remplis de nano-technologies, qu'ils colleront aux murs comme une tapisserie. Et choisiront de déjeûner dans la chapelle Sixtine ou de se réveiller à New-York", explique Jean-Michel Billaut, directeur de The Networking Company, agence de consulting en nouvelles technologies. Les murs seront d'immenses fenêtres visuelles. Et la famille Nonat ne se demandera plus combien elle a d'écrans."

Emmanuelle Anizon : "La vie numérique", Télérama n° 3074
21 décembre 2008, 21:42   Re : L'enfer numérique
"les écrans vont continuer à proliférer, la maison à s'ouvrir"
Cette ouverture-là laisse songeur. Au début des années 80, Lipovetsky annonçait, quant à lui, le règne de l'homo clausus. L'ouverture de la maison grâce aux nanotechnologies, nouvel exemple de novlangue.
Utilisateur anonyme
21 décembre 2008, 21:55   Re : Chapelle Sixteen
Et d'ici dix ans, "ils achèteront chez Casto des rouleaux de plastique remplis de nano-technologies, qu'ils colleront aux murs comme une tapisserie. Et choisiront de déjeûner dans la chapelle Sixtine ou de se réveiller à New-York", explique Jean-Michel Billaut, directeur de The Networking Company, agence de consulting en nouvelles technologies. Les murs seront d'immenses fenêtres visuelles.

Moi, je trouve ça plutôt cool...
Utilisateur anonyme
21 décembre 2008, 22:28   Re : Je vais écrire
Sur les sept familles citées dans cet article, cinq ont des noms typiquement "de souche" et deux seulement semblent issus de la diversité. Cette disproportion est tout à fait choquante : quelqu'un pourrait-il me renseigner sur comment contacter la Halde ?
21 décembre 2008, 22:51   Re : L'enfer numérique
quelqu'un pourrait-il me renseigner sur comment contacter la Halde
Ces efforts facétieux pour éviter que vos récents féraillements avec les sieur Orsoni compromettent votre intégration en In-nocence-land, cher Alexis, font mal aux yeux. Ce ne sont plus des "contortillages" comme dirait Marche, mais des tortillages de cul (comme diraient les mêmes).
22 décembre 2008, 01:24   Re : L'enfer numérique
M. JF est sûrement très content de lui après cette petite bassesse.
22 décembre 2008, 02:46   Re : L'enfer numérique
M. JF est déjà à lui seul un argument contre la "vie numérique".
Utilisateur anonyme
22 décembre 2008, 11:14   Re : L'enfer numérique
Oui, de plus en plus navrant.
Utilisateur anonyme
22 décembre 2008, 12:02   Re : L'enfer numérique
Ces efforts facétieux pour éviter que vos récents féraillements avec les sieur Orsoni compromettent votre intégration en In-nocence-land, cher Alexis, font mal aux yeux. Ce ne sont plus des "contortillages" comme dirait Marche, mais des tortillages de cul (comme diraient les mêmes).

Il est vrai que les échanges sont souvent houleux par ici. Toutefois, je préfère la franche rudesse des arguments de M. Orsoni à la suffisance fielleuse qui inspire vos messages et votre personnage d'éternelle mouche du coche, ou pour employer une expression plus directe, de parfait fouteur de merde.
Utilisateur anonyme
22 décembre 2008, 12:27   « tout n'est pas noir, bien au contraire » …
Cher Olivier, merci d'être là !
22 décembre 2008, 12:59   Re : L'enfer numérique
Cher Alexis, ne le prenez pas si mal, c'était en toute amitié, et vous remarquerez que je n'ai fait que recycler des termes ("contortiller" , "tortiller du cul") qui vous ont déjà été prodigué par d'autres (ainsi qu'à Corto, allez savoir pourquoi). Moi aussi j'essaie de m'intégrer... Je reconnais que sur ce coup-ci, c'est raté, et je vous rends à vos sportifs échanges sur la Nuit de Cristal avec M. Orsoni et Mme Cassandre.
Utilisateur anonyme
22 décembre 2008, 15:48   Qu'ils aillent se faire...
"Thiago, 16 ans, gère, lui, une centaine de joueurs d'un jeu en réseau, World of Warcraft, en plein milieu du salon familial. "Je ne sais jamais à qui il parle ! sourit sa mère. J'entends : "Qu'est-ce que tu fous ?" Je réponds : "Je prépare le dîner."

Ce n'est évidemment pas que cette femme ne sache jamais à qui parle son fils qui rend l'anecdote savoureuse mais qu'elle ait supposé que c'était à elle qu'il s'adressait. La seule solution éducative est celle-ci : choisir la plus belle poêle à frire, sortir de la cuisine et en foutre un bon coup, mais alors un bon, sur l'ordinateur. Très franchement, je ne vois rien d 'autre à faire.

"Sinon, on était foutus." déclarent pour leur par les Quidet. Mais maintenant qu'ils ont interdit les téléphones à table, ils pourront foutre autre chose, je suppose.

Je ne comprends pas ces gens et ne parviens pas éprouver la moindre compassion.
22 décembre 2008, 16:06   Chaque famille a son patois
Thiago, 16 ans, gère, lui, une centaine de joueurs d'un jeu en réseau, World of Warcraft, en plein milieu du salon familial. "Je ne sais jamais à qui il parle ! sourit sa mère. J'entends : "Qu'est-ce que tu fous ?" Je réponds : "Je prépare le dîner.

Il faut conseiller à Thiago, lorsqu'il s'adresse à sa mère pour lui demander ce qu'elle fait dans une autre pièce, d'y ajouter un petit mot qui la distingue de ses interlocuteurs numériques, par exemple: "Qu'est-ce que tu fous salope ?" lèverait toute ambiguïté et ajouterait de la convivialité à la préparation des repas familiaux.
22 décembre 2008, 16:20   Re : Chaque famille a son patois
Vous êtes génial, monsieur Marche !
22 décembre 2008, 16:34   Re : L'enfer numérique
C'est un euphémisme ?
22 décembre 2008, 17:15   Re : L'enfer numérique
Oui, très bon Francis ! Mdr : c'est comme ça que disent les jeunes, non ?
Utilisateur anonyme
22 décembre 2008, 17:54   Re : Qu'ils aillent se faire...
Citation

ils pourront foutre autre chose, je suppose.
Merci, cher orimont, d'ouvrir sans cesse des perspectives nouvelles et stimulantes.
28 décembre 2008, 18:34   Omnia mea mecum porto
Bah, moi, je ressers mon vieux Huxley, que j'emporte partout avec moi (comme un Ipod, quoi !) et qui me sert (presque) à tout :
La technique ne supprime pas les obstacles, elle en modifie simplement la nature.
Utilisateur anonyme
28 décembre 2008, 18:44   Re : Omnia mea mecum porto
La Technique ne modifie pas seulement les obstacles, elle en crée de nouveaux pour lesquels l'esprit humain n'a pas de prise à sa mesure.
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