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lettre ouverte à Gideon Levy

Envoyé par Bruno Chaouat 
16 janvier 2009, 14:44   lettre ouverte à Gideon Levy
Eh bé, voilà donc la preuve que Kant était un précurseur du nazime, puisque le sioniste Yehoshua le cite ! (non, trêve de plaisanterie, c'est un texte sublime que je propose à la lecture des In-nocents) :

[www.haaretz.com]
En plein dans le mille. Merci ...
18 janvier 2009, 09:21   Re : réponse de Gideon Levy
Je ne dirai pas que c'est un texte "sublime" (vous avez l'hyperbole facile), car je ne trouvais pas du tout que celui de Yehoshua le fut...

[www.haaretz.com]
Eh bien, continuons dans l'hyperbole : du sublime au débile.
Ah! comme vous y allez...

Il est cependant absolument certain que Levy a également raison, en tout cas sur bien des points.
Votre réaction d'humeur me conforte dans cette opinion, qu'on ne peut avoir de la réalité qu'une appréhension forcément partielle, et même congrue, si tant est qu'on soit tenté de la présenter comme objective.
Mais pratiquement on ne peut être partout à la fois, ni voir simultanément de deux points de vue différents.
Il faut choisir.
Il faut choisir, sans doute. Cela n'empêche pas de comprendre les raisons de l'adversaire. N'est-ce pas Moshe Dayan qui déclara un jour que si la Providence l'avait fait naître Palestinien il serait devenu feddayin ? Ce qui manque parfois à Israël, ce sont des gens capables de penser cela tout en balayant les hésitations lorsqu'il faut agir, et inversement, peut-être même encore davantage, des gens capables de renoncer à certaines choses tout en sachant que cela peut être douloureux ou même injuste.
Vous ne faites pas de différence morale entre viser les civils et les dommages co-latéraux ? Dans ce cas, vous considérez qu'il ne saurait y avoir de guerre juste depuis disons la Première Guerre mondiale, c'est-à-dire depuis que la guerre n'est plus entre armées mais qu'elle ne peut qu'impliquer les populations civiles. Vous avez après tout peut-être raison... (cela dit sans ironie).
Par ailleurs, existe-t-il un corpus juridique pour lequel l'intention ne soit pas essentielle, et pour lequel seul compterait "the outcome" ?
Eh bien, cher Monsieur Meyer, je trouve que l'on peut dire que lors de cette guerre, les hésitations furent assez bien balayées.
Elle fut menée selon ce que ses raisons commandent.

Et à dire vrai, je crois que la question de savoir si l'on aurait pu la faire autrement est presque vaine.
Comme de se demander si un corps pourrait obéir simultanément à deux forces différentes ou contraires.
Si, je fais cette différence.
Mais je crois que Levy a raison sur ce point qu'il y avait une volonté, du côté israélien, que le coût de la guerre parmi la population civile fût très dur, terrible peut-être.
Que ses effets, la destruction, les pertes, fussent bien visibles, qu'il fût bien compris ce que cela implique, que d'élire des dirigeants tels que le Hamas.

L'un des objectifs de la guerre a été de rétablir l'effet de dissuasion ; cela ne peut se faire qu'en fichant la frousse, en terrorisant, en réalisant délibérément une partie ce que la menace promet de faire.

On ne peut pas se battre avec de tels moyens à Gaza sans savoir que les dommage collatéraux seront tels ; cela veut dire que la décision d'engager de tels moyens inclut d'emblée parmi les objectifs du combat ces conséquences.
Je crois que prétendre le contraire serait naïf.

Je ne sais si cette politique sert en définitive, à plus long terme, la sécurité d'Israël ; ce qui me semble évident, c'est qu'une telle défense des intérêts nationaux ne peut que se payer d'une injustice inévitable, au plan humain.
C'est presque banal de le dire.
C'est ce que Levy dénonce, en prétendant que de surcroît l'emploi de ces moyen ne change rien à la donne, ne fait que reconduire le problème jusqu'au prochain affrontement.
Votre argument est convaincant, bien plus convaincant que la prose illuminée de Gideon Levy, cher Alain Eytan.
Je crains cependant qu'Israël se trouve face à une aporie : ne pas réagir risque d'entraîner une déstabilisation interne, et un renforcement du Hamas ; réagir, au prix que nous savons à présent, et avec, également, le renforcement possible du Hamas.
Comme dit mon beau-père, avec on inimitable accent du Sud, se réjouissant de n'être pas à la place de celui qui doit trancher un dilemme : "I'm glad it's not me !"
Utilisateur anonyme
19 janvier 2009, 09:41   Re : Il faut choisir, sans doute.
En quatre lignes dérangeantes et un exemple percutant, monsieur Meyer évoque, pour moi, l’univers des « Vieux Chinois ». Certes il faut choisir, c’est notre souffrance, c’est notre humanité. Mais agir sans avidité pour les fruits de l’action, avec, pour toute liberté, la conscience de la trame indémêlable des déterminismes et des conditionnements, en étant simplement attentif à parasiter le moins possible l’action que la situation présente appelle. D’un certain point de vue choisir est faux ou fatal. Et pourtant, il nous faut choisir. Du moins nous éviterions d’y mettre trop de passions…
Monsieur votre beau-père a bien raison de se réjouir.
Je crois qu'il était impossible de ne pas réagir, surtout s'il était avant tout question de reporter le plus loin possible le moment où le Hamas disposera d'armes capables d'atteindre le centre du pays.

L'aporie, et ses dérivés de moindre contradiction, sont une situation de quoi le peuple juif et Israël sont familiers.
Impossible de tourner le coin de la tête sans se prendre, vous me pardonnerez cette expression, quelque paradoxe dans la figure.
Cher Basho, ne pensez-vous pas qu' un certain point de vue est déjà un choix?
Oh, je voudrais ne pas m'approcher avec ces gros sabots de l' "intentionalité de la conscience", moi aussi !

Avouez que mettre en quelque rapprochement l'univers des "vieux chinois" et le Hamas, et les briscards de l'état-major israélien, est pour le moins surprenant.
Cela tient de la mise en regard de mondes parallèles.
Utilisateur anonyme
19 janvier 2009, 22:23   Il faut choisir, sans doute
Je vous suis tout à fait, cher Alain : un certain point de vue est déjà un choix. Dans mon esprit toute manifestation, tout manifesté est un choix. Mais bien entendu, il y a plusieurs niveaux ou pour mieux dire divers ordres dans "le choix". Vous avez également raison sur l'audace qu'il y aurait à rapprocher l'univers des vieux Chinois et le Hamas et les briscards de l'état-major israélien! En réalité j'avais été séduit par le recul avec lequel Monsieur Meyer disait que le choix n'excluait pas la compréhension, l'effort de compréhension de l'adversaire. Je ne voudrais surtout pas lui en faire dire plus, mais la déclaration prêtée à Moshe Dayan selon laquelle, né Palestinien, il serait devenu feddayin, me semble aller pour le coup bien plus loin que la compréhension de l'ennemi. Comme les deux faces d'une même pièce.
D'un certain point de vue, bien entendu... Cordialement.
20 janvier 2009, 03:16   Re : Il faut choisir, sans doute
Peut-être que cet excellent précepte de Char, légèrement retouché, mettra tout le monde d'accord : comprendre "en stratège, agir en primitif".
(Il avait écrit "prévoir".)

La remarque de M. Meyer concernant Dayan est certes intéressante, et j'aurais tendance à l'interpréter dans un sens différent, non comme indice d'une compréhension plus iclusive, mais au contraire comme la reconnaissance du fait que sa propre position ne peut être entièrement justifiée, et qu'il y a une incommensurabilité constitutive de chaque point de vue, qui est précisément son rattachement nécessaire à l'endroit d'où on le porte.
Si Dayan prétendait qu'il eût pu être feddayin, cela veut dire aussi qu'on ne pourrait avoir de son combat une compréhension qui aspirât à l'objectivité.

J'ai bien aimé : Mais agir sans avidité pour les fruits de l’action, avec, pour toute liberté, la conscience de la trame indémêlable des déterminismes et des conditionnements...
La conscience comme seule liberté, dites-vous?
Utilisateur anonyme
20 janvier 2009, 06:51   Il faut choisir, sans doute
Nous sommes bien proches dans notre démarche, cher Alain. L’objectivité dont vous parlez, je cherche à en élargir indéfiniment le territoire. La conscience comme liberté, oui, mais plus précisément conscience de tout ce qui pèse sur ma liberté jusqu’à la rendre improbable. Repousser les frontières encore et toujours, préférer l’insécurité de l’entre-deux, plus que le confort apeuré du bastion, voilà ce qui, modestement, m’anime. Passez une bonne journée.
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