Oui, cher jmarc, il ne manquait que lui, et il est apparu, après des millénaires orphelins de sa bienfaisante présence, radieux, resplendissant dans ses premières pétarades à l'aube du siècle qui nous vit naître, vous et moi, et promettant tout à tous. Vous qui, j'en suis certain, êtes un grand lecteur, prenez donc le temps de relire
La France contre les robots ; remémorez-vous ces pages furieuses qui nous parlent de lui, de ça, enfin de la
civilisation des Machines, quoi ! Tenez, je vous en livre quelques phrases, parce que je ne suis pas bien certain que vous suivrez mon conseil...
"Entre le Français du XVII
e et un Athénien de l'époque de Périclès, ou un Romain du temps d'Auguste, il y a mille traits communs, au lieu que la Machinerie nous prépare un type d'homme... Mais à quoi bon vous dire quel type d'homme elle prépare. Imbéciles ! (...) Trente, soixante, cent millions de morts ne vous détourneraient pas de votre idée fixe : aller plus vite, par n'importe quel moyen. Aller vite ? Mais aller où ? Comme cela vous importe peu, imbéciles ! (...) Paris-Marseille en un quart d'heure, c'est formidable ! Car vos fils et vos filles peuvent crever, le grand problème à résoudre sera toujours de transporter vos viandes à la vitesse de l'éclair. Que fuyez-vous donc ainsi, imbéciles ? Hélas ! c'est vous que vous fuyez, vous-mêmes."
"Ceux qui voient dans la civilisation des Machines une étape normale de l'Humanité en marche vers son inéluctable destin devraient tout de même réfléchir au caractère suspect d'une civilisation qui semble bien n'avoir été sérieusement prévue ni désirée, qui s'est développée avec une rapidité si effrayante qu'elle fait moins penser à la croissance d'un être vivant qu'à l'évolution d'un cancer."
"En somme, tout se passe comme si l'homme était devenu tout à coup, en quelques décades, dans une formidable crise de croissance, un géant pesant quarante tonnes, capable d'abattre deux ou trois gratte-ciel d'un seul coup de poing, de bondir à dix mille mètres et de courir aussi vite que le son."
"Nous voyons aujourd'hui la spéculation exploiter avec une espèce de rage croissante les habitudes de l'homme. Elle en crée sans cesse de nouvelles - en même temps que les joujoux mécaniques que ses ingénieurs lui fournissent, et qu'elle jette inlassablement sur le marché. La plupart de ces besoins, constamment provoqués, entretenus, excités par cette forme abjecte de la Propagande qui s'appelle la Publicité, tournent à la manie, au vice. La satisfaction quotidienne de ces vices portera toujours le nom modeste de confort, mais le confort ne sera plus ce qu'il était jadis, un embellissement de la vie par le superflu, le superflu devenant peu à peu l'indispensable, grâce à la contagion de l'exemple sur les jeunes cerveaux de chaque génération. Comment voulez-vous qu'un homme formé, dès les premières heures de sa vie consciente, à ces innombrables servitudes, attache finalement grand prix à son indépendance spirituelle vis-à-vis d'un système précisément organisé non seulement pour lui donner au plus bas prix ce confort, mais encore pour l'améliorer sans cesse ?"
Et enfin, ceci, pour revenir à nos moutons :
"La civilisation des Machines n'a nullement besoin de notre langue, notre langue est précisément la fleur et le fruit d'une civilisation absolument différente de la civilisation des Machines. Il est inutile de déranger Rabelais, Montaigne, Pascal, pour exprimer une certaine conception sommaire de la vie, dont le caractère sommaire fait précisément toute l'efficience. La langue française est une oeuvre d'art, et la civilisation des Machines n'a besoin pour ses hommes d'affaire, comme pour ses diplomates, que d'un outil, rien davantage."
Je suis désolé de vous avoir infligé une suite de citations à la mode d'
Elisseïevna (pas trop fort, elle pourrait revenir)... Heureusement pour vous, mes capacités dactylographiques limitées ne me permettent pas d'aller beaucoup plus loin.