Vous avez sans doute raison.
Reste le sentiment désagréable d'un interdit scrupuleusement respecté ce qui, exactement comme avec d'autres émissions, enlevait à celle-ci une part de sa portée.
Cela dit, sur la question de l'origine du déclin de la langue, personnellement, j'en exonère largement les néo-français, même si, aujourd'hui, ils ramassent la mise, pour ainsi dire.
Pierre Bost, dans la préface à son roman
A la porte (1926) note :
"Ceux qui s'écartent du pur langage n'ont pas de mauvais desseins. Seulement ils oublient qu'il est dangereux d'entrebâiller certaines portes. Si la surveillance que les écrivains ont pour honneur d'exercer sur le langage français ne s'était pas si souvent relâchée, on ne serait pas contraint aujourd'hui de la désirer si étroite. Mais le mal a gagne. Le style des Codes et des Traités, si puissant, si pur et qui demeurait comme un monument, un palais conservateur des mots, ainsi qu'on le voit dans les contrats et dans tous les actes passés devant notaire, ce style même se relâche à mesure que des législateurs trop souvent incultes, font de nouvelles lois. C'est, en effet, du style oratoire que sont venus les coups les plus durs portés au pur langage. Si la langue française qui est la langue du substantif s'enrichit chaque jour de verbes barbares, si, d'autre part, tous les verbes tendent à se fondre dans la première forme de conjugaison, la faute en est au style qu'on peut nommer administratif. Le chef d'oeuvre est peut-être ce mot qu'il inventa et qu'on n'ose écrire, qui, remplaçant l'expression substantive : trouver la solution, et remplaçant par un verbe en
er le verbe résoudre, porte les marques du double sacrilège."
Cette mise en cause du style administratif me semble très juste et mérite sans doute, aujourd'hui, qu'on l'élargisse au type de langage qui a cours dans toutes ces "réunions", "tables rondes", "séminaires", "espace de paroles" qui sont devenus foutrement "incontournables" dans la vie d'un contemporain au point que personne, ou presque, du haut en bas de l'échelle sociale, travailleur ou chômeur, ne saurait y échapper plusieurs fois par mois.
Cette terrible "réunionite" est, à mon avis, la féconde et inépuisable matrice d'où sortent les "sur comment", les "on va dire", les "c'est vrai que", tous ces fragments "d'ordres du jour" ou ces chevilles indispensables à des gens qui, pour la plupart, ne disposent pas du moindre talent d'orateur, se passeraient bien de prendre la parole mais y sont entraînés par la marotte du temps et les voilà qui se lancent, pour dire quelque chose, ne pas passer pour des imbéciles dans ces réunions imbéciles : "C'est vrai que moi, au niveau de la machine à café on va dire que c'est pas évident, évident, compte tenu de la configuration des lieux, et aussi des espaces, avec le temps il faudrait réfléchir sur comment faciliter l'accès. C'est pour l'amélioration des cadres de vies." Ouf ! Au voisin.