Dans le prospectus mis en ligne on peut lire, en page 1:
"A l'heure de la mondialisation, la France ne représente plus qu'un centième de la population mondiale mais elle dispose de l'une des quelques grandes métropoles mondiales. C'est cette chance singulière qu'il faut impérativement préserver et valoriser,
en déplaçant l'échelle du raisonnement dans un espace mondialisé plus concurrentiel et plus global en s'ouvrant sur un axe maritime majeur"
Deux pages plus bas:
Les plateaux agricoles peuvent constituer la base d’une agriculture urbaine
contribuant à l’auto-suffisance alimentaire.
Comme on le voit, nos "concepteurs" d'intégration d'espaces n'en sont pas à une contradiction de politique économique près. L'argument d'économie politique vanté dans ce texte est nul et non avenu, est une plaisanterie, il évente un autre motif. Ce qui sous-tend ce projet est ailleurs.
La crétinerie de ce plan assassine l'imagination, la logique, et fait marcher le monde sur la tête. Voilà, avec trois-quart de siècle de retard sur son époque, le serpent de mer "Paris Port-de-Mer" (titre d'un texte de Cendrars) qui refait surface pour placer le Paris historique, l'existant Paris
à la marge d'un ensemble à créer qui aura en son coeur le plateau du Vexin français, et les forêts de Marly et de Rambouillet. Certes, mais il y a plus.
Ce plan installera le quartier des Mureaux (haut lieu de la Diversité) au coeur de la conurbation nouvelle.
Le mépris de l'existant - les "pays" justement si
divers qui s'étagent entre la vallée de Chevreuse et les dernières boucles de la Seine - caractérise ce type d'approche qui traite l'espace depuis les images satellite et les mappemondes. L'impossibilité que rencontre le régime de la cinquième république mourante d'intégrer des individus va donc ainsi être palliée par une macrovision, une macro-solution, un contournement épistémologique. Il s'agit en effet d'opérer l'intégration de grands ensembles humains et urbains où se concentrent des masses qui n'ont pu être brisées : les "communautés" des Mureaux qui, géographiquement sises au coeur de cet ensemble théorique, pourraient être ainsi globalement, théoriquement, magiquement
intégrées dans un remaniement urbain comme le pays n'en n'a jamais connu, un remaniement dénaturant qui signe dans une topologie urbanistique nouvelle un échec politique et civilisationnel d'apparence irréversible. On n'a su intégrer les hommes dans le concept national en réduisant les masses ethniques réticentes qui les enferment dans une identité étrangère irréductible, alors, cessons de nous intéresser aux hommes, cessons de les voir comme personnes à éduquer, à adapter et intégrons ces masses en modifiant la topologie, en les installant au coeur de l'espace refait. Ce que nous n'avons pu vaincre ou réduire, octroyons-lui la place centrale du roi. A ce que nous n'avons pu arraisonner, soumettons-nous. Cette folie révolutionnaire est le reflet d'un échec et d'une grande faiblesse; elle est, comme toute folie révolutionnaire, fuite en avant démultiplicatrice de l'échec dont on veut fuir l'analyse lucide: l'effort de refonte des masses allogènes importées n'ayant pu se faire, installons-nous (le Paris actuel) à leur marge, faisons d'elles le nouveau coeur de la Capitale de la Nation re-fondée.
Il faut noter l'insistance de ce texte sur l'ouverture de cet ensemble aux échanges maritimes, donc à l'outre-mer. Comme si Paris manquait de bananes et d'ananas qui devraient désormais pénétrer le continent par cargos entiers.
Cette
chance singulière dit le texte. "Chance pour la France" dites-vous ? Et oui, c'est bien cela que nous dit le texte: cette refondation dit son nom: ni banane, ni ananas, dans ce méga-trafic portuaire mais des "Chances pour la France" qui trouveront aménagé (comme le porte-conteneur sans contenu du Havre, sans nulle fonction autre que symbolique, sans marchandise honnête et neutre) un espace central où tout aura été pensé et organisé pour qu'ils s'y complaisent: l'activité économique et industrielle, concentrée aux deux bords de ce grand rectangle (du Havre à Paris) les traversera, les épargnera, les contournera respectueusement comme elle se doit de contourner le coeur, le moyeu central qui (dans ce schéma directeur) sera vert et vide d'activité, comme le faux conteneur du Havre.
Penchez-vous sur la carte: cet ensemble géographique possède un coeur vert (forêts de Marly et de Rambouillet) et au coeur de ce coeur: le sanctum de la Diversité et du crime: Les Mureaux, qui doivent effectivement occuper dans cet ensemble la place du Palais impérial: centrale, épargnée, évitée, sacrée et évidée comme un trône que l'industrie des hommes assujettis servira en se prosternant.