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Janitors and Busboys

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
09 août 2009, 21:40   Janitors and Busboys
Bien chers amis,

A mon tour je vous recommande "Reflections on the Revolution in Europe", par Chris Caldwell.

De façon curieuse, mon exemplaire commandé aux Etats-unis et payé en dollars vient de me parvenir d'Auckland, Nouvelle-Zélande. Je l'ai lu en deux soirées, c'est très instructif.
09 août 2009, 22:03   Phrase remarquable
Dans le cours de cet ouvrage, j'ai trouvé une phrase particulièrement remarquable :

You cannot defend what you cannot define.


Elle nous pose une question : quel consensus autour des valeurs européennes ?
10 août 2009, 06:19   Cratyle et l'autodéfense
C'est à dire que, cher Jmarc, la défaite, la capitulation commencent en ce point: le besoin ressenti de définir ce que l'on est, celui d'extraire de soi une définition de soi. Déjà, au stade éprouvé de ce seul besoin, tout est foutu: l'auto-défense doit être un réflexe qui exige une parfaite coïncidence entre soi et son instinct de survie; tout interstice, toute béance entre ces deux-là appelle l'insertion du coin relativiste et voue l'organisme à sa perdition.
10 août 2009, 09:24   Re : Cratyle et l'autodéfense
"C'est à dire que, cher Jmarc, la défaite, la capitulation commencent en ce point: le besoin ressenti de définir ce que l'on est, celui d'extraire de soi une définition de soi. Déjà, au stade éprouvé de ce seul besoin, tout est foutu: l'auto-défense doit être un réflexe qui exige une parfaite coïncidence entre soi et son instinct de survie; tout interstice, toute béance entre ces deux-là appelle l'insertion du coin relativiste et voue l'organisme à sa perdition."

Magnifique.
10 août 2009, 09:33   Définition de la fin
Je suis parfaitement d'accord avec Cassandre, et donc avec Francis Marche (et donc en désaccord, sur ce point, si je me comprends bien, avec Caldwell).
10 août 2009, 09:47   Argumentaire
Bien évidemment, cher Francis, chère Cassandre et cher Maître, Caldwell ne se borne pas à asséner cela, il en démontre la nécessité.

Plus exactement, il expose tout au long de son livre, que je n'aurai pas l'imprudence de résumer, les différences qu'il perçoit :

- d'une part entre les pays d'Europe, leurs cultures et leurs façons de voir les problèmes (on conçoit assez facilement à ce stade que la vision anglaise de l'organisation de la société ne soit pas la même que la vision grecque) ;

- d'autre part entre les pays et les cultures qui alimentent l'immigration.

Sur ce dernier point, il attire l'attention tout spécialement sur l'immigration musulmane qui est à la fois fort diverse (la langue, les coutumes font qu'il y a peu en commun entre un Pakistanais, un Turc et un Marocain) et en même temps curieusement homogène à cause de l'islam.

Une de ses thèses, que je crois très pertinente, est que l'islam étant très normatif et très charpenté, cette dernière culture a un avantage sur les nôtres, qui sont fragmentées.

Cela n'est pas faux : il faudrait quand même que l'Europe parvienne à dire si elle est laïque, voire laïcarde comme certains dirigeants français le pensent, ou si elle est chrétienne, ou du moins si elle est une Europe contre Dieu ou bien lui laissant une place.
10 août 2009, 10:26   Africanité
De mon point de vue, l'immigration la plus problématique est l'immigration musulmane.

Prenez un petit pays comme le Portugal. Sa capitale, Lisbonne, est sans aucun doute (et je dis cela par comparaison d'expériences personnelles) la plus africaine du continent.

A cela, deux raisons : la présence d'une forte immigration d'Afrique sub-saharienne ; et surtout le fait que près de 20% de la population soit blanche originaire d'Afrique.

Allez dans n'importe quel restaurant situé derrière le Rossio, et vous y verrez une population mêlée, regroupant africains, pieds-noirs portugais et Portugais pour ainsi dire ordinaires.

Or, que voit-on au Portugal qui a cependant des "filets sociaux" beaucoup moins serrés que l'Europe du nord ?

Et bien, on y voit peu d'émeutes ethniques (il y a quand même quelques voitures brûlées), et très peu d'agressivité (le fait de se faire assommer pour un regard y est chose inconnue).

Cela n'aurait-il pas quelque chose à voir avec l'homogénéité linguistique et surtout l'homogénéité de religion ?
10 août 2009, 10:43   Re : Africanité
Je me faisais une réflexion semblable en voyant récemment à la télévision indienne des "cités" semblables aux cités HLM françaises, à cela près qu'elles étaient calmes, propres, sans graffitis et, dirait-on, relativement heureuses... Ce n'est donc pas une question d'architecture. (Ni une question d'homogénéité religieuse, à mon humble avis !)
10 août 2009, 11:22   Re : Africanité
Intéressante question. Ne conviendrait-il pas de distinguer entre l'instinct de survie, indispensable et qui doit être en effet instinctif, c'est-à-dire automatique et indépendant de toute réflexion, et la conscience de ce que l'on est qui, elle, suppose une élaboration. Je préfèrerais du reste élaboration à définition, trop précis, trop mathématique et partant trop restrictif.
10 août 2009, 12:21   Re : Africanité
L'immigration musulmane est à l'évidence celle qui pose le plus de problèmes, mais elle en pose d'autant plus qu'elle est trop nombreuse et , surtout, que le discours dominant la dresse complaisamment contre la France, sa culture, et son peuple. Or il se trouve que ce consditionnement est en phase avec l'éducation islamique elle même qui enseigne le mépris vertueux des non musulmans et la certitude de la supériorité de la société mahomettane sur toute autre, tant et si bien que ce discours a fait tomber les musulmans vers quoi ne les poussent que trop, déjà, leurs représentations culturelles. Je reste persuadée que ce sont nos élites les plus coupables et que si elles n'avaient pas si constamment "millcollinisés" nos cpf, ils auraient fini par s'intégrer tant bien que mal.
Utilisateur anonyme
10 août 2009, 12:34   Re : Africanité
Je vous remercie, Madame Cassandre, de résumer et de synthétiser si clairement ce qui fait à mon avis le fond de l'affaire.
10 août 2009, 14:35   Re : Africanité
Les musulmans sont aussi en Inde, et, j'imagine, aussi dans ces cités HLM, mais dans un contexte complètement différent : ils respectent le pays où ils se trouvent... Peut-être le système des castes, dans lequel les musulmans, anti-castes par principe, sont automatiquement repris, aident-ils à se supporter les uns les autres...
10 août 2009, 15:48   Re : Janitors and Busboys
oui, il faudrait qu'on en revienne aux castes...
10 août 2009, 16:09   Re : Janitors and Busboys
Ça va, je sors.
» l'auto-défense doit être un réflexe qui exige une parfaite coïncidence entre soi et son instinct de survie

L'auto-défense en acte, oui, mais il faut bien qu'il y ait auparavant quelque chose à défendre, qui soit davantage que la défense elle-même.
On combat pour préserver une différence essentielle, sinon on ne fait que se ressembler, soi et l'ennemi, pour pouvoir combattre : la volonté de persévérer dans son être est la chose la mieux partagée du monde.

La vie, la "vraie vie", c'est tout de même autre chose que la survie à l'état pur, non ?
Dans ces conditions, pourquoi l'affirmation de ce que l'on est de plus que l'instinct de survie, de la valeur ajoutée qui nous distingue, serait-elle en soi la marque de la défaite ?
10 août 2009, 22:19   Re : Janitors and Busboys
La vraie vie, c'est la littérature... ou je ne m'y connais pas.
10 août 2009, 22:37   Re : Janitors and Busboys
Entendez par là tout ce qui distingue la vie de la seule survie.
Bien cher Alain,


Je suis d'accord avec vous.
Utilisateur anonyme
11 août 2009, 09:37   Re : Janitors and Busboys
(Message supprimé à la demande de son auteur)
11 août 2009, 13:14   Insistance
Je viens de lire pour la seconde fois l'ouvrage, et j'en conseille très vivement l'achat aux In-nocents.

La présentation est très équilibrée, elle n'est pas manichéenne et aborde plusieurs des thèmes que nous traitons souvent (elle détaille par exemple la relation de l'église catholique à l'immigration musulmane et la relation de l'immigration musulmane à l'église catholique d'une façon qui me semble très convaincante).

Monsieur Caldwell n'assène pas, il relate des faits et n'en donne pas forcément une interprétation.

Je pense par ailleurs qu'il ouvre la voie à un débat que nous avons de façon, je pense, insuffisante : ne serait-il pas temps de "concentrer le tir" et de voir qu'il y a, en fait, deux sortes d'immigrations : la musulmane et l'autre, que nous devrions traiter de façon très différentes ?

Caldwell nous expose de façon saisissante le cas de ce pasteur Danois, très présent dans la lutte contre la contre-colonisation, qui se félicite d'avoir vu sa paroisse renforcée par de nombreux tamouls chrétiens, gens de bon aloi et sans histoires.
11 août 2009, 22:47   Re : Insistance
Je n'ai jamais lu une seule ligne de cet auteur (sauf la phrase que avez citée), cher Jmarc, et vais m'en enquérir sur le champ, après avoir pris une douche toutefois, car il règne à Jérusalem une touffeur atypique, nous venant du littoral, et qui du reste rend la moindre tentative de production d'une parole sensée, hasardeuse.
12 août 2009, 08:16   Re : Janitors and Busboys
Ayant lu les remarques d'Alain Eytan et Didier Bourjon, je maintiens ce que j'ai ecrit supra. Si De Gaulle et tous ceux qui refuserent la defaite en 1940 avaient commence par s'imposer pour devoir celui de definir ce qu'etait la France Combattante, ils ne seraient jamais arrive a rien. La France combattante est la France qui (continue le) combat eussent-ils peut etre avance tautologiquement. Aucune autre definition n'eut pu etre extraite de cette hypostase de la survie: la France combattante, d'ou devait naitre plus tard la France libre, est une definition en acte en meme temps que les premisses d'un acte fondateur (la France libre). Or des definitions taulologiques, quand les enjeux sont fondamentaux, personne n'a que faire: l'etre de l'etre-la est une tautologie, une ombre de l'etre, en quelque sorte nous dit Eco dans ses remarquables pages critiques sur Heidegger. Comme la creation se passe d'explication, la survie et la lutte qu'elle motive se passent de definition. IL FAUT ADMETTRE QUE LA LUTTE, COMME DU RESTE LA VIOLENCE QUI LUI EST INDISPENSABLE ET QUI DOIT, CERTAINES FOIS, L'ACCOMPAGNER, PEUVENT NE PARTIR DE RIEN, ONT AUTORISATION EXCEPTIONNELLE DE NE PARTIR DE RIEN, AVANT QUE D'ETRE SOUMISES A L'OBLIGATION ULTERIEURE DE S'EXPLIQUER, DE SE JUSTIFIER, DE SE LAISSER CRITIQUER ET DE FONDER DU NEUF.

Il se peut que l'indispensable definition de soi qu'emet et qui porte celui qui se lance dans le combat pour sa survie tienne tout entiere dans l'etendard, qui fait alors office de nom provisoire, d'enonce de mission et de future definition de soi que le sujet produira a posteriori des batailles.

Mes excuses pour les accents invisibles au-dessus des voyelles: le clavier de brousse que j'utilise ici m'oblige a cette economie.
Utilisateur anonyme
12 août 2009, 10:34   Re : Janitors and Busboys
(Message supprimé à la demande de son auteur)
12 août 2009, 10:55   Re : Janitors and Busboys
De Gaulle et ceux qui l'ont suivi savaient très bien pour quoi ils se battaient : non la France combattante mais la France tout court à laquelle toute leur éducation les avait attachés. Contrairement à l'instinct de survie qui est individuel et à la rigueur familial et n'a en effet besoin d'aucune définition, l'amour de la patrie, de son indépendance et de sa gloire ne peuvent résulter que d'une transmission, d'une éducation. Avant la naissance de la nation, avant que celle-ci soit identifiée à la patrie, le Breton n'est pas le moins du monde ému par les ravages causés par une invasion en Lorraine ou en Savoie.
12 août 2009, 12:03   Re : Janitors and Busboys
N'ayant pas le temps de repondre a D. Bourjon (et n'ayant pas non plus sous la main l'ouvrage de Eco dont il consteste ma citation, et n'ayant donc pas de temps a perdre non plus), je ne peux laisser qu'un mot en reponse a M. Meyer. Certains choix, y compris le choix violent (la violence est un choix originaire avons-nous dit recemment a propos de langue et de violence) ne peuvent etre subordonnes a l'assurance d'une "definition de soi" qui confererait a pareil choix un fondement ou une assise dans l'action.

Il n'est ni d'amour ni d'emotion qui intervienne dans ces choix. Le Marechal Petain, qui savait jouer de la fibre emotive mieux encore que De Gaulle, n'etait pas moins "emu" que ce dernier par les destructions en Lorraine ou ailleurs. L'emotion et meme l'amour du leg de la patrie, sont a dissocier de l'action pour la survie, comme les aleas de la langue le sont du recours a la violence.

Qu'on se souvienne des descriptions que donne De Gaulle lui-meme de l'assortiment indefinissable que formerent d'abord les maigres corhortes de ceux qui le rejoignirent les premiers. On reconnaitra alors que l'etre, la definition de soi, dans certaines circonstances, viennent apres l'action.
Utilisateur anonyme
12 août 2009, 12:49   Re : Janitors and Busboys
(Message supprimé à la demande de son auteur)
12 août 2009, 15:56   Re : Janitors and Busboys
La nation ne peut se définir parce qu'elle est essentiellement indéfinissable. C'est une oeuvre d'art comme ces cathédrales construites par des milliers d'anonymes au cours du temps. Et pas plus qu'une oeuvre d'art ne se met en mots, pas plus que ceux-ci ne l'épuisent , la nation ne peut être définie. Seuls les poètes peuvent tenter de la dire. Vouloir la définir est une perte de temps mortifère face à l'ennemi. La nation se prouve par l'ardeur que l'on ressent à vouloir la défendre quand elle est menacée.
En tout cas, je reviens à un point à mon sens fondamental.

En relisant bien l'analyse de Caldwell, seule l'immigration musulmane pose un réel problème.

L'immigration subsaharienne, par exemple, adopte spontanément, dans ses éléments les plus marginaux, des formes pleinement occidentales de comportement (très concrètement, les comportements de la sous-culture noire/rap aux Etats-unis).

On peut aimer ou ne pas aimer le rap américain, mais on ne peut lui contester le fait d'être parfaitement occidental, avec des rythmes de départ et des instruments occidentaux (et non les mélopées du raï s'échappant par les portes grandes ouvertes des voitures).

Le parti pourrait peut être réfléchir à faire la part des choses et considérer qu'attaquer l'immigration tous azimuts est, in fine, une attitude à la Bernard Thibault (d ?), et qu'il vaudrait mieux qu'il se concentrât sur les éléments inassimilabes.
12 août 2009, 16:15   Exemple concret
Bien chère Cassandre, je vais prendre un exemple.

J'ai assisté, maintenant à plusieurs reprises, à des services évangéliques en Ile-de-France. Les participants étaient très majoritairement originaires des Antilles, d'Haïti et du Congo.

Les femmes étaient libres, soit bien habillées à l'occidentale, soit dans de magnifiques boubous. Je ne conseillerai à aucun barbu ou adorateur des barbus de les traiter de salopes ou de leur proposer le voile, car leurs maris, frères ou pères (qui sont souvent, comme vous l'avez noté, de sacrés malabars), voire elles mêmes auraient vite fait de ramener les perturbateurs à la raison.
12 août 2009, 16:38   Re : Janitors and Busboys
Oui, Didier. À lire Eco, on ne trouvera qu'Eco – ou soi-même. Pour connaître Heidegger, il vaut mieux lire Heidegger...

Pour ceux qui pensent que la question « Heidegger » mérite bien qu'on y consacre une heure, je recommande cette petite conférence de Taminiaux :
http://paris4philo.over-blog.org/article-11530929.html
Taminiaux est notamment l'auteur d'un livre sur Heidegger et Arendt.

Il y a aussi cette interview de Fédier :
http://paris4philo.over-blog.org/article-17173926.html
Je trouve sa position très juste.

On ne trouve jamais que ce qu'on cherche... La vie est trop courte pour passer son temps avec les vendeurs de scandales.

J'ajoute ce petit article de la revue Esprit :
http://paris4philo.over-blog.org/article-13046692.html
12 août 2009, 16:47   Re : Janitors and Busboys
» Je peine à comprendre l’accord initial de Cassandre et Renaud Camus.

Pourquoi ? Si l'on m'agresse, et que je commence à me demander ce que mon agresseur vise en « moi », je suis perdu. Je ne dois pas me définir pour me défendre, c'est au contraire cette agression et ma défense qui me définit...
12 août 2009, 17:07   Agression
Justement, bien cher Florentin, beaucoup de gens ont une idée différente de l'agression.

Par exemple, je ne suis nullement agressé, à aucun point de vue, par les chrétiens évangélistes que je cite. D'autres pourront se sentir agressés.
Il y a des elans tres fondamentaux qui ne partent de rien. Le desir sexuel par exemple, qui part de la surface de l'objet du desir, part de rien interieur a soi. Celui qui sort de chez lui a sept heures du soir dans la ferme intention de passer la nuit avec un corps encore inconnu est habite d'un desir, d'une demangeaison qui ne part d'absolument rien que d'elle meme.

Le desir de se reproduire, la plupart du temps irraisonne, lui aussi part de rien, d'aucun amour pour l'enfant qui n'existe pas encore. Vous m'objecterez qu'il peut etre le fruit d'un calcul -- se donner un heritier, etc. -- ce type de calcul est cependant rare, de plus en plus rare, comme chacun sait. Chez les masses, le desir de reproduction part d'absolument rien, et engage les individus la vie entiere.

Vous noterez, si vous etes encore la, que le desir de reproduction est un desir de pro-creation, lequel s'apparente, comme j'essayais de vous le dire precedemment, au desir de survie-creation [France combattante-France libre]
13 août 2009, 03:27   Re : Janitors and Busboys
Merci Cassandre, voila un message que j'aurais aime etre capable d'ecrire.
13 août 2009, 09:14   Re : Janitors and Busboys
Je me résume, Messieurs. L'homme n'est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d'hommes, saine d'esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s'appelle une nation. Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu'exige l'abdication de l'individu au profit d'une communauté, elle est légitime, elle a le droit d'exister.

Renan. Texte complet ici.
Utilisateur anonyme
13 août 2009, 09:54   Re : Janitors and Busboys
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
13 août 2009, 09:56   Re : Janitors and Busboys
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Eh bien, cher Francis, je reste persuadé que De Gaulle savait parfaitement pourquoi il se battait, et ce qu'était la France qu'il voulait défendre.
C'était une France qui ne pouvait rien avoir de commun avec les nazis, par tradition, par choix, par valeurs. Ceux-ci sont tout sauf "rien", à mon sens. Ils ont des caractéristiques qui sont dicibles et descriptibles, et je continue de ne pas comprendre pourquoi vous voudriez à tout prix les évaporer dans une indicibilité originelle.
Ainsi, il ne faut tout de même pas chercher de midi à quatorze heures pourquoi l'islam radical est incompatible avec les valeurs dont se réclame la civilisation européenne, tout de même ?...
Le désir de défendre un pays procède également, pour certains surtout, du désir de défendre ce qu'il représente, ce qu'il incarne et permet en tant que choix de mode de vie.
C'est cela qu'on défend ; vous ne défendez pas une pulsion, que diable, mais vous vous servez de celle-ci pour défendre ce à quoi vous tenez.
On dirait que vous voulez coûte que coûte dégager la lutte, toute forme de lutte et d'engagement, de la trame du sens qui les doue d'une origine et d'un but. Je ne sais à quoi cela mène, si ce n'est à une grande indifférenciation, où tout combat en vaut un autre.

Enfin, j'ai l'impression qu'il y une confusion entre le "sentiment de la nation", et la nation elle-même : le premier est effectivement inanalysable plus avant que ce que l'on éprouve pour la seconde, mais celle-ci s'exprime en actes et en œuvres, qui ne tiennent pas de l'ineffable, et surtout que l'on peut comparer et opposer. Il ne s'agit pas de vouloir rendre compte exhaustivement de ce qu'est une nation, mais la vouloir cantonner exclusivement dans les limbes de l'inqualifiable et de l'indescriptible me paraît bien exagéré, et surtout laisser la voie libre à toutes les déraisons sentimentales et subjectivistes.
L'exercice de la raison, du discernement, et le maniement de l'idée claire et distincte, ce sont aussi des caractéristiques bien françaises.
13 août 2009, 10:19   Insistance
Justement, bien cher Didier, nous sommes au coeur du problème, à mon avis.

Cela tient au fait que la Nation, et plus généralement l'Europe, n'a pas un avis unanime sur la question de l'immigration.

Vous, et une part non négligeable de la population, considérez qu'il faut mettre un terme à toute immigration (je résume).

Dans le même temps, un bon nombre d'Européens considèrent que l'immigration doit continuer, soit pour des raisons éthiques, soit pour des raisons économiques.

La seule façon de sortir de cette division est de trouver ce qu'il peut y avoir de commun dans les deux positions. Cette position commune est, pour moi, l'interdiction de l'immigration destructrice de nos valeurs, c'est à dire de l'immigration qui veut remplacer notre façon de voir par des systèmes de pensée qui nous sont, eux, étrangers.

Ceci dit, je conçois qu'on puisse avoir des positions de principe opposées à ce genre de raisonnement ("faire la part du feu", voilà ce que je propose), mais il faut alors savoir qu'on sera irrémédiablement minoritaire.
13 août 2009, 10:22   Hmongs et Tamouls
Bien cher Didier,

Je puis vous assurer que les Hmongs et les Tamouls font tout pour s'insérer, et qu'ils ne sont pas plus bruyants que les Desouche. Les Hmongs permettent par exemple à la Guyane de consommer des légumes frais et évitent de les voir importer par avion.
Utilisateur anonyme
13 août 2009, 10:27   Re : Janitors and Busboys
(Message supprimé à la demande de son auteur)
13 août 2009, 21:17   Re : Janitors and Busboys
» L’œuvre d’art est « indéfinissable » sans doute, mais alors au sens d’inépuisable, pas perdue dans un vague éther

Cela m'a remis en mémoire ce passage du Zibaldone, où il semble que Leopardi n'ait de cesse qu'il ne se dissolve dans une matière réduite intégralement à son effet de moiré.

« Décrivant en peu de touches, ne montrant que peu de choses de l'objet, les Anciens laissaient l'imagination errer dans le vague et l'indéterminé de ces idées enfantines qui naissent de l'ignorance du tout. Et une scène champêtre, par exemple, peinte par un poète antique en quelques traits et, pour ainsi dire, sans horizon, suscitait dans l'imagination ce céleste ondoiement d'idées floues et brillantes, d'un romanesque indéfinissable et d'une étrangeté, d'une merveille infiniment chère et douce, semblable à celle qui faisait les extases de notre enfance. »
C'est vraiment touchant et d'une grande beauté cette tentative d'illustrer l'imagination enfantine et son élaboration à partir de sensations purement visuelles . Je vais me précipiter sur ce Zibaldone. Merci, cher Alain Eytan.
Songeons aux temps révolutionnaires et violents, la Russie devenant bolchévique, Castro et Guevara faisant le coup de feu dans leurs montagnes en attendant d’instaurer leur ordre sur Cuba, les soldats de Valmy, et même ceux d’Austerlitz, et enfin, si ça n’est pas leur faire injure, les corps de volontaires que De Gaulle vit débarquer dans les îles britanniques à la suite de son Appel : un assortiment d’individus et de groupes très hétérogène (venus de l’île de Sein, puis d’Amérique, et d’un peu partout, par cent voies maritimes différentes), et rappelons-nous même les premières levées de troupes outremer par la France se mobilisant en août 14 (des dons à l’armée française venant des quatre coins du monde, des chevaux envoyés du Canada, etc., des hommes s’engageant partout dans la Légion qui ne connaissaient la France que par ouï-dire – Cendrars raconte cela dans l’Homme foudroyé, je crois, à moins que ce soit dans La Main coupée). Il s’agissait de pulsions, que nous devrions être fondés de déclarer indifférenciées (comme peuvent être largement indifférenciées mes pulsions de procréation de celle de mon voisin de palier). Ces pulsions traversent les hommes et les femmes ; elles ne naissent pas de leur cœur, ils n’en sont point l’origine. Qu’est-ce qui nous fondent à dire que ces pulsions sont indifférenciées et sans unité de conception ni d’intention, que les hommes n’en sont en quelque sorte que le siège provisoire ? Et bien l’histoire, tout simplement. Et singulièrement l’histoire des Révolutions, qui tôt ou tard, mais généralement assez tôt, révèle la radicale absence d’unité, de pensée et de sentiment de leurs acteurs et des instigateurs de ces bouleversements violents, lesquels ne tardent jamais à montrer entre eux des désaccords de fond sur à peu près tout. Et la Révolution, comme on dit – l’acte procréatif accompli – de manger ses propres enfants.

Certains des volontaires de 40 se retrouvèrent dans l’OAS vingt ans plus tard (je songe ici à Jacques Perret) ; d’autres se firent barbouses pour éliminer l’OAS. C’est ainsi. Allons plus loin, l’amour de la Patrie, que M. Meyer et vous-même, cher Alain, mettez en avant dans cette problématique, ne fut probablement pas la cheville ouvrière de ce mouvement ; certains de ces volontaires n’aimaient pas la France telle qu’elle était devenue dans l’entre-deux-guerres, et c’est aussi pour tourner une page définitive sur cette France-là qu’ils s’engagèrent, afin de, plus tard, la changer. En ce qui me concerne, j’aurais été un de ceux-là ; ne plus aimer son pays n’empêche nullement de combattre pour lui. Mille, dix mille motivations animaient ces hommes – et que penser par exemple des anciens républicains espagnols qui combattaient dans la Résistance française, et qui n’étaient pas tous communistes ? La pulsion que crée l’appel au combat s’empare des hommes, elle porte les hommes dans l’action, qui, la paix revenue, démêleront leurs motivations, se recréeront des clivages et révèleront que leur unité aura été un phénomène non spécifique, indifférencié, répété dans l’histoire, hors du travail spécifique et circonstantiel du sens qui s’opère dans la paix relative, la désunion, le débat démocratique.

La lecture des Mémoires de De Gaulle révèle que ce chef de guerre ne connaissait rien au débat démocratique ; De Gaulle mena la paix comme il avait mené la guerre, avec obstination, par objectifs hiérarchisés (à l’instar, pourrait-on dire, d’un manager moderne), en choisissant judicieusement ses hommes, en se montrant avec eux intransigeant, parfois généreux, mais en fuyant comme la peste tout débat d’idées, toute interrogation sur le sens. En ce qui le concerne « la grandeur de la France » lui servit de « résumé définitionnel », d’étendard, comme je disais en amont dans ce fil, pour mener la paix. C'est probablement cette inaptitude du chef à travailler paisiblement le sens qui amena les Evènement de mai 68, lesquels ne furent vraisemblablement rien d'autre qu'une explosion de sens trop longtemps comprimé.

En résumé: "partir de rien", cela existe, cela pourrait se dire "partir d'ailleurs"; "être mu par une impulsion dont l'origine est au-delà de soi": le désir de création, de procréation, le désir sexuel, le désir de combattre ensemble en sont des exemples: ils n'ont pas soi pour origine et ils ont en commun de n'unir les hommes et les femmes que passagèrement.
Utilisateur anonyme
14 août 2009, 16:02   Re : Janitors and Busboys
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 août 2009, 16:46   Spéciale dédicace
Cherchez la chanson intitulée "Rue Saint-Denis"

www.jiwa.fr/Claude-Nougaro-57947.html
Je crois que nous serons d'accord pour soutenir que le réel ne se résume pas au rationnel, et que celui-ci ne pourra l'épuiser dans la prétention à une totale, ou même relative, intelligibilité. Il sera en effet très difficile d'incorporer le moindre acteur d'un événement historique quelconque dans le déroulement d'un enchaînement parfaitement transparent et signifiant de causes et d'effets, de façon à ce que tous les principes de ces opérations soient conscients et entérinés par leur agent, et ce pareillement pour tous les participants à un même combat.
Evidemment, mais personne je crois n'en demandait tant.
Ce qui me gêne un peu dans votre argumentaire, c'est qu'il semble qu'au motif que la raison, le sens, et l'élaboration valorisante des comportements, ne puissent être tout-puissants et omniprésents dans chaque rouage, ils soient totalement absents, pour ne laisser place qu'à des mécanismes pratiquement physiologiques et impersonnels ; si quelqu'un me marchera sur les pieds, la seule façon de rendre compte correctement de ma réaction sera de décrire les modalités de sécrétion de la noradrénaline, par exemple, produisant le coup de sang. Et c'est tout. Il n'y a rien à chercher au-delà.
La France est envahie, et De Gaulle s'enflamme comme on frotte une allumette, pour la grandeur de la France, sans qu'il n'entre dans cette réaction, à aucun moment, un élément de réflexion, de choix, de maturation politique ou morale ; sans que lui, ou aucun autre résistant de la première heure, n'aient pu prendre la mesure de ce qu'était l'ennemi, et par là autoriser et provoquer le déclenchement de l'étincelle défensive.
Ça m'étonnerait. D'un goumier sorti de son bled, ou de Samy Naceri, peut-être serait-ce trop demander, de fournir quelques motifs, honnêtes et de conviction, expliquant la nécessité d'un combat pour la France contre le régime hitlérien. Mais des principaux responsables, des chefs de réseaux, d'un Char, d'un Vernant, d'un Cavaillès ?...

Vous dites que De Gaulle n'eut pour résumé définitionnel que "la grandeur de la France", en tout et pour tout, et qu'il n'y avait guère de sens à chercher dans cette invocation.
Mais cette France-là qu'il défendait était tout de même bien définie, ce n'était pas n'importe quelle France, pourvu qu'elle soit grande : c'était celle que définissait la législation française antérieure à juin 1940, me semble-t-il, c'est à dire libre, démocratique et républicaine ; je vous rappelle ces phrases du Manisfeste de Brazzaville :
"Or, il n'existe plus de gouvernement proprement français. En effet, l'organisme sis à Vichy, et qui prétend porter ce nom est inconstitutionnel et soumis à l'envahisseur. Dans son état de servitude, cet organisme ne peut être, et n'est en effet, qu'un instrument utilisé par les ennemis de la France contre l'honneur et l'intérêt du pays. Il faut donc qu'un pouvoir nouveau assume la charge de diriger l'effort français dans la guerre. Les événement m'imposent ce devoir sacré. Je n'y faillirai pas.

J'exercerai mes pouvoirs au nom de la France et uniquement pour la défendre et je prends l'engagement solennel de rendre compte de mes actes aux représentants du peuple français dès qu'il lui aura été possible d'en désigner librement.
".

Dans tout cela je vois du sens, et du meilleur.

J'avoue que ce qui me tracasse le plus dans cette histoire, et c'est probablement l'essentiel et le plus intéressant (ce que j'ai écrit précédemment n'est finalement que généralités), c'est ce que vous dites dans la dernière phrase : ce "rien" dont on partirait, selon vous, c'est donc le non-sens ; et voilà que vous situez ce non-sens, ou que vous l'originez, "ailleurs", "au-delà de soi", comme si "soi" était le domaine réservé et garant de toute production de sens, et l'extérieur son contraire.
Ça me chiffonne, parce que je suis persuadé du contraire. Cela nous entraînerait peut-être trop loin, mais très sommairement, "douer de sens", c'est justement établir un lien avec l'autre, le différent, l'extérieur de ce dont on cherche le sens, puisque cela qu'on a en est précisément dénué. C'est donc cet extérieur déjà connu qui confère par rapprochement, analogie, ou téléologie, la signification à une immanencce insensée.
En soi, par soi, il n'y a rien de sensé, si on ne peut se porter au-delà.
Bref, la démarche significative est toujours centrifuge.

Je suis désolé, j'ai été trop long.
15 août 2009, 10:26   Re : Janitors and Busboys
Savez-vous, chère Anna, que c'est dans ce Zibaldone que je trouvai l'explication la plus simple, la plus limpide, du sentiment de l'incomplet de sa destinée, comme disait Madame de Staël, et cela vraiment vous donne l'eau à la bouche.

"Le sentiment de la nullité de toutes les choses, l'incapacité de tous les plaisirs à emplir l'âme et notre attirance vers un infini que nous ne comprenons pas tiennent peut-être à une cause des plus simples, et plus matérielle que spirituelle..."

Après, on ne se sent guère mieux, et de toute façon, tout est mal. Le moindre brin d'herbe gémit.
Immensément roboratif.
Merci de votre réponse cher Alain. Tout d’abord un premier point de désaccord avec vous : vous n’avez pas été long, et sachez que j’ai grand plaisir à lire les développements sérieux de quelqu’un qui a produit l’effort de me lire avec un esprit ouvert et critique, quelle que soit la longueur de son texte. J’aime et je respecte les interlocuteurs qui ne s’adonnent pas au balayage du revers de la main, au rejet suffisant, qui ne citent pas comme pour eux-mêmes, pêle-mêle, cryptiquement et hors de propos des auteurs qu’ils affirment avoir pratiqués, pratique qui, selon eux, leur suffit pour assurer leur conviction intime d’une part qu’ils n’ont pas à lire les miens et ensuite que j’ai tort sur tout, et de juger nul tout effort de ma part pour comprendre leur idées et leur soumettre les miennes. Ce type de faux interlocuteur peut en effet me mettre dans un état de nerf désagréable pour l’intéressé et l’assemblée de ce Forum, ce qui m’arrive par la suite de regretter.

Je crois que certaines composantes de l’action collective ont, comme en optique le point d’origine d’un rai de lumière situé au-delà du plan du miroir ou de la plaque de verre réfléchissante, un point d’émission, de stimulation et d’origine situé loin derrière le plan conscient et réfléchi de nos actes. Les révolutionnaires savent assez bien cela – vous vous souvenez sans doute que De Gaulle, qui à l’approche de la Libération avait déclaré, par boutade, il est vrai, mais tout de même : « dans toute la France, je suis peut-être le seul révolutionnaire » -- qui agissent consciemment, en articulant le détail matériel et stratégique de leur action sur des idéaux, et, pour faire le pont entre ces deux instances, ne trouvent à peu près rien : il n’est jamais temps de penser et de dire comment l’ordre nouveau sera instauré, mais il sera toujours temps, le temps venu… L’ordre révolutionnaire est un ordre incomplet : il y manque toujours le moyen terme, qui est le temps de la paix rétablie, celui du débat sur le sens, sur l’ennui du sens qui non seulement ne fait pas vibrer les passions mais de surcroît ne met personne d’accord ; ce temps aveugle des révolutionnaires est celui de la paix sans adrénaline, celui où la source de lumière sise dans l’au-delà de l’action s’est éteinte en nous laissant seul dans notre soi obscur, avec notre sens désaccordé, sans la Lumière (intéressant de voir comme le maoïsme de la Révolution culturelle avait été cette tentative désespérée de rallumer cette lumière révolutionnaire – songez à l’iconographie maoïste des années 60-70, montrant le Guide suprême marchant sous des rais de lumière tombant du ciel).

Ce qui serait intéressant : cerner les autres schèmes de l’expérience humaine où la coïncidence avec le soi obscur empêtré dans le sens difficile et fuyant et l’action consciente et réfléchie ne sont, comme en révolution ou en guerre révolutionnaire, pas de mise (à la fois sans objet et impossibles) : j’avais pensée à la procréation qui est beau projet en même temps qu’un acte avec, entre ces deux pôles, rien, une béance : aucune vision réaliste et pensée de l’ennui du quotidien de parent, par exemple, qui attend les acteurs quand ceux-ci auront porté leur projet à un stade irréversible. Les futurs parents qui conçoivent leur enfant l’aiment en son principe – ce n’est aucunement l’amour de cet enfant qui n’existe pas qui motive la conception. J’avais pensé pouvoir proposer un parallèle avec le révolutionnaire national, qui (pro)-crée la nation en obéissant à un motif externe, à une vision qui porte son action et qui demeure étrangère à son moi singulier (du reste, le Révolutionnaire ne se donne-t-il pas généralement comme figure sacrificielle, faisant le « sacrifice de sa personne ») ; et de même le désir impérieux de la création artistique qui n’a pas pour origine soi, ne serait-ce que parce que personne ne désire créer une œuvre pour soi, enfin, il ne me semble pas ; et aussi parce que les moyens, les outils de l’expression artistique émanent, descendent à soi d’une tradition, quelle qu’elle soit, qui traverse le créateur à l’instar du rai de lumière dont j’ai parlé, et dont la source est lointaine.

Un mot, très bref, sur De Gaulle (car je ne tiens pas non plus à vous assommer) et la déclaration de Brazzaville : De Gaulle a liquidé l’empire français, auquel il était fort peu attaché, chacun sait très bien comment (Algérie, déclaration de Bandung, etc.). De Gaulle parle du combat pour l’honneur de la France, et aussi, de la dignité de son peuple, mais très peu (peut-être même jamais, il faudrait vérifier) du maintien de la cohésion de l’Empire comme motif de son action. Il fut l’artisan de la décolonisation ; et de ses conséquences à moyen terme, en bon révolutionnaire, il n’entrevit rien. La lumière révolutionnaire s’étant refusé à éclairer les détails de l’après-décolonisation, comme il fallait le craindre, l’intendance n’a plus suivi.

Pour revenir à la question du départ: dans le moment révolutionnaire, soumis au schème révolutionnaire dont l'ordre est incomplet, vouloir "se définir pour pouvoir combattre", quand l'on n'est rien d'autre qu'une béance en action, équivaudrait au suicide car il n'est dans ces moments d'autre définition, non plus que d'autre désir, que projeté.
Le plaisir est partagé, cher Francis.

A propos de la béance de l'entre-deux pendant la pro-création — ce qui s'y rapporte tout du moins, en l'occurence —, je ne puis résister au plaisir de citer ces paroles de Guido Cerronneti dans Il silenzio del corpo, décrivant l'affleurement d'un éclair de conscience, et de recherche de sens justement, dans le cours de l'action :

« Il sera arrivé à chacun de se sentir, dans un cunnilinctus prolongé, ailleurs (comme Naruda lorsqu'il va chercher de l'eau pour Vishnu), dans un paysage inconnu, et de se demander : "Où suis-je ? Pourquoi me trouvé-je ici ? Combien de temps est-il passé ? Quel est le sens de tout cela ?"... »

Je crois que ce qui nous oppose surtout, dans ce que vous dites de cet intervalle battant entre la source-stimulus et un point d'ancrage futur non encore situé et élucidé, qui est intéressant d'ailleurs, c'est que j'y vois, parfois, dans certaines circonstances, possiblement, le résultat d'une prise de sens comme décision, qui par choix laisse la parole à l'acte, au déroulement aussi fluide et efficace que possible de l'action, qui ne doit, dès lors que ce choix sera pris par délibération réfléchie, être en rien empêchée par la conscience et la pensée, quand celles-ci ne sont pas strictement nécessaires à l'affaire.
En d'autres mots, l'absence de sens dans l'action est la décision la plus sensée qui soit.
L'ours escrimeur de Kleist est absolument imparable.
Alors disons que le plaisir est partagé au carré, et que je souscris pleinement à ce que sous-tend cette phrase du silenzio del corpo : le cunnilinctus est source d'un grand dépaysement, au sens le plus heideggerien du terme.

Pour revenir à la Révolution et n'en jamais finir avec elle: dans son moment révolutionnaire, le sujet est incomplètement réfléchi, et il affirme en pleine conscience son devoir de l'être; ce faisant, il fait acte d'ab-négation et c'est ainsi que le père révolutionnaire fondateur (de Georges Washington à Nicolaï Cauceauscu en passant par Pétain) se coule dans la figure du père sacrificiel, qui "fait don de sa personne" à ses enfants/son peuple. Béant telle la gueule du pélican nourricier, il n'admet plus d'autre définition que celle de l'écartèlement dans et par le don de soi: il est impérativement irréfléchi, en création de progéniture, en création de soi, radicalement absent.
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