Voici l'entretien avec M. Jean Birnbaum, du Monde, tel qu'il s'est déroulé par courriel :
— Il n’est pas fréquent qu’un écrivain se présente à l’élection présidentielle. Quel est le sens d’un tel geste ?
— Le désespoir. Le refus des situations qui se sont présentées aux dernières élections, l'impossibilité de voter. Le parti de l'In-nocence, que je préside depuis 2002, avait essayé en 2006 d'entraîner à la candidature des personnalités qu'il admire, Alain Finkielkraut ou Jacqueline de Romilly, ou émis le vœu qu'un Laurent Lafforgue soit candidat. Mais personne n'avait été assez fou pour se lancer là-dedans.
— Quand vous vous avancez sur cette scène en tant qu’écrivain, vous inscrivez-vous dans une tradition particulière ? Avez-vous un précédent en tête ?
— Je ne sais pas si je me présente en tant qu'écrivain. Après tout je suis le président d'un parti politique, même si ce n'est pas exactement un parti de masse, pour le moment.
— Vos textes littéraires sont voués à l’exploration subjective, à l’auscultation du moi. N’y a-t-il pas une tension entre ce style individualiste et la rhétorique propre à l’engagement politique ?
— Toute tension est bonne à prendre, littérairement. Et puis tous mes textes littéraires ne sont pas voués à l'auscultation du moi. Ce n'est pas le cas de ma principale entreprise, les Églogues, ni des Demeures de l'esprit.
— Vous soulignez votre désir de « vivre entre les mots », de bâtir un « espace heureux » du langage. Cet idéal peut-il survivre sur la scène politique ?
— Je ne sais pas s'il peut y survivre mais la scène politique en aurait bien besoin. La crise de la parole, de la parole d'honneur, de l'engagement (pas au sens sartrien), de la vérité, du sens des mots, me semble au cœur de la situation actuelle.
— Quel est le sens de votre participation aux Assises contre l’islamisation ?
— La résistance au Grand Remplacement, à la contre-colonisation, à l'idée que les peuples, les civilisations, les individus, sont remplaçables, que d'autres feraient aussi bien l'affaire à leur place.
— Les groupes qui organisent ces Assises sont souvent labellisés « extrême droite ». Pensez-vous que ce soit justifié ? Si non, pouvez-vous proposer une définition de « l’extrême droite », comme vous l’avez fait naguère pour le mot « racisme » ?
— La puissance invitante originelle, celle à laquelle nous avons répondu, est "Riposte laïque", que je vois mal d'extrême droite. Extrême droite est une expression polémique qui va devoir subir de sérieuses remises en cause. Quand le feu est à la maison on ne se demande pas trop (un peu tout de même) de quel côté arrivent les seaux…
— Pourquoi votre Abécédaire ne comporte-t-il pas d’entrée « Occident » ? Que recouvre pour vous cette notion ?
— L'amitié pour le soir.
— La maison d’édition qui édite le livre revendique son attachement au judaïsme et à ce qu’elle nomme « le droit à la bagarre ». Comment est né ce compagnonnage éditorial et quel est son sens ?
— David Reinharc est aussi producteur de radio, je l'ai rencontré à une émission de Judaïque FM, nous avons sympathisé, il m'a dit qu'il était éditeur et m'a demandé si je n'aurais pas des textes à lui proposer. Je lui ai dit que je disposais seulement de ceux de l'In-nocence, qui n'intéressaient pas mes autres éditeurs. Il m'a dit que c'étaient justement ceux-là qu'il lui plairait d'éditer. Et voilà, comme je crois qu'on dit.
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Voici l'article finalement paru dans Le Monde :
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Renaud Camus, candidat de l'Occident
LE MONDE DES LIVRES | 17.12.10 | 11h29 • Mis à jour le 17.12.10 | 11h29
L'écrivain Renaud Camus est candidat à la prochaine élection présidentielle. Huit ans après avoir créé son propre mouvement, le Parti de l'In-nocence, il a décidé de se lancer dans la course à l'Elysée. Le châtelain élitiste, contempteur des foules et de la vulgarité, se propose de partir à la conquête des larges masses. Ainsi le romancier du moi, connu pour ses journaux intimes et son exploration de la subjectivité homosexuelle, va-t-il devoir apprendre à manier la rhétorique des meetings. Son programme paraît sous la forme d'un épais volume intitulé Abécédaire de l'In-nocence (David Reinharc éd., 590 p., 29 €). A la fin de l'ouvrage, on trouve le formulaire de parrainage destiné aux élus qui souhaiteraient soutenir cette candidature. Pour le reste, l'auteur décline la plupart de ses obsessions : l'effondrement de la civilisation, l'affaissement de la langue, l'effacement du sens. Cette vision du monde n'est pas que littérature. Elle se traduit par des mots d'ordre tout à fait situés politiquement : lutter contre "l'antiracisme dogmatique et immigrationniste", exiger l'expulsion immédiate des sans-papiers...» À suivre ici