Le site du parti de l'In-nocence

Mort d'Andrée Chédid

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 10:11   Mort d'Andrée Chédid
"Je dis "aime", comme un emblème, la haine, je la jette."

C'est la citation du jour, pour le Figaro, et c'est de Mme Chédid, qui vient de mourir. Je n'ai pas lu les romans de cet auteur, mais sa poésie m'a toujours paru assez faible. Ce personnage est à mon avis remarquable par son fils Louis et son petit fils Mathieu qui présentent par rapport à elle les symptômes d'une dégradation culturelle. Mathieu Chédid, "M", passe par exemple pour une sorte de génie dans l'upper middle class, et c'est pour moi inexplicable.
08 février 2011, 10:34   Downhill all the way
« Ce personnage est à mon avis remarquable par son fils Louis et son petit fils Mathieu qui présentent par rapport à elle les symptômes d'une dégradation culturelle. »

Très juste.
08 février 2011, 11:37   Re : Mort d'Andrée Chédid
Andrée Chédid était un écrivain de grand talent et de vaste culture. Je ne pense pas qu'on puisse la rendre responsable des demi-âneries chantées par son fils et des âneries proférées par son petit-fils. Il y a bien en effet "symptômes de dégradation culturelle", mais elle n'y est pour rien, la pauvre.
Mort aussi d'Edouard Glissant, écrivain antillais et chantre (nous dit-on) de la créolité et de la créolisation.
Des réactions ?
Bruno,

Le général Aupick a élevé Baudelaire, et cela n'a eu aucune incidence sur les mérites littéraires du général Aupick.

Ramener Mme Chédid à la formule "Ce personnage est à mon avis remarquable par son fils Louis et son petit fils Mathieu qui présentent par rapport à elle les symptômes d'une dégradation culturelle" alors que vous n'en avez pas lu ses romans (ni les récits, je pense) me paraît hâtif. Mme Chédid est, pour moi, remarquable par ses écrits sur l'orient, et notamment sur le LIban.

J'attends l'anniversaire de Mme Dolto pour vous rappeler qu'elle était la mère de Carlos, car je suis impatient de voir si vous la jugez remarquable par ce fait.
08 février 2011, 12:08   Re : Mort d'Andrée Chédid
Remarquable, dites-vous, Jean-Marc. Jugeons sur pièces. Vous allez me dire : "Eh, mais je parlais de ses livres sur le Liban !" ; mais une fois quon a écrit cela, que peut-on écrire sur le Liban ?


Ce texte ouvrait le Printemps des Poètes 2008 (sur le thème de l"éloge de l'autre", comme par hasard) :


Toi-Moi

Par l'univers-planète
un univers à toute bride
Par l'univers-bourdon
dans chaque cellule du corps

Par les mots qui s'engendrent
Par cette parole étranglée
Par l'avant-scène du présent
Par vents d'éternité

Par cette naissance qui nous décerne le monde
Par cette mort qui l'escamote

Par cette vie
Plus bruissante que tout l'imaginé

TOI

Qui que tu sois

Je te suis bien plus proche qu'étranger.


Dans Contre Chant, Flammarion, 1968 et 1971 et Visage Premier, Flammarion, 1972.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Autre poème, commandé par Le Printemps des Poètes, toujours sur le même thème :


L'Autre
"Je est un autre" Arthur R.

À force de m’écrire
Je me découvre un peu
Je recherche l’Autre

J’aperçois au loin
La femme que j’ai été
Je discerne ses gestes
Je glisse sur ses défauts
Je pénètre à l’intérieur
D’une conscience évanouie
J’explore son regard
Comme ses nuits

Je dépiste et dénude un ciel
Sans réponse et sans voix
Je parcours d’autres domaines
J’invente mon langage
Et m’évade en Poésie

Retombée sur ma Terre
J’y répète à voix basse
Inventions et souvenirs

À force de m’écrire
Je me découvre un peu
Et je retrouve l’Autre.


Poème inédit pour Le Printemps des Poètes, "Éloge de l'autre", 2007.


Voilà.
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 12:16   Re : Mort d'Andrée Chédid
Il semble Kiran, que la citation mentionnée par le Figaro vienne de Mme Chédid, même si c'est le texte d'une chanson de son petit-fils. On peut en déduire qu'elle est de l'Andrée Chédid tardif, ou même finissant, mais avouez qu'elle ne donne guère envie d'aller y lire de plus près. Pas plus que ceci, placardé naguère dans les wagons du métro :

« Les habiles, les jongleurs de mots sont plus éloignés de la poésie que cet homme qui – sans parole aucune – se défait de sa journée, le regard levé vers un arbre, ou le cœur attentif à la voix d’un ami. »

Cet extrait m'agaçait pour ce qu'il disait que la poésie est principalement ailleurs que dans le langage. C'est une conviction très ancrée dans le public, dont Mme Chédid et la RATP venaient resserrer encore les boulons.

Est-ce qu'on peut se faire une idée d'un poète par la lecture une seule pièce ? J'ai sans doute un peu trop tendance à le penser, même si le sertissage dans les phylactères de la RATP n'oriente pas la lecture dans un sens a priori favorable.
Jongler avec les mots n'est pas tout, encore faut-il qu'il y ait, justement, un éclat, que Pompidou décrivait ainsi :

Qu'est-ce que la poésie ? ... Qu'est-ce que l'âme ? ... Lorsqu'un poème, ou simplement un vers, provoque chez le lecteur une sorte de choc, le tire hors de lui-même, le jetant dans le rêve ou au contraire le contraint à descendre en lui plus profondément, jusqu'à le confronter avec l'être et le destin, à ces signes se reconnaît la réussite poétique.
08 février 2011, 13:09   Re : Mort d'Andrée Chédid
Le poète est celui qui résiste, comme l'écrit Bonnefoy qui sait de quoi il parle, à l'absolutisation d'un réseau de concepts. Les "poèmes" que je viens de citer, confortablement enfermés dans la gangue du discours de l'heure que la poétesse se contente d'enrober de poésie et auquel elle se résout à donner une forme jolie, me semblent incarner exactement la démarche inverse.
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 13:19   Re : Mort d'Andrée Chédid
Cher Jean-Marc, il est vrai que je n'ai pas lu les romans de Mme Chédid, et que le seul point de contact avec eux est pour moi le film de Chahine, le Sixième Jour, qui m'avait beaucoup plu à sa sortie, un peu moins quand je l'ai revu l'an dernier.

Je n'ai pas dit qu'il fallait juger de la mère par les fils, mais justement que leur production marquait une déperdition notable de qualité au fil des générations. Pour ce qui concerne sa poésie, il me semble que qui écrit "Je dis "aime", comme un emblème, la haine, je la jette." ne me paraît pas très excitant, au point de vue littéraire.

J'ai aussi entendu des émissions de radio avec Andrée Chédid qui ne me donnait pas non plus une très bonne impression, ni sur les vers qu'on lisait, ni sur les propos qu'elle tenait, qui me semblaient plutôt convenus.

Je conviens d'autant mieux que je peux me tromper que j'ai de minces de points d'appuis pour former un jugement ; mais comment entrer dans une œuvre dont ce qui vous parvient est si peu accrocheur ?
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 13:21   Re : Mort d'Andrée Chédid
... et les extraits proposés par Stéphane Bily indiquent exactement le sens dans lequel je spoupçonnais que cette poésie allait.
08 février 2011, 13:25   Re : Mort d'Andrée Chédid
"...mais comment entrer dans une œuvre dont ce qui vous parvient est si peu accrocheur ?"

...mais pourquoi entrer dans une œuvre dont ce qui vous parvient est si peu accrocheur ?
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 13:30   Re : Mort d'Andrée Chédid
Parce que l'on vous conseille de le faire !
Il y a plus simple : on n'est jamais obligé d'entrer dans une oeuvre ; si on n'y entre pas, on n'est pas obligé de la juger.
08 février 2011, 15:12   Re : Mort d'Andrée Chédid
Citation
Bruno A.
"Je dis "aime", comme un emblème, la haine, je la jette."

Titre du nouvel album de Louis Chédid : On ne dit jamais assez aux gens qu'on aime qu'on les aime.

Toute cette moraline est, hélas, assez emblématique de notre époque...
08 février 2011, 15:17   Re : Mort d'Andrée Chédid
La prose d'Andrée Chedid ressemble, en moins musical, aux mauvaises pages de Le Clézio : bons sentiments ...

Et puisque Bruno A. nous emmène dans le métro, et que Stéphane Bily cite Yves Bonnefoy :

« Je dois vous dire que lorsque j'ai vu - on ne m'avait pas prévenu - un poème de moi dans le métro, je fus consterné, car je ne pouvais que comprendre qu'un malentendu en résulterait, un malentendu dont je ne doute pas qu'il ne se soit installé dans l'esprit de beaucoup de ceux dont les yeux sont tombés alors sur ces vers. Le début du poème était : « Qu'une place soit faite à celui qui approche / Personnage ayant froid et privé de maison ». Dans le livre dont ce poème est extrait, cette maison, ce froid, cette personne devenue un « personnage » - un mot qui m'était obscur, et que j'assumais comme tel -, tout cela référait à des événements du livre même, c'est-à-dire prenait son sens d'une réflexion sur l'esssence de l'être au monde, et non de quoi que ce soit de la société et de ses maux. Isolés et placés dans le métro, où il y a des hommes et des femmes qui ont dû renoncer à tout domicile, ces vers perdaient une part au moins de leur propre problématique et, en revanche, ils prenaient immanquablement des aspects de vœu pieux de justice sociale, autrement dit, ils se faisaient la parole d'une « belle âme » se permettant de parler de ce qu'elle ne connaissait pas, et de rêver au lieu d'agir. Rien que je trouve davantage contraire à ce qu'est la poésie et à ce qu'on doit en dire à ceux qui ne la fréquentent pas.»
Yves Bonnefoy, interrogé par Le Figaro, 29 mars 2005 - Repris dans « L'Inachevable, Entretiens sur la poésie », Albin Michel, 2010, pages 445-6.
08 février 2011, 15:28   Re : Mort d'Andrée Chédid
J'attends l'album de Léon Chédid.
La réponse de Bonnefoy me laisse perplexe car je ne pense pas que la RATP publie des extraits de textes sans demander l'accord de l'ayant-droit.

Il me semble que cela fait quelques années que la RATP procède à ce genre d'affichage, avec de temps en temps des poèmes d'amateurs (je veux dire, d'auteurs non publiés).

Un des liseurs aurait-il des informations à ce propos ?

La remarque de Bonnefoy pose en outre l'importante question de l'extrait et du public.

Je dirai une banalité en disant que l'oeuvre de Bonnefoy est difficile. Le peuple peut-il donc la découvrir par le biais d'extraits ? ou doit-on procéder autrement ?

Une oeuvre de cette nature est-elle incompatible avec des extraits ? mais alors, pourquoi prendre un extrait de Ronsard et non de Bonnefoy ?
08 février 2011, 15:36   Re : Mort d'Andrée Chédid
Merci pour cette citation, Johannus Marcus.

"...si on n'y entre pas, on n'est pas obligé de la juger."

Mais si, justement : vous essayez de lire tout ce qu'on vous présente, vous ? Vous attendez de finir un roman de Danielle Steel pour vous donner le droit de la juger comme écrivain ? Allez-vous acheter le dernier Christine Angot pour lui "donner sa chance" ? Cela m'étonnerait. En littérature, on n'est pas là pour faire la charité. C'est bête à dire, mais tout se passe comme si seuls les préjugés étaient à même de nous faire gagner du temps en nous permettant, par une sorte d'instinct, d'opérer un choix entre les oeuvres qui se présentent à nous. Il y a toujours une part d'erreur, mais il faut l'accepter.
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 15:47   Re : Mort d'Andrée Chédid
C'est exactement cela, Stéphane. Si un auteur me propose : "Je dis "aime", comme un emblème, la haine, je la jette.", non seulement je n'ai pas envie d'aller plus loin, mais je sais que quelqu'un qui se permet ce genre de "poème" ne peut rien écrire par ailleurs qui me plaise. Il y a un effet de contamination, et je prendrais connaissance du reste du corpus chédidien avec un préjugé très défavorable.
Effectivement, c'est une façon très efficace de résoudre le problème bien connu de l'encombrement des bibliothèques. Je suis forcé de reconnaitre le pragmatisme de la méthode.

Cela étant dit, il y a des auteurs qui ne m'intéressent pas, comme les deux dames que vous indiquez plus haut. Elles ont sans doute des qualités et des défauts, que je me garderai bien de détailler vu que je ne les connais pas. Si, d'aventure, l'une ou l'autre venait à mourir, il ne me viendrait pas à l'esprit de formuler un quelconque jugement.
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 16:44   Re : Mort d'Andrée Chédid
La chanson "Ainsi-soit-il" de Louis Chédid n'est pas mal du tout.

Ce n'est pas parce que Perret est un mythomane suiviste et sans talent que tous tous les chansonniers pratiquent forcément un art de pacotille.
08 février 2011, 17:05   Re : Mort d'Andrée Chédid
"Effectivement, c'est une façon très efficace de résoudre le problème bien connu de l'encombrement des bibliothèques."

Ah ! ne m'en parlez pas... Un de ces jours je finirai par faire un immense feu de joie, comme dans Fahrenheit 451...
08 février 2011, 17:46   Re : Mort d'Andrée Chédid
J'ai fait cela, cher Stéphane, je l'ai fait.
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 18:19   Re : Mort d'Andrée Chédid
Citation
Bruno A.
"Je dis "aime", comme un emblème, la haine, je la jette."

C'est la citation du jour, pour le Figaro, et c'est de Mme Chédid, qui vient de mourir. Je n'ai pas lu les romans de cet auteur, mais sa poésie m'a toujours paru assez faible. Ce personnage est à mon avis remarquable par son fils Louis et son petit fils Mathieu qui présentent par rapport à elle les symptômes d'une dégradation culturelle. Mathieu Chédid, "M", passe par exemple pour une sorte de génie dans l'upper middle class, et c'est pour moi inexplicable.

Elle a écrit de jolies petites poésies pour les cours moyens 2ème année...
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 18:23   Re : Mort d'Andrée Chédid
Citation
Kiran Wilson
Andrée Chédid était un écrivain de grand talent et de vaste culture. Je ne pense pas qu'on puisse la rendre responsable des demi-âneries chantées par son fils et des âneries proférées par son petit-fils. Il y a bien en effet "symptômes de dégradation culturelle", mais elle n'y est pour rien, la pauvre.
Mort aussi d'Edouard Glissant, écrivain antillais et chantre (nous dit-on) de la créolité et de la créolisation.
Des réactions ?

Une boursouflure comme beaucoup d'écrivain antillais dont le style ampoulé m'insupporte.

Vivait à Paris marié avec une blanche..
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 19:58   Re : Mort d'Andrée Chédid
Brûler des livres ? Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais je ne pourrais. Jamais.
Côme,

Si vous ne pouvez pas brûler vos vieux corans, qu'en faites-vous donc ?
08 février 2011, 21:51   Re : Mort d'Andrée Chédid
Moi non plus, même un livre porno, je ne pourrais pas.
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 21:52   Re : Mort d'Andrée Chédid
Jean-Marc,
Je n'ai pas brûlé ma bible qui me vouait à l'enfer, pourquoi, à supposer naturellement qu'il figure dans ma bibliothèque, brûlerais-je le coran ? Et puis,cela me ferait trop penser à l'autodafé de livres :

Par exemple
08 février 2011, 21:53   Re : Mort d'Andrée Chédid
C'est vraiment premier degré, ici...
08 février 2011, 22:28   Re : Mort d'Andrée Chédid
Moi aussi, je croyais que je ne pourrais jamais brûler des livres. Eh bien j'ai trouvé dans le grenier de ma campagne des volumes "Sélection du reader's digest" avec reliure pseudo-ancienne contenant des versions raccourcies et simplifiées de grandes œuvres, par exemple Guerre et Paix en cent vingt pages et en basic french. Devinez ce que j'en ai fait.
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 22:30   Re : Mort d'Andrée Chédid
233 degrés Celsius, soit 451 degrés Fahrenheit.
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 22:31   Re : Mort d'Andrée Chédid
Ce ne sont pas de vrais livres, mais des résumés sans valeur.
08 février 2011, 22:38   Re : Mort d'Andrée Chédid
Aux Emmaüs?
08 février 2011, 23:07   Re : Mort d'Andrée Chédid
Il n'en reste pas moins que Bonnefoy lui-même a pourtant fait son choix parfois, entre "la jonglerie des mots" et la chose, en faveur de cette dernière, jusqu'à vouloir lier la main de l'artiste jusqu'aux bouts des doigts, pour ne produire que ce qui est, dit-il, plutôt qui ne renvoie.
Et quoi de plus chosifié, encastré là sans liens ni attaches, épars et ne signifiant plus rien, que des filaments de poèmes en phylactères métropolitains ?
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 23:27   Re : Mort d'Andrée Chédid
Me revient, du métro toujours, mais d'il y a quelques années, le merveilleux distique d'Ungaretti

M'illumino
d'immense


mais il fallait qu'il soit traduit à l'aveugle ( ou à la sourde) par Jacottet ;

Je m'éblouis
d'infini
.
08 février 2011, 23:53   Re : Mort d'Andrée Chédid
C'est en effet frappant, ça a comme rétréci à la traduction.
09 février 2011, 03:03   Re : Mort d'Andrée Chédid
N'ayant pas lu une ligne de Glissant, je me garderai bien de tout jugement de valeur.
Par ailleurs : il y a surtout "dégradation culturelle" du père (Louis) au fils. Louis Chédid, dans l'art archi-mineur de la chanson, n'est pas sans talent. Belles mélodies et textes assez soignés. "Ainsi soit-il, / Tel est le nom du film...". Mathieu n'est qu'un pitre.
09 février 2011, 09:50   Re : Mort d'Andrée Chédid
La chanson n'est pas un art archi-mineur, cher Kiran, vous ignorez alors tout le répertoire séculaire de cet art qui a produit des chefs d'œuvres. Il est vrai que depuis quelques années c'est plutôt les vaches maigres.
09 février 2011, 10:10   Re : Mort d'Andrée Chédid
Serge Gainsbourg, peintre "raté", sur l'art mineur de la chanson :

"Il fut un temps où j'avais sur la chanson cette phrase acidulée :
"Un art mineur destiné aux mineures".
Qu'on le prenne comme l'on veut, quant à moi qui ne trouve dans cette définition absolument rien de blessant pour qui que ce soit, exception faite pour moi-même, je resterai sur ma position, car a-t-on besoin d'être initié dans une discipline qui n'en connaît aucune ? Je dis que tout art qui se peut aborder sans initiation préalable ne peut être qu'un art mineur, et se pourrait-il que l'on puisse approcher et décrypter Paul Klee sans avoir connu et compris ("comprendre, c'est égaler", disait Raphaël) Fra Angelico, Mantegna, Delacroix, Manet, Cézanne, Juan Gris et Max Ernst ?
Et comment comprendrait-on Francis Bacon sans avoir étudié Paul Klee ?
Une fois subie l'initiation, à chacun de trouver son style et sa voie et de s'assurer s'il y a lieu de son génie. Il en est de même pour l'approche de Rimbaud, Alban Berg et Le Corbusier. Or, dans un art mineur comme le mien, il nous suffira de viser juste de l'oeil qui nous reste, roi chez les aveugles, bien sûr, que sont les autres, et faire mouche. Ainsi voulais-je dire que les tireurs d'élite n'auront jamais que du talent tandis que le génie visionnaire, ignorant les cibles immédiates et autres disques d'or et pointant son arc vers le ciel selon les lois d'une balistique implacable, ira percer au coeur les générations futures.
Je me suis laissé dire que Marlon Brando se mettait des boules Quiès pour ne point entendre les répliques de ses partenaires et qu'ainsi, totalement isolé et tétanisé par son auto-admiration, son jeu y gagnait en intensité dramatique.
Peut-être devrais-je en faire autant.
Mais comment savoir alors si je plais toujours aux mineures ?"
09 février 2011, 10:20   Re : Mort d'Andrée Chédid
Gainsbourg n'est pas vraiment une référence, ses propos sont assez plats et surtout prétentieux. Les textes des chansons et les mélodies parlent d'eux-mêmes.
09 février 2011, 10:26   Re : Mort d'Andrée Chédid
Je trouve son avis pertinent, personnellement. On peut ne pas être une référence et dire des choses intelligentes. De plus, Serge Gainsbourg est un personnage plus complexe qu'on ne le croit, du moins que ses chansons à succès et son attitude ne le laissent à penser. Je pense que c'est un homme intelligent qui a su jouer avec la modernité.
Enfin, il n'est pas spécialement prétentieux puisqu'il a reconnu ne pas avoir réussi à être peintre, et il a regretté toute sa vie ne savoir faire que chanteur. A l'instar de Jacques Brel d'ailleurs.
09 février 2011, 10:40   Re : Mort d'Andrée Chédid
Pour ma part, si, la chanson est un art très mineur. Les textes des plus réputés, Brel en tête, mais aussi Ferré ou Brassens, ne résistent pas à la lecture, la mélodie écartée, presque toujours. Mais ce n'est qu'un jugement de valeur personnel. Mais cela n'empêche pas qu'il puisse y avoir dans cet art mineur des réussites quasi majeures. Sur la dialectique du majeur et du mineur, Guy Scarpetta a écrit jadis (années 80 ?) des pages pertinentes.
09 février 2011, 11:00   Re : Mort d'Andrée Chédid
Les jugements, souvent à l'emporte-pièce, qui ont été exprimés sur l'oeuvre de Mme Chédid me semblent injustes ou injustement sévères, leur injustice ou leur manque de justesse (ils sont mal ajustés à la réalité) vient de ce qu'ils ne tiennent pas compte du contexte, de la "situation" comme disait Sartre, du moment historique.

La littérature qu'écrit Mme Chédid est "régionale", au sens où elle est, par rapport à ce qui fait le centre ou le noyau dur de la poésie, du récit, de la littérature du XXe siècle, dans les marges ou la périphérie, et dans une situation homologue, par rapport au "centre", à celle de Pourrat, Clavel, Anglade, Bosco, James, etc. Mme Chédid descend d'une de ces familles chrétiennes du Liban, les Saab, qui sont, semble-t-il, grecs catholiques ("melkites" de rite byzantin ayant opté au XVIIIe siècle pour la rattachement à l'Eglise de Rome), souvent persécutés (en Damas en 1860 ou 61, au Liban par les druzes en 1861, en Egypte entre 1952 et 1961) et, pour nombre d'entre eux, réfugiés dans l'Egypte tolérante et démocratique des khédives, puis du Wafd et du nationalisme égyptien, détruite en 1952, et qui ont été et sont encore de très fervents et inconditionnels francophones et admirateurs de la France (qui leur rend mal ou ne leur rend pas l'affection qu'ils lui portent). A ce seul titre, Mme Chédid mérite notre reconnaissance.

Sa littérature est "orientale", non pas dans le sens donné à "oriental" et Orient aujourd'hui, c'est-à-dire marqué ou façonné par l'islam, mais dans le sens ancien : celui de la terre du Christ, de l'Oriens, la direction vers laquelle est "orienté" le choeur des églises de France; et cette littérature orientale, en français surtout, parfois en anglais, est, dans les années 1900-1950, celle de la vie intérieure, de la découverte de soi - de la singularité individuelle dans un univers de communautés étanches - (ce qui en fait son intérêt), du sentiment, de l'émotion, à la manière romantique, mais un siècle après ce qui s'est passé en Europe.... L'exemple le plus éloquent est le récit qu'elle a écrit dans les années 1970 : Néfertiti et le rêve d'Akhenaton.

A l"opposé, Glissant est un pur idéologue, frotté de marxisme, qui tient les Antilles pour des "colonies" de la France (alors que c'est plutôt la formulation inverse qui aurait quelque pertinence) et qui est, "logique" avec lui-même, favorable à l'indépendance de ces îles (ce que je suis aussi). Il est tenu pour l'un des inventeurs de l'idéologie (et de la littérature) postcoloniale (pure imposture, selon moi), ce qui explique son "succès" dans les départements de français des universités américaines et l'un des chantres du métissage (il est l'un de ceux qui ont fait du métissage, terme racialiste de zoologistes, un horizon "indépassable"), présentant la "plantation insulaire" comme l'avenir de l'humanité. J'ai suivi, il y a vingt ans, une ou deux séances d'un séminaire de recherche qu'il animait dans une université : j'en suis sorti effondré que l'on puisse, dans un lieu consacré au savoir, falsifier, la bonne conscience en sautoir, avec d'autant d'effronterie, l'histoire, la pensée, les concepts, comme seul un commissaire politique aurait osé le faire.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 11:11   Re : Mort d'Andrée Chédid
"Les textes des plus réputés, Brel en tête, mais aussi Ferré ou Brassens, ne résistent pas à la lecture, la mélodie écartée, presque toujours."

Et vous ne résistez pas à l'amalgame. D'une part, les textes de Brassens résistent fort bien à la lecture (et ceux de Cole Porter aussi) et de l'autre la chanson — sous sa forme la plus accomplie — est l'art de la fusion entre la sonorité des mots, une mélodie, une trame harmonique et la voix de l'interprète.

Gainsbourg peut bien faire de l'auto-dérision (ou de la fausse modestie) en qualifiant son art de "mineur", mais pas vous, surtout quand vous vous sentez obligé de renforcer votre jugement lapidaire d'un "archi" qui sonne comme un coup de pied de l'âne. Par ailleurs, Gainsbourg est un habile et talentueux faiseur mais ce n'est pas Brassens...
09 février 2011, 11:19   Re : Mort d'Andrée Chédid
Les textes des plus réputés, Brel en tête, mais aussi Ferré ou Brassens, ne résistent pas à la lecture, la mélodie écartée, presque toujours... dit M. Wilson.

Peut-être, mais pourquoi juger la chanson seulement sur le critère de la valeur du texte ? C'est la juger selon les critères de la poésie, ce qui revient à la disqualifier d'avance. Il me semble que certains textes de Brel, Ferré, surtout Brassens, ne sont pas si nuls (étant entendu que même en littérature, il y a plusieurs demeures dans la maison du Père). Un même écrivain, prenons Renaud Camus au hasard, peut être traditionnel et d'avant-garde. Brassens (pardon du rapprochement) n'aura été "que" traditionnel. Mais La Supplique pour être enterré sur la plage de Sète (dans le genre chef-d'oeuvre appliqué et grave) ou Les Amours d'antan (dans un genre plus léger, désinvolte, nostalgique, toulétien) ne sont pas des textes ridicules et me paraissent des chansons merveilleuses. D'ailleurs Brassens figure à mon sens un (presque) parfait in-nocent par anticipation, et cela peut se prouver.
Certes, Kiran, certes...

Cependant, quand Brassens chante :

Il était laid
Les traits austères
La main plus rude que le gant ;
Mais l'amour a bien des mystères,
Et la nonne aima le brigand.
On voit des biches qui remplacent
Leurs beaux cerfs par des sangliers.
Enfants, voici des boeufs qui passent,
Cachez vos rouges tablier


C'est la mélodie de Brassens, et c'est le texte de Victor Hugo.

Or, Hugo avait bien écrit "Gastibelza" et "La Légende de la nonne" comme des chansons...

Hugo auteur mineur, cela semble étrange.
09 février 2011, 11:34   Re : Mort d'Andrée Chédid
C'est la différence entre le talent et le génie.
Brel, Ferré et Brassens ont toujours détesté qu'on les compare à des poètes et se sont toujours revendiqués artisans. Leur insistance sur ce point ne semble pas dénoter une simple modestie, mais une réelle réflexion sur leur métier, que je ne me vois pas leur contester.
09 février 2011, 11:36   Re : Mort d'Andrée Chédid
Mon cher Ami Beckford, lisez-moi sérieusement. J'ai dit que ce n'était qu'un "jugement personnel", rien de plus. Je suis assez rétif à la chansonnette, je l'avoue, et je trouve presque toujours les paroles de ces chansons, privées de leur musique, insignifiantes ou prétentieuses. Même Brassens ne résiste pas à l'expérience, selon moi. J'admets fort bien qu'on ait ce goût, même si je ne l'ai pas. Mon grand ami Arthur (Rimbaud-Cuif) a dit dans la "Saison" sa dilection pour les "refrains niais et rythmes naïfs", et cela ne diminue en rien l'admiration que je lui voue.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 11:40   Re : Mort d'Andrée Chédid
"Brel, Ferré et Brassens ont..."

Je n'ai jamais compris cet amalgame censé incarner ce qu'on est tenu d'admirer en bloc. Ces trois chansonniers sont extrêmement différents. Il semble bien que Ferré s'évanouisse aux oubliettes et que seul Brassens — et dans une moindre mesure Brel pour la qualité et la spécificité de ses interprétations— résiste à l'épreuve du temps.
09 février 2011, 11:45   Re : Mort d'Andrée Chédid
Voilà d'où je tiens mon amalgame : [snoopairz.free.fr]



Ces chanteurs ont une vision commune, c'est pour cela qu'on les associe souvent. Quant à leur talent, en effet, à chacun de juger.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 11:46   Re : Mort d'Andrée Chédid
Oui très cher Wilson, je reconnais votre droit à la dilection.

Mais je réprouve les classifications à prétention quasi objective : talent/génie, art majeur/art mineur, art mineur/art archi mineur etc...
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 11:51   Re : Mort d'Andrée Chédid
Oui, Mathieu, l'amalgame n'est pas de votre fait. C'était un "blot culturel" qu'on essayait de nous refiler à l'époque et qui n'avait pas lieu d'être. Une vision commune ?
09 février 2011, 12:10   Re : Mort d'Andrée Chédid
Citation
Beckford
Une vision commune ?
Vous avez raison de me reprendre sur ce mot. C'est l'impression laissée par cette célèbre entrevue commune, mais je ne saurais aller plus loin, n'ayant pas connu cette époque.

Personnellement, j'admire Brel grâce à son interprétation et sa diction notamment, un peu Ferré, mais pas du tout Brassens. Je lui reconnais bien sûr du talent mais n'accrochant pas à sa mise en musique des mots, je reste insensible à ceux-ci.
09 février 2011, 12:27   Re : Mort d'Andrée Chédid
Tu ne dis jamais rien de Ferré est un pur chef-d'oeuvre, un joyau, pour lequel je donnerais volontiers deux ou trois volumes de Bonnefoy (au poids). Je m'étais amusé à en proposer une traduction anglaise ici il y a quelques mois (ou quelques années ?). Personne n'avait vu que ce n'était pas un poème (de Auden, Eliot, Dylan Thomas, etc.)...

Si quelqu'un la trouve sur YouTube et veut la mettre en ligne, on pourrait s'en rendre compte.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 12:27   Re : Mort d'Andrée Chédid
Citation

mais il fallait qu'il soit traduit à l'aveugle ( ou à la sourde) par Jacottet ;

Je m'éblouis
d'infini.


Heuh... et quelle traduction de voyant auriez-vous proposé ?
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 12:39   Re : Mort d'Andrée Chédid
J'ai l'impression d'un malentendu. A l'occasion de la mort d'Andrée Chédid, la presse a parlé d'elle et a donné quelques extraits de ses poèmes. Il me semble qu'ici, les avis ont porté sur la qualité de ces textes, et pas sur l'intérêt socio-historique de leur auteur.

Les pièces qu'on lit ne sont pas des traductions, on peut avoir sur elle une prise directe, une opinion ; la mienne est que leur niveau est faible, pour dire le moins. Que Mme Chédid soit orientale n'améliore pas sa poésie à mes yeux, même si cela peut en expliquer certains aspects. Il n'y a pas de circonstances atténuantes en art — à part la faiblesse de vues du lecteur, mais c'est une autre histoire.

Deux questions se sont greffées là-dessus. Jean-Marc suggère qu'il est inconvénient de faire la critique négative d'un auteur au moment de sa mort, à quoi on peut répondre qu'on a justement attendu ce moment pour que l'écrivain n'en souffre pas.

L'autre est : peut-on se faire une opinion d'une œuvre poétique sur un simple échantillon, et en juger "à l'emporte pièce" ?

C'est le principe, je crois, des anthologies, de nous inviter à des lectures plus poussées, ou à nous en décourager.

J'ai un peu l'opinion de Mme de Rotschild : "La première impression est souvent la bonne, surtout quand elle est mauvaise". Dans le cas qui nous intéresse je n'ai fait que préjuger défavorablement du reste au vu de ce que je lisais.

La cruauté de la poésie, pour ce qui en écrivent, est qu'elle implique l'excellence, et ne tolère mal la médiocrité. La comparaison immédiate avec les maîtres est la règle. Un poète estimable pourrait-il écrire ceci :

"Je m'émerveille du rêve qui sonde l'avenir,/ Des soifs que rien ne désaltère./ Que nous soyons chasseurs et gibiers à la fois,/ Gladiateurs d'infini et captifs d'un mirage./ Les dés étant formels et la mort souveraine,/ Je m'émerveille de croire en notre saison."?

Dans l'idée que je me fais de la poésie, ce texte n'est pas ridicule, comme peut l'être la chanson pour M, ("La haine je la jette", etc.) mais boursouflé, prétentieux, formellement usé jusqu'à la corde, insignifiant, creux et pour tout dire, un peu bête.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 12:47   Re : Mort d'Andrée Chédid
Ne pas juger trop vite... relire... se dire qu'on ne comprend peut-être pas... être modeste... comme tout cela est difficile !
Ferré a une voix splendide cela dit... ça a dû beaucoup jouer


Elle ne dit jamais rien

Je vois le monde un peu comme on voit l'incroyable
L'incroyable c'est ça c'est ce qu'on ne voit pas
Des fleurs dans des crayons Debussy sur le sable
A Saint-Aubin-sur-Mer que je ne connais pas
Les filles dans du fer au fond de l'habitude
Et des mineurs creusant dans leur ventre tout chaud
Des soutiens-gorge aux chats des patrons dans le Sud
A marner pour les ouvriers de chez Renault
Moi je vis donc ailleurs dans la dimension quatre
Avec la Bande dessinée chez mc 2
Je suis Demain je suis le chêne et je suis l'âtre
Viens chez moi mon amour viens chez moi y a du feu
Je vole pour la peau sur l'aire des misères
Je suis un vieux B'ing de l'an quatre-vingt-neuf
Je pars la fleur aux dents pour la dernière guerre
Ma machine à écrire a un complet tout neuf
Je vois la stéréo dans l'oeil d'une petite
Des pianos sur des ventres de fille à Paris
Un chimpanzé glacé qui chante ma musique
Avec moi doucement et toi tu n'as rien dit

Tu ne dis jamais rien tu ne dis jamais rien
Tu pleures quelquefois comme pleurent les bêtes
Sans savoir le pourquoi et qui ne disent rien
Comme toi, l'oeil ailleurs, à me faire la fête

Dans ton ventre désert je vois des multitudes
Je suis Demain C'est Toi mon demain de ma vie
Je vois des fiancés perdus qui se dénudent
Au velours de ta voix qui passe sur la nuit
Je vois des odeurs tièdes sur des pavés de songe
A Paris quand je suis allongé dans son lit
A voir passer sur moi des filles et des éponges
Qui sanglotent du suc de l'âge de folie
Moi je vis donc ailleurs dans la dimension ixe
Avec la bande dessinée chez un ami
Je suis Jamais je suis Toujours et je suis l'Ixe
De la formule de l'amour et de l'ennui
Je vois des tramways bleus sur des rails d'enfants tristes
Des paravents chinois devant le vent du nord
Des objets sans objet des fenêtres d'artistes
D'où sortent le soleil le génie et la mort
Attends, je vois tout près une étoile orpheline
Qui vient dans ta maison pour te parler de moi
Je la connais depuis longtemps c'est ma voisine
Mais sa lumière est illusoire comme moi

Et tu ne me dis rien tu ne dis jamais rien
Mais tu luis dans mon coeur comme luit cette étoile
Avec ses feux perdus dans des lointains chemins
Tu ne dis jamais rien comme font les étoiles
Je crains que l'expression ne soit pas de Mme de Rothschild, mais je conçois qu'on ne prête qu'aux riches.

Je n'ai pas parlé d'une sorte de délai de décence, j'ai parlé d'un jugement partiel.

Puisque vous abordez cette question du délai, je pense qu'il est possible de parler en mal d'un auteur mort, mais qu'on peut, pour être direct, attendre que son corps soit froid, et ne pas jouer les Chaban à la mort de Pompidou.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 12:55   Re : Mort d'Andrée Chédid
Oui, vous avez raison, Jean-Marc, Google m'apprend que c'est d'Henri Jeanson. Pour le reste, effectivement, peut-être devrions-nous (devrais-je) être moins soumis à l'actualité.
Google se trompe.
09 février 2011, 12:58   Re : Mort d'Andrée Chédid
Alors disons que c'est un chant, et qu'il ne faut pas le lire. (Comme, dans un tout autre registre, évidemment, le Chant des Partisans, qui n'a pas à être lu).
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 13:02   Re : Mort d'Andrée Chédid
Allons bon... Je sèche, du coup.
Pour appuyer Francis, comment classez-vous la poésie de langue romane, qui était chantée ?

Pensez-vous que Godolin est une sorte de "Fernadelized Claude François" quand il nous chante son Nadalet :


Ont van tan de pastors amassa ?
Sempà véser quicom de bèl ?
Plan pel segur bèl e novèl.
E ieu m'avanci prénr plaça
Per aver l'aunor d'adorar
L'Enfantet que nos salvarà.

A l'ora que l'alba clareja
L'Angèl nos a dit un grand mot :
Lausat sià Diu per dessus tot
E bona gent en patz se veja !
Pastorèls, anatz adorar
L'Enfantet que vos salvarà !


Et au fait, pourquoi dit-on d'un poète qu'il "chante" une ville ou les exploits d'un roi ?
C'est une formule forgée au fil des âges, et attribuée de façon apocryphe à bien des personnes, la plus notable étant Talleyrand.

Un autre exemple est "On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment", attribuée généralement à Gondi mais en fait d'origine inconnue.
09 février 2011, 13:18   Re : Mort d'Andrée Chédid
Cher JGL, je vous salue. Une certaine gêne me prend à voir votre intervention, d'une hauteur et d'une tenue qui font mon admiration ( et mon miel ), enchâssée de messages, certes non dénués d'intérêt, mais plus emprunts d'opinion, moins centrés sur le thème de la discussion et pour tout dire, relevant moins du fameux « esprit revue ». Ma gêne s'accroît quand je considère que je ne suis pas exempt de cette facilité avec ma remarque sur les livres que l'on brûle. Je vous souhaite une bonne journée.
09 février 2011, 13:19   Re : Mort d'Andrée Chédid
lire Je suis un vieux Boeing de l'an quatre-vingt-neuf
09 février 2011, 13:20   Re : Mort d'Andrée Chédid
Oui, c'est vrai, c'est beau, Elle ne dit jamais rien...
09 février 2011, 13:27   L'Héritage infernal
Avec ça, tout le monde semble oublier Charles Trenet, qui reste à la chanson ce qu'Hergé fut à la bande dessinée, c'est-à-dire non seulement le plus grand mais peut-être bien le seul.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 13:30   Re : Mort d'Andrée Chédid
"Charles Trenet, qui reste à la chanson ce qu'Hergé fut à la bande dessinée, c'est-à-dire non seulement le plus grand mais peut-être bien le seul."

Un grand, sûrement pas le seul et pour le coup, ses textes pris isolément, sont souvent très très faibles (avec des exceptions bien sûr).
09 février 2011, 13:37   Re : Mort d'Andrée Chédid
Peut-être, Monsieur Beckford, peut-être ; encore que l'on pourrait en discuter. Il reste que lire les paroles d'une chanson revient un peu à juger d'une statue d'après sa reproduction sur papier ou un film sur son seul scénario.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 13:43   Re : Mort d'Andrée Chédid
"Il reste que lire les paroles d'une chanson revient un peu à juger d'une statue d'après sa reproduction sur papier ou un film sur son seul scénario."

Entièrement d'accord. Il y a quand même des cas où l'examen de la reproduction papier ou du scénario laissent peu d'espoir sur le résultat final.
Trenet, il faut l'écouter mais non le voir.

Certaines de ses chansons sont en effet très bien.

Ce que vous dites, Didier, est très juste.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 14:32   Re : Mort d'Andrée Chédid
Passionnante explication de texte de JGL sur la littérature de Mme Chédid.
09 février 2011, 14:40   Re : Mort d'Andrée Chédid
D'accord pour Trenet, j'ajoute Mouloudji et Nougaro. Mais connaissez-vous Gaston Couté, par exemple ? L'histoire de la chanson française regorge de chefs d'œuvres aussi beaux que Les Feuilles mortes ou Le temps des cerises. Et puis il y a l'interprétation, Brel, Piaf mais aussi Bruant, Frehel, etc.
Pour répondre à Jean-Marc, je dirai que la connaissance intime du provençal ou de qu'on nomme l'occitan est indispensable.
09 février 2011, 16:31   Re : Mort d'Andrée Chédid
Ne me dite spas que vous ne mettez pas Brassens avec les plus grands de cet art à part, mineur ou pas, que fut, à certains moments, la chanson française ! ?
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 16:51   Re : Mort d'Andrée Chédid
"Ne me dite spas que vous ne mettez pas Brassens avec les plus grands de cet art à part, mineur ou pas, que fut, à certains moments, la chanson française ! ?"

Ah ! Quand même ! Merci.
09 février 2011, 17:45   Re : Mort d'Andrée Chédid
Pour ma part, j'aime beaucoup Brassens, chère Cassandre, je ne faisais qu'ajouter quelques noms.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 18:18   Re : Mort d'Andrée Chédid
Citation
Kiran Wilson
N'ayant pas lu une ligne de Glissant, je me garderai bien de tout jugement de valeur.
Par ailleurs : il y a surtout "dégradation culturelle" du père (Louis) au fils. Louis Chédid, dans l'art archi-mineur de la chanson, n'est pas sans talent. Belles mélodies et textes assez soignés. "Ainsi soit-il, / Tel est le nom du film...". Mathieu n'est qu'un pitre.

Essayez son pensum sur Faulkner.
En plus de son propre talent, Brassens chante des auteurs remarquables.

Je ne pense pas que quiconque ici critique Hugo, pour les deux chansons citées, ni Villon pour la "Ballade des dames du temps jadis".
D'autre part, que dire de "La Bonne chanson" mise en musique par Gabriel Fauré (qui tint d'ailleurs les orgues lors de l'enterrement de Verlaine) ?

Verlaine n'est-il pas un auteur majeur ?

Fauré n'est-il pas un grand musicien ?
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 18:28   Re : Mort d'Andrée Chédid
Citation
Jean-Marc
Certes, Kiran, certes...

Cependant, quand Brassens chante :

Il était laid
Les traits austères
La main plus rude que le gant ;
Mais l'amour a bien des mystères,
Et la nonne aima le brigand.
On voit des biches qui remplacent
Leurs beaux cerfs par des sangliers.
Enfants, voici des boeufs qui passent,
Cachez vos rouges tablier


C'est la mélodie de Brassens, et c'est le texte de Victor Hugo.

Or, Hugo avait bien écrit "Gastibelza" et "La Légende de la nonne" comme des chansons...

Hugo auteur mineur, cela semble étrange.

Ah s'il n'était que mineur...

Essayé de lire "l'Homme qui rit". Je n'ai pas pu aller au delà de la scène du naufrage aux Casquets : emphase frôlant le ridicule.

Je n'ai pas brûlé de livres mais j'en ai déchiré un avec rage : "Histoire d'un crime".
Brunet,

Vous êtes féroce.

Je n'aime pas Glissant, mais je reconnais qu'il est un grand écrivain. Justement, son Faulkner est sa seule oeuvre que j'aime, car j'ai l'impression que Glissant comprend Faulkner et, bizarrement, écrit ce Faulkner "à la Faulkner".

Est-ce dû au fait que Faulkner est profondément créole (en ce sens qu'il est le descendant d'une lignée de propriétaires du sud) ?

On n'insiste jamais assez, de mon point de vue, sur l'influence qu'eut sur lui l'équivalent de sa "Da", Callie Barr, la Dilsey de l'ouvrage cher à Mélenchon (entre parenthèse, quel plus bel hommage un écrivain peut-il rendre à une personne qu'en lui conférant l'immortalité d'une oeuvre romanesque ?), et sur la tombe de laquelle il fit écrire :

MAMMY / Her White Children / Bless Her.
Brunet,

Et Villon ?

Et pour Verlaine et Fauré ?
09 février 2011, 18:44   Re : Mort d'Andrée Chédid
La mélodie, comme le lied, me paraît être un genre différent, un genre plus exigeant, peut-être plus précieux.
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 19:18   Re : Mort d'Andrée Chédid
Citation
Jean-Marc
Brunet,

Vous êtes féroce.

Je n'aime pas Glissant, mais je reconnais qu'il est un grand écrivain. Justement, son Faulkner est sa seule oeuvre que j'aime, car j'ai l'impression que Glissant comprend Faulkner et, bizarrement, écrit ce Faulkner "à la Faulkner".

Est-ce dû au fait que Faulkner est profondément créole (en ce sens qu'il est le descendant d'une lignée de propriétaires du sud) ?

On n'insiste jamais assez, de mon point de vue, sur l'influence qu'eut sur lui l'équivalent de sa "Da", Callie Barr, la Dilsey de l'ouvrage cher à Mélenchon (entre parenthèse, quel plus bel hommage un écrivain peut-il rendre à une personne qu'en lui conférant l'immortalité d'une oeuvre romanesque ?), et sur la tombe de laquelle il fit écrire :

MAMMY / Her White Children / Bless Her.

Je crois me souvenir d'un commentaire de Glissant sur le "they endured" qu'on trouve dans "Le bruit et la fureur" à propos de Dilsey la servante noire des Compson.

Là où on peut voir un hommage à la noblesse d'âme de Dilsey, Glissant y voit la marque du paternalisme et donc du refus de mettre sur le même plan les noirs et les blancs.

Glissant est aveuglé par ses préjugés idéologiques.

Faulkner est créole comme le sont nos békés martiniquais qui eux aussi ont été élevés par des nounous antillaises et qui ont pour elles la plus grande affection.

Mais il ne leur viendrait jamais à l'idée d'épouser leur petite fille.

Cela n'a rien à voir avec du racisme mais tout avec du communautarisme. Les békés sont un minorité et il leur est légitime de vouloir préserver leur façon de vivre en ne se métissant pas (du moins devant le curé et le maire).

Cela me rappelle les image du vieux Huyghues-Despointes sortant de l'audience du tribunal de Fort-de-France. Le procureur avait requis douze mois (!) de prison avec sursis à son encontre pour apologie de crime contre l’humanité et incitation à la haine raciale (ce qui était manifestement faux, Despointes n'ayant jamais défendu l'esclavage au cours de l'interview comme l'a précisé Mte Dinah Rioual avocate métissée de Despointe).

Despointes était entouré de la sollicitude de ses amis essentiellement des hommes et des femmes noirs ou métissés dont je crois l'ancien maire du Robert. Très peu de blancs autour de lui (la crainte du discrédit?).

La relation de Faulkner aux noirs était selon moi tout aussi complexe.
C'est en cela, Brunet, que je dis cette relation créole.

Je me souviens d'un vol Fort-de-France Miami, vous savez, celui qui fait des sauts-de-puce par Pointe-à-Pitre et Port-au-Prince (je ne sais s'il s'y pose encore, d'ailleurs) en arrivant de Cayenne.

A l'escale du Raizet, nous descendîmes pour aussitôt remonter, ce qui complétait un vol de vingt minutes par une escale d'une heure. Une dame haïtienne eut un malaise et s'effondra. Grande agitation, à la limite du welele, si j'ose dire. Personne ne savait que faire, lorsqu'une dame béké qui allait à Miami, prit les choses en main et organisa le tumulte. Aidée par quelques matrones (vous voyez le style) elle rétablit l'ordre en un instant en répartissant les tâches.

Je cois que les Antillais considèrent les békés comme leurs, en tout cas ils comprennent les békés et les békés les comprennent. Je me rappelle une veillée funéraire : il fallait voir l'accueil que reçut le béké de la famille (si j'ose encore dire) quand il arriva, et de l'attention il est vrai paternaliste mais appréciée dont il entoura la famille.

Dernière anecdote : un de mes collaborateurs jouissait d'une très grande autorité sur le personnel créole, d'abord parce qu'il était chabin, donc réputé coléreux, mais surtout parce qu'il était notoire que son père était Untel, béké influent.

Avez-vous vu le magnifique album de photographies de Jean-Luc de Laguarigue dédié aux enfants de la Martinique ? seul un béké peut prendre de telles images...
Utilisateur anonyme
09 février 2011, 23:18   Re : Mort d'Andrée Chédid
Oui j'aime beaucoup l'album de Laguarigue une des rare réussites artistique contemporaine des Antilles (en dehors de Pascal Légitimus et Francky Vincent...).

Ce qui fait enrager les "intellectuels" mulâtres c'est cette mutuelle compréhension entre les Antillais et les békés faite de distance infranchissable, de souvenirs et d'histoire commune. Je crois qu'ils pensent que décidemment leurs compatriotes sont indécrottables. Eux aussi voudraient changer de peuple.

Les métropolitains comme moi vivant cela de l'extérieur perçoivent assez rapidement la complexité des relations humaines dans ces petites sociétés. Il est vrai que notre statut ajoute encore à cette complexité.

Connaissez-vous la Guyane?
Assez bien, Brunet, assez bien. Etes-vous à Cayenne ?

Je vous conseille pour ces histoires-là la lecture de l'ouvrage de Crassous de Médeuil, qui est un excellent parallèle au "Siglo de las luces", sauf que Crassous écrivit sur le moment ?

Une part se passe aussi en Guyane.
10 février 2011, 09:46   Re : Mort d'Andrée Chédid
La littérature antillaise (surtout romanesque) me semble très surfaite, mais je confesse que je la connais mal. J'ai essayé de lire Patrick Chamoiseau, et ses livres me sont tombés des mains (boursouflure stylistique, insignifiance du propos, etc.). En revanche Césaire à mes yeux est un immense poète, l'égal de Saint-John Perse. La remarque vaut aussi pour une grande part de la littérature franco-maghrébine ou africaine. Des auteurs reconnus comme Kateb Yacine, Mohammed Dib ou Alain Mabanckou me sont hermétiques, mais c'est peut-être de ma faute. J'ai lu cependant assez récemment "Le Jour du Roi" d'Abdellah Taïa (prix de Flore, je crois). Bien sûr ce n'est pas un chef d'oeuvre, mais j'ai trouvé ce roman plein de charme.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter