D'après "Terra nova" l’immigré et le jeune sont ouverts et « optimistes », ils représentent « la dynamique », alors que l’ouvrier est dans « le repli » contre « les immigrés, les assistés, la perte des valeurs morales (?!).
Qu'un jeune soit en principe plus plus dynamique qu'un moins jeune, il me semble que c'est une évidence pour tout le monde depuis la nuit des temps et il est étrange qu'un rapport se croit obligé de le souligner, sauf si le mot "jeune" renvoie implicitement à l'idée d'immigré. et plus particulièrement d'immigré africain. Dans ce cas on n'est plus dans le réel mais dans le fantasme idéologique ou la méthode Coué. Rien ne confirme, en effet, ce que l'on cherche depuis deux ou trois ans à faire passer pour une affaire entendue, à savoir que les jeunes immigrés africains sont par leur "dynamisme" l'avenir de la nation, un réservoir d'énergies, et de créativité, un véritable filon de "pépites". pour le pays. Tous les ans on a droit à ce discours, avec "preuves" à l'appui qui se résument, en général à un défilé poussif de mode afro-maghrébine et à un concours de hip-hop dans les "quartiers". Il y a longtemps qu'on pouvait pressentir chez tous ceux qui participent au cirque journalistique, à commencer par la gauche, qu'une certaine droite s'est empressée de suivre pour ne pas être en reste d'onction médiatique, l 'aversion implicite pour le travailleur besogneux, surtout honnête (l'honnêteté chez le populo ne passant plus pour une vertu mais au mieux pour de la crétinerie au pire pour une tare de réactionnaire ). Rien de plus normal , par conséquent, que dans ce monde où l'on vit de et dans la communication, c'est-à-dire le simulacre permanent , où les seuls travailleurs que l'on entend parler de leur "travail", les seuls que l'on révère, sont les mannequins, les chanteurs et les acteurs à qui l'on demande sans rire si ce n'est pas trop dur de faire ce métier quand on est le fils ou la fille d'une star célèbre, rien de plus normal, dis-je, de trouver "dynamiques" et "créateurs" les jeunes branleurs ramenards des banlieues qui se prêtent si bien au jeu, précisément, que la société de la frime et du spectacle attend d'eux .
Or je persiste à penser que ces sont les millions de besogneux honnêtes pour qui le travail quelque dur qu'il fût était considéré comme une valeur en soi qui ont fait, en grande partie, la force de la France. Et je crois que la faiblesse des pays islamo-africains vient , entre autres, de ce que le travail n'y est pas considéré comme une valeur. Un haddith ou un verset du Coran dit à peu près " Maudite soit la maison qui héberge le laboureur !". Tout le monde comprendra que ce ne sont pas seulement les laboureurs qui sont visés mais par extension tous les besogneux aux mains sales. Il est, donc, évident que dans une société qui valorise de plus en plus le pseudo travail, et les mains propres la jeunesse afro-maghrébine se sentira plus à l'aise que le prolo à l'ancienne. Il est permis de douter que cela constitue un atout pour l'avenir du pays. Si c'était le cas on ne voit pas pourquoi des pays aussi jeunes — et aussi riches — que les pays africains seraient dans cette situation calamiteuse alors qu'un pays aussi "vieux" et aussi pauvre en richesses naturelles que le Japon serait florissant.
Pour moi l'exemple emblématique de ce basculement du vrai au pseudo travail ce sont ces ouvriers du nord de la France mis au chômage quand les aciéries ont fermé, auxquels on a proposé, en échange, des animations à... Disneyland, en costume de Mickey !