Il me semble que la comparaison entre les sens de l'adjectif populiste entre ca. 1938 (Sartre), ca. 1971 (D. Biga) et aujourd'hui est complètement faussée par le fait que le Populisme constituait dans l'entre-deux-guerres une Ecole ou au moins un groupe littéraire. Ecole fondée par André Thérive et Léon Lemonnier (romanciers et critiques bien oubliés) dans les années 1920 et tendant à représenter le "peuple" de l'époque dans les romans avec vérité, sans parti pris. A noter que les écrivains de l'Ecole Populiste n'étaient nullement d'origine populaire. Mais ils s'impatientaient qu'un Mauriac, qu'un Maurois, qu'un Henry Bordeaux (célébrités de l'époque) ne représentent dans leurs oeuvres que les milieux bourgeois. Le peuple constituait alors, si l'on veut, pour les romanciers, un exotisme, une terre à défricher (de nos jours ce serait peut-être le contraire).
On peut supposer que Sartre n'entendait nullement être assimilé à un écrivain de cette école, bien vivante en 1938 : école qu'il dépassait de toutes parts.
En 1971, l'Ecole Populiste a pratiquement disparu, mais dans la présentation qui est faite de Daniel Biga le terme populiste garde un écho de ce sens initial, purement littéraire. La référence à l'
esthétique populiste reste présente.
Parallèlement à cela, le terme "populiste" a acquis aussi depuis longtemps un sens politique, assez proche de "démagogique". Depuis quand ? Il me semble que ce n'est pas récent, même si on abuse aujourd'hui de ce terme. Disons que la grande consommation qui en est faite pour discréditer des mouvements populaires et identitaires de droite nous incline à supposer que cette acception est toute récente : mais à mon avis c'est une erreur.
Aussi bien, je pense qu'il n'y a pas glissement de sens mais simultanéité entre une acception, si l'on veut, esthétique, et une autre acception d'ordre politique. Ces deux acceptions vivent leur vie, chacune de son côté.
Merci en tout cas d'avoir cité un poète démodé mais estimable comme Daniel Biga : soixante-huitard enflammé mais sincère, resté fidéle à sa parole des années 70, à ce titre in-nocent (non par communauté de vues, mais par fidélité
inébranlable à des convictions inactuelles).