Le site du parti de l'In-nocence

Répliques du 11 juin : pas une émission pour "âmes sensibles"

Envoyé par Thierry Noroit 
Un peu à la Modiano, ce qui est un vrai supplice.
Modiano aussi mérite le qualificatif d'écrivain.

Vous voulez une interviou de Proust par Bernard Pivot ?
Cher Éric Veron, il me semble que la gêne que vous avez décelée chez M. Millet provient d'un comportement qu'il qualifie lui-même d'autistique, trait dont il parle notamment lors d'un entretien qu'il donna chez lui [ ici ] et qui transparaît assez clairement dans Musique secrète, livre consacré à sa grande passion — la musique savante.

J'expliquerais pour ma part ce repli par une forme sublimée de schizothymie doublée d'un profond amour du silence.
Mieux, Orimont Bolacre : Proust par Franz Olivier Giesbert. Avec des questions sur l'asthme.

Je suis heureux que vous citiez ici Musique secrète, cher Eric Veron [rajout : pardon, Henri Lesquis, je viens de m'apercevoir de ma méprise ; il est étrange que j'aie confondu votre plume avec celle de M. Veron ; signe de fatigue, sans doute], car depuis quelques mois ce livre me sert de guide pour me retrouver un peu dans l'immense et profus massif de la musique contemporaine.
Proust par Pivot ! Ce pauvre Pivot rame déjà avec Sollers, vous êtes cruel cher Orimont.
Utilisateur anonyme
17 juin 2011, 00:15   Re : The untamables
Citation
Alain Eytan
([...] je ne voudrais vraiment pour ma part "dresser" qui que ce soit, d'autant que je me fais fort, dans mes bons jours, d'être parfaitement "indressable" moi-même et de n'en faire absolument qu'à ma tête... Et pour ce que cela vaut, il me plaît bien comme il est, M. Lesquis...)

Cher Alain, ces humbles mots m'ont touché. Cela dit, je dois admettre que les critiques de M. Bourjon étaient légitimes. Alors que je peux me montrer très doux et des plus in-nocents, je ne sais d'où me vient ce besoin goguenard de tapage, comme l'écrivait Zola, qui dénature trop souvent mon véritable caractère et m'emplit d'indigestes scrupules.

Permettez-moi, cher Alain, de clore cette vétilleuse discussion d'amoureux du détail, le sujet n'ayant, il faut bien l'avouer, que peu d'intérêt relativement aux sujets de prédilection du P.I.
Réécoutant l'entretien de Richard Millet dont j'ai donné le lien, je note avec étonnement la radicalité de son repli :

« Vous n'allez pas aux concerts, alors pourquoi ?
R. M. : —  C'est pire que ce que vous croyez... Je vis —  là, je les ai enlevées pour l'occasion... —  je vis avec des boules Quies, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c'est-à-dire que je ne supporte pas le bruit de l'extérieur, […] en tout cas, quand je suis chez moi je ne le supporte pas. […] Là, je me sens presque en danger, vous voyez, c'est très étrange, je ne plaisante plus là, c'est véritablement quelque chose de très particulier... »

Cela ressemble bien à une forme sublimée de schizothymie, doublée d'un profond amour du silence : une forme d'hypersensibilité de l'esthète que l'introversion protège.
17 juin 2011, 02:18   Re : The untamables
Bien que je ne sois pas vraiment d'accord sur le qualificatif de "vétilleux" quant à la considérable question du statut ontologique des opérateurs logiques (je suis à peine ironique, je crois vraiment que c'est une question fondamentale), je salue, cher Henri, vos exemplaires résolutions.
N'en faites pas trop quand même, avec la "maîtrise de soi" et tout le tralala, si je puis me permettre...

« La fragmentation est l'âme de l'art. » (Ce qui dicte en complément, que la dissipation soit aussi un art de l'âme. Moi aussi, j'ai lu Les Ombres errantes...)
Alain, sur la question — certes fondamentale — du statut ontologique des opérateurs logiques, il y aurait beaucoup à dire, surtout depuis la révolution de ces dernières décennies en logique (à partir de laquelle, pour aller vite, on est passé de l'être au faire, de la substance au processus, de la loi à la procédure : en logique aussi, on a pleuré la mort de Dieu...).

(Quignard est en effet parfois inspiré.)
Proust par Franz Olivier Giesbert. Avec des questions sur l'asthme.

Excellent !
Et Beckett par Guillaume Durand, avec des questions sur les avances que lui fit Lucia Joyce.
17 juin 2011, 10:33   Egonomie du coq
J'aime beaucoup ergos, monter sur ses ergos (Étienne de Bily) — c'est un mot-valise par soustraction, beaucoup plus fort que les mots-valises par addition et collages d'étiquette...
17 juin 2011, 11:01   Ergot sum
Que voulez-vous, Maître, c'est ça, le génie : même nos fautes (en l'occurrence dues à l'ignorance crasse, devenue légendaire, de votre serviteur) deviennent des coups d'adresse !
Richard Millet est écrivain, ce qui, normalement, indique clairement que "l'oralité' n'est pas son mode d'expression. On veut à toute force faire parler des écrivains qui ont choisi d'écrire précisément pour ne pas avoir à actionner leur glotte en public. Normalement un écrivain ne devrait émettre que des borborygmes ou des imprécations confuses quand on lui tend un micro.

Orimont,


Quand on a des problèmes pour s'exprimer devant un micro, on en va pas participer à des émissions. Je doute que Finkielkraut l'ait recruté "à toute force".

J'ai écouté cette émission, et j'ai trouvé ce M. Millet consternant.
17 juin 2011, 11:14   Re : Ergot sum
Consternant n'est pas le mot, Jean-Marc ; Millet peut à la limite vous avoir déçu, si tant est que vous (attention) attendissiez quelque chose de lui, mais tout de même il ne bégaie pas, ne vous déverse pas quarante scies à la minute comme certains moulins à paroles.
Un bègue... il n'aurait en effet plus manqué que ça.

Consternant dans le sens de "Qui provoque la tristesse et le découragement".

A la fin de cette émission, je me suis dit : "Millet, c'est donc ça ?".

Consternant dans le sens que plusieurs des commentaires ci-dessus associent au nom de Millet des qualificatifs relevant de la pathologie mentale (schizothymie, autistisque) et d'autres des troubles comportementaux (tâtonnements, manque d'aisance...).

Il est dommage qu'une émission sur ce thème-là ait pour acteur un échappé des Misfits.
Utilisateur anonyme
17 juin 2011, 11:27   Re : Ergot sum
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Didier,

C'est exactement cela. Son contradicteur ouvrait des "boulevards" à la réponse, et était aussi facile à rater qu'une vache dans un couloir.

Je me disais à certains moments (pardonnez mon langage populaire et régional) : Mais ce Millet, il est ensuqué, ou quoi ?
Vous noterez également que le génie halluciné et l'ontologie délirante et déductrice se cotoyent et se fondent dans l'ergo de seigle.
Je suis passé à la Fnac (pardon cher Jean-Marc) à l'heure de l'angélus pour feuilleter du Millet, auteur que je n'avais jamais lu. Ce garçon a travaillé mais c'est du gallimard formaté.
Pennisetum glaucum, auraient dit les Romains.
Je sors de mon voeu de silence (que personne n'avait dû remarquer - c'est très bien ainsi) pour tâcher de prendre la défense de Richard Millet. Il ne m'a pas semblé si mauvais, si inférieur à son interlocuteur, lors du débat de samedi dernier. Il faut noter également que les rares grands écrivains hostiles à la Bien-pensance et au Grand Remplacement ne veulent sacrifier à aucun prix dans cet engagement la complexité de leur pensée et de leur écriture. C'est le cas de Renaud Camus, aussi. Qui, lui aussi, ne se juge pas, en général, un excellent orateur. Peut-être que Philippe Muray aurait été plus efficace dans ce genre de joute oratoire car le dernier Muray était relativement tout d'une pièce et avait pour registre principal l'humour et le sarcasme. Richard Millet et Renaud Camus sont beaucoup plus graves, surtout le premier nommé. J'ajouterai que Philippe Muray, que j'admire énormément, stigmatisait les changements dans le peuple (boboïsation généralisée, déculturation, avènement d'Homo festivus, etc) et non le changement de peuple. Les deux notions ont évidemment des points communs et se nourrissent l'une l'autre. Mais lorsque c'est la deuxième notion qu'on met avant, comme le fait clairement Richard Millet, dans son dernier livre et dans cet entretien radiophonique, on peut facilement tomber sous le coup de la loi (celle-ci étant ce qu'elle est). Cela suffirait à rendre la parole de tout un chacun un peu embarrassée, non ?

Je pense que Richard Millet a eu l'immense mérite de signaler des faits qui attestent sans détour le changement de peuple en cours et l'image de notre pays (?) à l'étranger aujourd'hui. C'est essentiel. Car des gens isolés comme moi et comme tant d'autres se disent : je n'ai pas la berlue, ce que je vois est bien la réalité, d'autres la voient aussi, elle peut se dire. Les conséquences de cette confirmation sont déterminantes et atténuent grandement la relative maladresse de Richard Millet dans le dialogue et le débat (on est tout de même très loin de Modiano).

Enfin, pour complexifier encore l'image de Richard Millet il faut savoir qu'il est non seulement un auteur Gallimard mais aussi un fonctionnaire Gallimard, si j'ose dire, puisqu'il exerce les fonctions de conseiller littéraire (on dit maintenant : "éditeur"). Difficile de préserver une entière liberté de parole dans ce contexte. Parmi ses alter ego (ergos ?) chez Gallimard il y a tout bonnement Philippe Sollers, lui aussi fonctionnaire à plein temps de l'auguste maison. Et il paraîtrait qu'ils s'entendent très bien. Le catholicisme les rapproche. Richard Millet a même écrit un article dans un des derniers numéros de la revue de Sollers, L'Infini, pour dire leur estime mutuelle, en tout cas la sienne pour son aîné.
Renaud Camus a un défaut, c'est son manque de jugement. Il se trouve mauvais orateur, alors qu'il est "bon à l'oral".

Millet a été lamentable, Camus aurait, de mon point de vue, gagné haut la main (je suis dans une période sportive) le débat.
« Mais lorsque c'est la deuxième notion qu'on met avant, comme le fait clairement Richard Millet, dans son dernier livre et dans cet entretien radiophonique »

Dans Fatigue du sens Millet met constamment en avant le changement du peuple comme condition préalable au changement de peuple. Il utilise d'ailleurs le terme de néo-Français pour désigner ce peuple de souche transformé qui, halluciné, se laisse conduire aux poubelles de l'histoire en échange du gavage consumériste. Son analyse prend en quelque sorte la suite de celle de Muray.

Cela dit, je trouve moi aussi qu'il est excessif de qualifier sa prestation orale de lamentable. Quant à son œuvre, il faudrait peut-être, avant de la qualifier de "Gallimard formaté", la lire réellement, cher Florentin.
» En effet, x et y peuvent être de même nature que P. Dans ce cas, soit vous précisez que p1=p2 est un énoncé du langage-objet et P = "p1=p2" un énoncé du métalangage : ainsi, vous devez écrire P = "p1=p2" en dissociant les symboles d'égalité (ils sont alors ontologiquement différents)

Arrêtons-nous un instant, si vous le voulez bien, Henri, sur ce mystérieux "statut ontologique" des connecteurs. Je vous avoue que la tournure m'a fait ouvrir de grands yeux, car certains logiciens-philosophes ayant voulu se réfugier dans la logique pour échapper justement à d'ineffables propriétés "ontologiques" ou autres des termes employés, au regard d'une discipline où chaque élément est parfaitement défini par la fonction qu'il occupe au sein d'un ensemble, il est remarquable de voir réintroduire en douce de si vagues caractéristiques précisément là où elles étaient censées être bannies.
La question est de taille : un connecteur logique peut-il avoir un statut ontologique, et qu'est-ce que cela veut dire (étant entendu d'autre part que ces éléments remplissent exactement le même rôle dans chacun des niveaux de langage considérés) "


Y' a pas à dire, le niveau monte sur ce forum ...
Marcel, si elle n'est pas lamentable, comment l'appeler alors ?
Vous avez raison, cher Marcel, la première impression n'est peut-être pas la bonne.
Citation
Jean-Marc
Richard Millet est écrivain, ce qui, normalement, indique clairement que "l'oralité' n'est pas son mode d'expression. On veut à toute force faire parler des écrivains qui ont choisi d'écrire précisément pour ne pas avoir à actionner leur glotte en public. Normalement un écrivain ne devrait émettre que des borborygmes ou des imprécations confuses quand on lui tend un micro.

Orimont,


Quand on a des problèmes pour s'exprimer devant un micro, on en va pas participer à des émissions. Je doute que Finkielkraut l'ait recruté "à toute force".

J'ai écouté cette émission, et j'ai trouvé ce M. Millet consternant.

Ce n'est guère étonnant.

Je l'ai trouvé quant à moi admirable. Son incapacité à saisir la perche qu'on lui tendait ou à s'engouffrer dans le boulevard ouvert par son contradicteur marquait bien qu'ils évoluaient tous les deux sur des terrains différents. La raison raisonneuse, la logorhée métissolâtre du ravi d'un côté, le refus, le retrait de l'autre.

M. Millet nous parle crûment de la veulerie, de la saleté de notre peuple, de la dégradation de son cadre de vie. Il diffère assez peu en cela de M. Camus qui dit tout cela avec plus d'aménité.

Mais M. Millet affiche sa foi catholique et y trouve des raisons de vivre. Il a l'expérience des combats et me semble assez costaud physiquement. Il y aurait peut-être intérêt à le recruter dans votre parti afin d'y monter une phalange catholico-défaitiste qui manque cruellement à votre mouvance libérale-malthusienne. Cette phalange pourrait, par exemple, servir de garde rapprochée à M. Camus lors de ses prochaines réunions et débat politique. Je crois que ça aurait une certaine gueule.
Si vous aimez les écrivains sachant s'exprimer, voici qui devrait vous plaire :



















Utilisateur anonyme
17 juin 2011, 20:12   Le cas Millet
Je m'étonne, quand bien même Millet s'enfermerait dans une posture par coquetterie, qu'un petit fragment du moustachu que je viens de retrouver en fourrageant dans mes paperasses décrive si parfaitement le cas Millet. Voici les symptômes qu'il identifie : états morbides — voyez combien monsieur Millet est hanté par la mort —, extrême acuité — songez au rapport qu'il entretient à la langue et la musique —, communication par signes — songez à sa gêne lorsqu'il s'exprime à l'oral —, extrême irritabilité — songez au fait qu'il se sente en danger en présence d'autres hommes —, suspension de la volonté, surdité volontaire — songez enfin à son repli (auto-exclusion et boules Quies).

Le voici :

Citation

« Les mouvements de réaction : l'art. [...]
Ce sont les états d'exception qui conditionnent l'artiste : tous ceux qui sont profondément liés et étroitement confondus avec des phénomènes morbides : de sorte qu'il ne semble pas possible d'être artiste et de n'être pas malade.
Les états physiologiques qui, chez l'artiste, sont cultivés pour ainsi dire en « personnalité », et qui, en soi, à un degré ou à un autre, sont inhérents à l'être humain :
1. L'extrême acuité de certains sens : […] le désir de ne parler qu'à tout ce qui sait communiquer par signes... [...]
2. L'obligation d'imiter : une extrême irritabilité […], une certaine suspension de la volonté […].
Une manière d'être sourd, d'être aveugle pour tout ce qui est extérieur — le domaine des sollicitations admises est sévèrement limité — » (F.P., 14 [170], 1889)
Citation
Henri Lesquis
Je m'étonne, quand bien même Millet s'enfermerait dans une posture par coquetterie, qu'un petit fragment du moustachu que je viens de retrouver en fourrageant dans mes paperasses décrive si parfaitement le cas Millet. Voici les symptômes qu'il identifie : états morbides — voyez combien monsieur Millet est hanté par la mort —, extrême acuité — songez au rapport qu'il entretient avec la langue et la musique —, communication par signes — songez à sa gêne lorsqu'il s'exprime à l'oral —, extrême irritabilité — songez au fait qu'il se sente en danger en présence d'autres hommes —, suspension de la volonté, surdité volontaire — songez enfin à son repli volontaire (auto-exclusion et boules Quies).

Le voici :

Citation

« Les mouvements de réaction : l'art. [...]
Ce sont les états d'exception qui conditionnent l'artiste : tous ceux qui sont profondément liés et étroitement confondus avec des phénomènes morbides : de sorte qu'il ne semble pas possible d'être artiste et de n'être pas malade.
Les états physiologiques qui, chez l'artiste, sont cultivés pour ainsi dire en « personnalité », et qui, en soi, à un degré ou à un autre, sont inhérents à l'être humain :
1. L'extrême acuité de certains sens : […] le désir de ne parler qu'à tout ce qui sait communiquer par signes... [...]
2. L'obligation d'imiter : une extrême irritabilité […], une certaine suspension de la volonté […].
Une manière d'être sourd, d'être aveugle pour tout ce qui est extérieur — le domaine des sollicitations admises est sévèrement limité — » (F.P., 14 [170], 1889)

Allez, allez, ne vous retenez plus : c'est l'homme du ressentiment, c'est bien ça?
Un grand merci, Jean-Marc, pour ces vidéos dont on ne lasse pas.
Citation
Brunet Latin
Allez, allez, ne vous retenez plus : c'est l'homme du ressentiment, c'est bien ça?

Je ne me permettrai pas de juger ainsi monsieur Millet. Cette troublante coïncidence m'a frappé, rien de plus.
Florentin,

Nous avons eu une enfance chrétienne, tous deux. Je vais donc reprendre des mots fréquents de ma grand'mère qui étaient "Jean-Marc, fais un sacrifice pour le Petit Jésus".

Je vous convie donc, mercredi en huit, à trois heures de relevée, sur le parvis de la Fédération Nationale d'Achat des Cadres, Allées Franklin-Roosevelt. Nous y déclamerons du Millet et, derrière nous, dans la composition brechtienne de "Tout le Monde il est beau, tout le Monde il est gentil", Henri Lesquis fera tourner une roue de tracteur en scandant "La terre tourne, inexorablement".

Savez-vous que Brecht était un bon vivant, et Hélène Weigel un fin cordon bleu ? qui sait préparer et qui sait aimer Tafelspitz et Kaiserschmarrn ne peut être totalement mauvais.
17 juin 2011, 21:13   Jeanmarquisons
A propos, je rajoute toujours trois clous de girofle. D'ailleurs, Dante cite justement le clou de girofle, dans son Enfer, comme étant un ingrédient réservé à la noblesse siennoise. Et, tenez-vous bien, c'est en 1424 que les Portugais ont mis pied sur l'archipel des Moluques d'où est tiré le giroflier. L'année même où un des fils du célèbre Sa'ad ad-Din s’empara de la capitale éthiopienne.
Monsieur est un connaisseur. Pour vous récompenser :

Panforta de Sienne (gâteau aux épices)


Ingrédients (pour 2 personnes) :

- 100 g d'amandes mondées
- 100 g de noisettes mondées
- 100 g de cerneaux de noix
- 150 g de figues sèches
- 150 g de fruits confits
- 150 g de sucre glace
- 500 g de miel
- 1/2 cuillère à café de cannelle
- 30 clous de girofle
- 1 pincée de coriandre en poudre
- 1 pincée de gingembre
- 1 pincée de noix de muscade
- 1 à 2 cuillère à soupe de farine
- beurre pour le moule

Préparation :

Faire rapidement griller les amandes, noisettes, noix.

Laisser refroidir et hacher gros, mettre dans un saladier. Détailler les figues et les fruits confits en petits dés. Incorporer aux fruits secs, ajouter les épices.

Dans un saladier à fond arrondi, mélanger le sucre et le miel, placer au bain marie en remuant jusqu'à ce que le mélange fonde et arrive à bonne consistance. Laisser refroidir.

Préchauffer le four à 150°C. Amalgamer la solution de miel à la préparation fruits secs, incorporer 1-2 cuillères à soupe de farine.


Chemiser un plat avec un papier sulfurique, garnir de pâte 2cm de haut.

Faire cuire 30 mn.

Saupoudrer d'un mélange de sucre glace et de cannelle.

Consommer immédiatement avant l'acte charnel.
17 juin 2011, 21:29   Re : Jeanmarquisons
Lire "Monsieur Millet" me choque un peu. Je le ressens comme un déni de sa qualité d'écrivain : n'est-il pas d'usage d'appeler ceux-ci par leur nom complet, prénom compris ? D'un autre côté, quand j'étais étudiant — dans un autre millénaire — on m'avait appris à citer les professeurs en les appelant "Monsieur Martin" s'ils étaient vivants et "Aristide Martin" dans le cas contraire. J'ai donc un doute. Quelqu'un saurait-il m'éclairer ?
17 juin 2011, 21:32   Re : Jeanmarquisons
Trente clous de girofle ? Quand je pense que deux suffisent à parfumer un pot-au-feu pour dix personnes...
J'ai l'impression qu'on ne citait pas les prénoms, sauf dans de rares cas. C'était la même chose pour les scientifiques et les grands hommes du passé.

On parle de Corneille, de Mallarmé, de Maupassant, de Gide. On connaît leur prénom, mais on ne le dit pas systématiquement. Pour les grands médecins, idem : Yersin, Velpeau, Charcot, Petiot.

Après, il y a des questions d'euphonie. On dit Marie Besnard, mais on dit Landru.

Il m'a fallu revenir à Toulouse pour apprendre que Vauban se nommait Sébastien et Coriolis Gustave.

Donc, Millet.
Il est vrai que j'ai un peu modifié la recette, mais la fin de mon texte vous en donne la raison...
Vous répondez à côté, Jean-Marc. La question était : Richard Millet (ou Millet tout court, certes, bien sûr) ou bien Monsieur Millet ?
Pour moi, Millet, il n'y en a pas des milliers. Et puis Richard, ça fait Fouquet's, lequel Fouquet fait écureuil, et donc argent, n'est-ce pas Stéphane ?
Citation
Henri Ne-se-mouille-pas
Citation
Brunet Latin
Allez, allez, ne vous retenez plus : c'est l'homme du ressentiment, c'est bien ça?

Je ne me permettrai pas de juger ainsi monsieur Millet. Cette troublante coïncidence m'a frappé, rien de plus.

Brunet Latin, je ne voudrais pas que vous pensiez que ma comparaison fût insidieuse. Elle ne débordait pas les limites d'une simple analyse psychologique. Il me semble que la profonde misanthropie de Millet, son élitisme, son classicisme, son amour des femmes et sa passion pour la musique plaident en sa faveur — selon les "critères d'évaluation" nietzschéens, bien évidemment. Le catholicisme de Millet est somme toute très particulier : purgé de son humanisme doucereux et de son égalitarisme aveugle, on le voit briller de ses attributs cristallins : verticalité, pureté et salut de l'âme.

L'auteur de L'Antéchrist eût probablement reconnu la noblesse d'âme de cet écrivain.
Henri Lesquis,

Mais le catholicisme "purgé de son humanisme doucereux et de son égalitarisme aveugle" c'est le catholicisme.

Je vous assure que certains sermons écoutés dernièrement à la chapelle Notre-Dame-de-la-Délivrande de Fort-de-France sur le poids du péché originel et la nécessité absolue de la grâce n'ont rien à envier aux pages les plus "anti-humaines" de votre moustachu.

Je crois même que l'anti humanisme n'est désormais plus que là.

Là aussi le "Nazaréen" a vaincu.
Ce que dit Brunet me semble fort juste. Notons d'ailleurs qu'il n'y a pas un catholicisme, mais plusieurs façons d'être catholique. On n'est pas obligé d'assister à des messes célébrées par des curés barbus et guitaristes.
Ce Millet ne m'inspire pas outre mesure, cher Jean-Marc, mais pour vous remercier d'avoir mis ces videos très sensibles, voici un petit pastiche que j'ai commis il y a quelques années :

Lettre inédite de Marcel Proust à Céleste Albaret*



J’apprends, ma chère Céleste, que vous avez accepté, la chose est des plus inattendues, de garder la maison de feu Maurice Ravel à Montfort l’Amaury. Quel dommage que vous ne l’eussiez entendu composer son Quatuor, vous auriez pu, avec talent j’en suis sûr, rassembler ses petites notes si délicates et les ranger avec goût. Du moins vous avez la chance de pouvoir vivre avec un mort tandis qu’avec moi c’était le mourant que vous deviez supporter ; ce que vous avez fait jusqu’au bout avec courage. Il faudrait insister auprès des éditeurs pour qu’ils donnent, si cela est possible, à votre nom plus d’éclat.

Vous avez aussi la chance d’entendre parler d’un grand compositeur et ses visiteurs, des musiciens surtout, jouent sans doute sur son piano des œuvres qu’ils aiment à l’endroit même de leur naissance, lui rendant ainsi un perpétuel hommage. Je vous envie, chère Céleste d'habiter ce lieu voué à la musique et plein encore, j’en suis sûr, de notes en suspension dans l’air. Vous ne devriez pas ouvrir les fenêtres trop souvent de peur qu’elles ne s’envolent au dehors. Si quelqu’un vous demande ce que vous aimeriez entendre jouer ou chanter dans ce lieu merveilleux, dites à ces personnes : « Trois beaux oiseaux du Paradis » ; faites cela pour moi.

Maintenant débarrassé d’une vanité devenue inutile je puis avouer sans fausse modestie que mes lecteurs sont nombreux et m’aiment comme je les ai aimés. Aussi je trouve que votre vie, et je vous souhaite de vivre longtemps pour le dire, est singulière au point que vous n’aurez pas servi deux artistes mais la littérature et la musique comme peu d’êtres, aussi dévoués soient-ils, savent le faire et moi qui vous parle de si loin et dont vous entendez la voix dans votre cœur, je vous appelle, si vous me le permettez, ma divine Céleste et vous embrasse infiniment. Votre ami Marcel Proust.

* lettre posthume, slnd.
C'est fort bien trouvé, Florentin. J'aurais juste été capable d'écrire sardoniquement le texte "Le chauffeur de taxi à travers le temps, d'Automédon à Odilon Albaret", par Alfred Agostinelli.
Florentin,


Pour vous remercier, ce texte dans lequel vous verrez que les Albaret avaient aussi des liens... avec Bizet !

[tempas.hautetfort.com]
Ce Millet ne m'inspire pas outre mesure[...]

Cher Florentin, si vous vouliez pourtant passer outre votre légitime réticence et si vous aviez la bonté de m'accorder quelque crédit, je vous conseillerais la lecture de La Gloire des Pythres. Je ne suis pas grand lecteur mais j'ai eu l'impression de découvrir un grand auteur.
Merci, cher Jean-Marc, je l'ai enregistré.

Cher Eric, je ferai un effort.
Citation
Brunet Latin
Henri Lesquis, mais le catholicisme "purgé de son humanisme doucereux et de son égalitarisme aveugle" c'est le catholicisme.

Brunet Latin, permettez-moi de revenir à ce que vous disiez. Il semble suivre de ce que vous écrivez que le catholicisme officiel — représenté par le pape Benoît XVI — n'est pas le catholicisme ; ce qui, visiblement, est une contradictio in adjecto.

(Autrement dit : Le "catholicisme" de Millet est à celui du pape ce que celui d'un croisé était à celui de feu l'abbé Pierre.)

Il faudrait alors parler de christianismes — au pluriel ; et tenter de caractériser celui de Millet. S'agit-il de "celui" de Jésus, de celui de saint Paul, de celui de Pascal, de celui de Luther ou encore de celui qui sous-tend le mouvement de démocratisation propre à la civilisation européenne (commencé à partir du XIXè siècle) — ce dernier s'apparentant au bouddhisme (par sa passivité et son inaction) ?

Je dirais que le christianisme de Millet s'approche de celui de Pascal — recherche de la solitude, force et dureté de l'âme, mépris de soi ratiocineur, croyance en l'indignité humaine, recherche sacrificielle de pureté — enrichi d'une nuance combative sur laquelle il insiste.
Millet, le Pascal de Millevaches... tout est consommé.
mépris de soi ratiocineur

Et bien vous voyez, on avance. A moins qu'il ne s'agisse dans votre esprit du mépris ratiocineur de soi dont serait affligé M. Millet ? Ah amphibologie ! Quand tu nous tiens... comme tu sais bien torturer tous nos espoirs, comme on tord pour l'essorer un mouchoir baigné de larmes...
Francis, qu'entendez-vous par mépris ratiocineur de soi ? Peut-on même écrire cela ? Si ratiocineur porte sur le mépris, il faudrait écrire mépris ratiocinant sur soi, ce qui serait correct, quoique flou ; si ratiocineur porte sur le mépris de soi, il faut écrire ratiocineur mépris de soi ou mépris de soi ratiocineur. Non ?
Mépris ratiocinant sur soi


Comme on dit au Brésil, Que beleza !

Pour les non-lusophones, "Que beleza" est le terme employé quand on entend un enfant dire quelque chose d'extraordinaire comme seuls les enfants savent dire, quand on passe une soirée parfaite, quand le vendeur de noix de coco glacées apparaît sur la plage à l'instant même où on a soif, et quand on comprend quelque chose aux échanges avec Henri !
Mazal tov !
Cher Henri, je ne sais plus de quoi vous parlez, ni même de quoi vous parler: mépris souverain de soi a-t-il encore un sens pour vous ? dans l'affirmative, lorsque ce mépris souverain prend des formes ratiocinantes et qu'il en devient de ce fait "un mépris ratiocineur de soi", l'appliquez-vous à M. Millet ou bien glosez-vous sur l'oeuvre de Millet en y voyant un mépris de soi-même ratiocineur.

Je ne suis pas logicien Henri, seulement un locuteur ordinaire de la langue française, jadis suffisante, qui attend que vous l'éclairiez de toute votre franche clarté sur les épithètes du sens et du mépris.
Cher Francis, je rapprochai le christianisme de Millet à celui de Pascal, dans lequel je perçois quelque dépréciation de la condition humaine — songez au vocabulaire pascalien : dépendance, ennui, inquiétude, besoin, vain divertissement, etc. — ce que j'appelle, puisque Pascal pratiquait l'introspection dans le silence de la solitude, mépris de soi ratiocineur. Je perçois de même chez Millet une misanthropie profonde, une recherche constante de s'amender, de se purifier, par la langue, la pureté de la syntaxe, l'exil intérieur, le sacrifice qu'est toute solitude... Bref, ces deux-là méprisent l'homme — et partant se méprisent — et l'expriment en ratiocinant. (Je n'ai pas dit que le mépris de soi fût un défaut.)

Mépris souverain de soi me choque moins — bien que je lui préfère souverain mépris de soi — que mépris ratiocineur de soi, parce que l'on peut ratiociner sur quelque chose, à propos de quelque chose, alors que l'on ne peut pas "souverainiser" sur quelque chose ou à propos de quelque chose. C'est pourquoi mépris ratiocineur de soi me semble un quasi solécisme. Mais je ne saurai le prouver tout à fait.
Henri,

Vous faites fausse route : Pascal ne méprisait pas l'homme, il se méprisait lui-même.

Il comprenait le charbonnier, moins le philosophe et le savant.

DIEU d'Abraham, DIEU d'Isaac, DIEU de Jacob
Non des philosophes et des savants.



Par ailleurs, habiter Ussel et écrire à propos de Manosque ne signifie pas qu'on soit l'auteur des Provinciales.
Jean-Marc, que Pascal se méprisât, je l'ai écrit. Qu'il méprisât les hommes, en voici la preuve :

« Les hommes s'occupent à suivre une balle et un lièvre : c'est le plaisir même des rois. » (Pensées, 36)

Et ne me dites pas, cher Jean-Marc, que Pascal prenait plaisir à voir un homme poursuivre un lièvre comme le font les bêtes — puisque, cela faisant de lui une bête, il se rabaissait, les bêtes étant pour Pascal inférieures (en valeur) aux hommes :

« Bassesse de l'homme jusqu'à se soumettre aux bêtes, jusqu'à les adorer. » (Pensées, 49)

Pascal eût préféré voir l'homme courir après Dieu...
Ce n'est pas du mépris, c'est la condition humaine. Je ne sais si vous avez de la religion, mais mépriser les hommes en général et être chrétien me semblent choses incompatibles. Je crois savoir que Dieu a fait l'homme à son image.
Railler ainsi la condition humaine me paraît méprisant.

Citation
Jean-Marc
Par ailleurs, habiter Ussel et écrire à propos de Manosque ne signifie pas qu'on soit l'auteur des Provinciales.

Je n'ai jamais dit que Millet fût aussi grand que Pascal ; je comparai leur christianisme, leur retrait, leur recherche de pureté. Le génie de Pascal me semble difficilement atteignable.
Ce n'est pas méprisant, ce qu'écrit Pascal est vrai. Nous passons notre temps à perdre notre vie.

Je dirai pour le reste que Millet a "le christianisme méchant".
La description d'une condition, pour être neutre, se passerait bien d'être qualifiée de basse. Penser qu'une majorité d'hommes font preuve de bassesse dans leurs actions naturelles trahit une forme de mépris, de misanthropie.
Cher Henri, ratiociner est intransitif, ce qui permet de le construire avec "sur", en effet, comme "à propos de", ou sans complément, comme "bouder", ou "quereller" (un enfant boudeur, ou un enfant boudeur envers ses compagnons, ou boudeur sur son petit déjeuner, ou boudant sur son petit déjeuner ou boudant son petit déjeuner; un compagnon de voyage querelleur, ou querelleur envers moi seulement, ou plus spécialement sur la question de l'unité européenne, etc..). Le français est cette langue encore assez libre si on le veut bien, et qui dans cette liberté même trouve la palette de son expressivité ("bouder" quelque chose ou bouder pour rien, etc.).

Je ne sais pas à propos de Pascal. Voilà un auteur très complexe, apparent contempteur de l'existence humaine et de ses dépendances, de ses divertissements qui la retiennent dans l'existence, mais aussi un auteur qui soude cette existence au divin. Pascal était un authentique métaphysicien. Son christianisme était tout entier quête métaphysique. Mais dites-moi, en quoi faut-il distinguer son christianisme de ceux qui sont moins métaphysiciens que lui ? Le catholicisme est porteur d'une redoutable dimension métaphysique, dès son lancement. L'acceptation du divin ne se fait pas sans l'adhésion à un principe qui vaut antidote à l'orgueil, principe qui élève l'âme dans une dimension qu'elle n'atteindrait pas, qu'elle n'atteindrait jamais sans ce dépouillement, ce mépris miséricordieux pour la chose humaine et finie. La soudure au divin, ce curieux décollement de l'existence mondaine que semblait pratiquer Pascal, était bien ordinairement chrétien, bien universellement humble et fraternel. Je connais trop mal l'oeuvre de Richard Millet pour m'aventurer plus loin à vous contester cette comparaison avec Pascal, cependant, je vous invite à mesurer qu'il est toujours hasardeux de scinder le christianisme chez ceux qui s'en réclament aujourd'hui de manière générique comme cet auteur.
Il me semble qu'il faut distinguer chez Pascal le constat qu'il fait de la condition humaine, qui ne saurait être en soi méprisable ou même "dépréciée", puisqu'elle est fatale et indépassable, et sa critique des façons particulières qu'ont les hommes de s'en accommoder, les voies d'évitement qu’ils ont adoptées, leur "nonchalence du salut", leur ruée vers le divertissement analgésique et abrutissant, où là peut s'exprimer une forme de mépris, de raillerie certainement.
Il paraît du reste assez peu probable qu'une telle intelligence, affûtée à l’extrême par l'acuité d'un esprit et d'un style peu communs, ne soit pas, naturellement presque, hautaine et blessante, parce que physiquement si coupante.

Au reste, la ratiocination est chez Pascal l'une des voies vers le salut...
(La "vrai" création de Pascal est à découvrir dans Les Provinciales.)
Citation
Henri Lesquis
[
Je dirais que le christianisme de Millet s'approche de celui de Pascal — recherche de la solitude, force et dureté de l'âme, mépris de soi ratiocineur, croyance en l'indignité humaine, recherche sacrificielle de pureté — enrichi d'une nuance combative sur laquelle il insiste.

Oui tout ça et les mystères du dogme catholique.
Citation
Jean-Marc
Mépris ratiocinant sur soi


Comme on dit au Brésil, Que beleza !

Pour les non-lusophones, "Que beleza" est le terme employé quand on entend un enfant dire quelque chose d'extraordinaire comme seuls les enfants savent dire, quand on passe une soirée parfaite, quand le vendeur de noix de coco glacées apparaît sur la plage à l'instant même où on a soif, et quand on comprend quelque chose aux échanges avec Henri !

"Ta" comme on dit aussi là-bas.
"La nature de l'homme se considère en deux manières, l'une selon la fin, et alors il est grand et incomparable; l'autre selon la multitude, comme on juge de la nature du cheval et du chien par la multitude, d'y voir la course et animum arcendi, et alors l'homme est abject et vil" (Pensées, Lafuma 127).
"Ce n'est pas du mépris, c'est la condition humaine."


Oui.

Et, deuxièmement, comment prêter du mépris vis-à-vis des hommes à quelqu'un qui a pris la peine d'écrire ce qu'il a écrit pour être lu par eux ? Aucune parole ne saurait durer si elle a pour ingrédient le mépris. Composer Les pensées, c'est rendre hommage à l'homme, plus encore, peut-être, qu'à Dieu.
Citation
Orimont Bolacre
"Ce n'est pas du mépris, c'est la condition humaine."


Oui.

Et, deuxièmement, comment prêter du mépris vis-à-vis des hommes à quelqu'un qui a pris la peine d'écrire ce qu'il a écrit pour être lu par eux ? Aucune parole ne saurait durer si elle a pour ingrédient le mépris. Composer Les pensées, c'est rendre hommage à l'homme, plus encore, peut-être, qu'à Dieu.

Oui c'est un bel hommage à l'homme car les Pensées devaient former un ouvrage écrit pour le tourner vers Dieu ; c'est donc avec Bérulle considérer l'homme comme un néant capable de Dieu.
Citation
Orimont Bolacre
Et, deuxièmement, comment prêter du mépris vis-à-vis des hommes à quelqu'un qui a pris la peine d'écrire ce qu'il a écrit pour être lu par eux ? Aucune parole ne saurait durer si elle a pour ingrédient le mépris. Composer Les pensées, c'est rendre hommage à l'homme, plus encore, peut-être, qu'à Dieu.

Dans la mesure où Pascal méprisait la bête en l'homme tandis qu'il y admirait la pensée, un homme qui ne pense pas devait être, en toute logique, indigne à ses yeux et partant méprisable. « Toute notre dignité consiste donc en la pensée. » (Pensées, extrait du fragment 186) Or, étant donné que la pensée de la plupart des hommes est bien mince en comparaison de leur bestialité, Pascal devait mépriser la plupart des hommes.

Ensuite, lorsque l'existence de Dieu ainsi que sa grandeur nous sont évidentes, lorsque sa magnificence et sa perfection nous sont manifestes, une certaine forme de mépris pour les choses qui ne peuvent l'égaler, étrangère à la haine ou au ressentiment, naît d'une indifférence toute naturelle, d'une altière froideur — lorsque l'on se situe au dessus de ce que l'on surpasse, afin de ne pas s'y perdre —, attitude moralement plus haute que le trivial dédain, puisqu'elle naît d'une plénitude qui se nourrit d'elle-même et de son expérience.

« Celui qui a vécu jusqu'au bout l'orgueil de la solitude n'a plus qu'un rival : Dieu. » Cioran, Des larmes et des saints

Enfin, il se pourrait que les grands écrivains et penseurs n'écrivent pas pour être lus des hommes mais pour être lus des autres grands hommes, donc des plus rares — la culture est somme toute une affaire de famille... La reconnaissance des êtres que nous croyons dépasser nous est généralement indifférente lorsque nous cherchons à nous dépasser nous-même.
L'homme n'est vil que par rapport à ses propres critères. Ainsi, le mépriser — le mépriser collectivement, en tant qu'espèce — n'a pas grand sens : l'homme est cet être qui se fixe une morale, des buts, des idéaux, qu'il est globalement incapable d'atteindre mais qui l'invitent à se dépasser. Il arrive qu'il se laisse glisser dans l'indifférence à l'égard de ces idéaux pour se vautrer dans lui-même, comme en Occident ces temps-ci ; ce qui mérite alors le mépris, c'est l'humanité occidentale contemporaine, pas l'homme en général.
(Ante-scriptum : veuillez m'excuser de m'immiscer ainsi dans votre conversation, mais elle m'intéresse trop pour que je ne donne pas mon sentiment sur ce qui me semble, sur ce point, la pensée de Pascal).

L'homme est grand s'il pense, et si, pensant, il comprend la grandeur incomparable du "vrai christianisme" de Pascal. L'homme du divertissement, l'homme "selon la multitude", n'est méprisable que par ses actes, mais il est inévitable que la plupart des hommes s'y livrent... (Il en va ainsi, en fait, comme de ce que vous disiez, Orimont Bolacre, sur la technique, que vous compariez à la drogue. Ainsi d'internet, qui, par exemple, entre les mains de Renaud Camus se révèle un outil si précieux qu'il dit ne plus pouvoir sans passer un seul jour dans Parti pris, et qui entre tant d'autres, dont je le crains les miennes, est principalement un outil de divertissement, d’abêtissement et d'avilissement) La condition humaine est reprise à deux niveaux forts différent, l' "instinct secret" de l'homme se décline selon deux modalités antithétiques en lesquels c'est toujours "la chasse, non la prise" qui rythme l'existence. C'est cette condition-là qui est indépassable, et donc nullement méprisable. Mais là où l'homme du divertissement ne sait pas ce qu'il chasse, et ne saurait s'en contenter sitôt qu'on lui en donne la jouissance, le chrétien authentique sait qu'il "chasse" Dieu, qu'il ne saurait jamais prendre (Augustin dit de Dieu : "Il est caché, de manière à ce que nous le cherchions pour le trouver ; mais Il est infini, de manière à ce que nous le cherchions même quand nous l’avons trouvé").

L'homme est toujours assez grand pour que Pascal ne le méprise pas : il peut chercher en gémissant.

J'aurais dû donner en entier la pensée que je retranscrivais :
"La nature de l'homme se considère en deux manières, l'une selon la fin, et alors il est grand et incomparable; l'autre selon la multitude, comme on juge de la nature du cheval et du chien par la multitude, d'y voir la course et animum arcendi, et alors l'homme est abject et vil. Et voilà les deux voies qui en font juger diversement et qui font tant disputer les philosophes.
Car l’un nie la supposition de l’autre. L’un dit : il n’est point né à cette fin, car toutes ses actions y répugnent, l’autre dit : il s’éloigne de la fin quand il fait ces basses actions".

Vous jugez diversement, dirait Pascal, pour cette raison. Dire de l'homme qu'il est méprisable ou estimable, et non les deux à la fois, ne prendre en compte que le "grand principe de grandeur" ou le "grand principe de misère" en l'homme, c'est ne pas se souvenir de la vérité opposée.

Cher Orimont Bolacre, ne pourrait-on pas dire que les Pensées sont l'hommage de Pascal à ce que peut l'homme ? (A ce qu'il peut moyennant la grâce pourtant, Dieu que tout cela est compliqué !) (Je pense, oserais-je le rapporter en ces lieux ?, à un passage d'Alain Badiou où il dit aimer la France, c'est-à-dire "aimer ce dont, parfois, elle est capable" - ce qui me fait penser à un autre fil où vous discutiez de la fameuse phrase attribué à de Gaulle, selon laquelle les français seraient des veaux : il ne tient qu'à eux de ne pas l'être !)

Cher Marcel Meyer, je ne suis pas sûr de la position de Pascal quant à ce que vous dites de l'homme "cet être qui se fixe une morale, des buts, des idéaux, qu'il est globalement incapable d'atteindre mais qui l'invitent à se dépasser". Il me semble que c'est selon les critères de Dieu que l'homme est vil. Car je crois que Pascal prône en la matière la plus rigoureuse hétéronomie. Je veux dire que la réponse se trouve chez Pascal - ce que j'en pense n'a évidemment aucun intérêt - dans ce qu'il dit de Montaigne et d'Epictète. Ceux-là se fixent bien "une morale, des buts, des idéaux". Pascal en condamne bien la paresse ou la superbe, mais les méprise-t-il ? Mais peut-être ne parliez-vous plus de Pascal, pardonnez-moi si je vous ai mal compris.

Il me semble que tout le reste tourne autour de ce qu'on entend par "mépris". La onzième lettre des Provinciales donne, ce me semble, une bonne idée de ce qu'il faut, selon Pascal, penser du pécheur, digne de risée, du rire de Dieu, du rire de J.-C., du rire de Jérémie, etc. Est-ce du mépris ? N'est-ce pas plutôt de la pitié ? Je ne sais.

(Post-scriptum : veuillez excuser les fautes de l'auteur ou l'inélégance de sa langue, et le ton peut-être un peu cavalier qu'il prend parfois, que seul justifie son souci d'aller un tant soi peu vers ce qui lui semble l'essentiel (ce pourquoi il a recours à ces étranges ante- et post-scriptum), en quoi il a peut-être bien tort d'éviter certains détours).
(Message supprimé à la demande de son auteur)
"La Citationite, stéatose des fora" Mémoire de master de sociologie, Zoltan-Edwy Patouillard-Cramouzailles, université de Brioude, 2008.
"Il existe deux types de vérités, les grandes et les petites. On reconnaît les grandes vérités à ce que leur contraire est aussi une vérité". (cité de mémoire - l'original est mieux formulé - mais impossible de me rappeler qui a dit cela, je l'avais déniché dans un compendium pseudo-ésotérique qui contenait quelques perles...)
("Et d'ordinaire il arrive que ne pouvant concevoir le rapport de deux vérités opposées, et croyant que l'aveu de l'une enferme l'exclusion de l'autre, ils s'attachent à l'une, et ils excluent l'autre", Pascal).
Citation
Jean-Marc
"La Citationite, stéatose des fora" Mémoire de master de sociologie, Zoltan-Edwy Patouillard-Cramouzailles, université de Brioude, 2008.

« La soimêmopathie ou déculturite aigüe, forme précoce de la maladie d'Alzheimer », Mémoire de master de socio-neurophysiologie, Sviatolslav Kamusedski, Université de Moscou, 2002.

Citation
Jean
Il me semble que tout le reste tourne autour de ce qu'on entend par "mépris". La onzième lettre des Provinciales donne, ce me semble, une bonne idée de ce qu'il faut, selon Pascal, penser du pécheur, digne de risée, du rire de Dieu, du rire de J.-C., du rire de Jérémie, etc. Est-ce du mépris ? N'est-ce pas plutôt de la pitié ? Je ne sais.

Jean, merci de ces précisions. Concernant vos deux dernières questions, je me souviens de ce qu'écrivit Baudelaire sur le rire... tout en me retenant de le citer, le traitement de ma citationite me l'interdisant absolument.
Henri,


Vous connaissez sans doute le fameux bas-relief "Où ai-je mis mes clés ?", d'Aloïs Zaroditch, qui fut le professeur de Kamusedski :


[upload.wikimedia.org]
(moult smileys)
Jean,

Je crois que cela se nomme en fait la charité; Dans la onzième provinciale, Pascal nous parle plutôt des vaniteux que des pêcheurs en général, et plutôt de l'ironie adressée directement à la personne que du rire, si je puis dire, dans son dos. Il s'agit donc de mettre l'égaré dans le droit chemin, de le faire entrer en lui-même, et non de le ridiculiser sans autre but que la méchanceté.

Cette provinciale vise directement les casuistes, de même que la neuvième les vise à propos de la restriction mentale. Je ne sais s'il faut généraliser.
Henri, êtes-vous certain que ce n'était pas à moi que s'adressait ce diagnostic ? A moins que nous ne soyons tous deux affectés de ce mal...
Merci pour votre allusion à Baudelaire, grâce à laquelle j'ai retrouvé la source (ou du moins un texte que je ne connaissais pas, ayant très peu lu ce Baudelaire-là) qui me paraît admirable relativement à ce passionnant sujet.
Jean-Marc,

je pense que vous avez raison, mais Pascal - qui semble pris à ce moment du terrible mal évoqué - donne de nombreuses citations dont la portée paraît beaucoup plus large. Tant pis, vous me valez une rechute : "A votre mort je rirai et je me moquerai" (Proverbes, I, 26). De la même façon Thomas d'Aquin (dans un passage que rapporte Nietzsche, dans la Généalogie de la morale, I, 15) : Beati in regno coelesti videbunt poenas damnatorum, ut beatitudo illis magis complaceat. Il ne saurait, dans ce cas, être question de remettre les pécheurs sur le droit chemin. Je ne sais si l'on peut trancher, s'agissant de Pascal, sur cette matière.
Citation
Jean
Henri, êtes-vous certain que ce n'était pas à moi que s'adressait ce diagnostic ? A moins que nous ne soyons tous deux affectés de ce mal...

Jean, dans un autre fil — Indulgence et Cinémonde —, Didier Bourjon m'écrivit : « P.S. : Henri, vous avez droit à un gage : dix interventions de suite sans la moindre citation, que du perso... »

Voyez-vous, je suis atteint de ce même mal...
Henri, Didier Bourjon vous faisait alors tout de même un sacré compliment : j'aimerais bien qu'on me dise préférer me lire à lire Pascal (enfin, Nietzsche dans votre cas) !
Cela dit (c'est foutu pour moi) :
"M. Pascal disait de ces auteurs qui, parlant de leurs ouvrages, disent : " Mon livre, mon commentaire, mon histoire, etc. ", qu'ils sentent leur bourgeois qui ont pignon sur rue, et toujours un chez moi à la bouche. Ils feraient mieux, ajoutait cet excellent homme, de dire : "Notre livre, notre commentaire, notre histoire, etc.", vu que d'ordinaire il y a plus en cela du bien d'autrui que du leur"
Ne pensant jamais par moi-même, étant délivré de ce "prurit", mais toujours par d'autres, qui pensent mieux, je ne vois pas comment m'abstenir de citer...
Certes, Jean, mais il conviendrait de rapprocher le 1-26 du 1-25, et ce rapprochement montre qu'il est ri de ceux qui rejettent les conseils et n'aiment pas les réprimandes.
Certes, Jean-Marc, mais Pascal n'opère pas ce rapprochement, se contentant d'écrire : in interitu vestro ridebo et subsannabo, et je m'occupais alors de la pensée de Pascal, non de celle de l'auteur des Proverbes.

D'ailleurs, j'aurais dû mieux relire le contexte - je me contentais de lire la traduction en bas de page. Voilà ce qu'écrit Pascal :
"Car ne voyons-nous pas que Dieu hait et méprise les pécheurs tout ensemble, jusques-là même qu'à l'heure de leur mort, qui est le temps ou leur état est le plus déplorable et le plus triste, la sagesse divine joindra la moquerie et la risée à la vengeance, et à la fureur qui les condamnera à des supplices éternels : in interitu verstro ridebo et subsannado.

La moquerie étant jointe "à des supplices éternels", je vais me dédire : Pascal est on ne peut plus tranché sur ce point. Je vous avoue qu'une telle idée est pour moi très mystérieuse, ce pourquoi j'hésitais, tant elle me semble incompatible avec ce que je crois comprendre du christianisme...
La stéatose de l’organe hépatique chez le ptérosaure de Pologne, mais aussi chez son cousin le pélican des Açores, s’accompagne chez le sujet atteint de signes et de manifestations neurologiques qui renseignent sur le métabolisme hépatique des métaux lourds, lesquels, dans les cas qui nous intéressent, ne pouvant être filtrés par l’organe malade et engorgé, gagnent le flux sanguin pour atteindre l’encéphale de l’animal que l’on voit alors errer sans but, absorbé dans ses pensées dont la nature ne trompe pas l’éthologue averti qui saura les conjecturer aisément : où j’ai garé la bagnole ? Qu’ai-je fait des enfants ? etc.. C’est ainsi que la maladie dite d’Alzheimer, dans certaines de ses formes précoces, aux symptômes encore réversibles chez le sujet conscient, accepte pour cause l’engorgement hépatique, syndrome inducteur d’une intoxication sanguine par les métaux lourds, laquelle se traduit par des formes de démences dont la typologie et connue pour avoir été abondamment décrite dans la littérature (Pommier, Doucereux, Vertiglas et al.)…

Extrait de La stéatose hépatique précoce chez le ptérosaure de Pologne – étiologie, pronostique, prophylaxie et traitements palliatifs – Mémoire de fin d’internat de Mathurin Mnémonomis-Paradousos, sous la direction du Dr Petiot. Ed. La Pélicane, 1922.
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