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Qui est John Galt ?

Envoyé par Daniel Apfelbaum 
08 août 2011, 18:32   Qui est John Galt ?
54 ans après sa parution aux Etats-Unis, le chef d'œuvre d'Ayn Rand est enfin publié en français :
Atlas Shrugged en librairie en France le 22 septembre

(Une traduction non officielle de Monique di Pieirro circule déjà en format électronique depuis environ un an, mais lire un millier de pages sur un écran peut en décourager plus d'un.)
Utilisateur anonyme
08 août 2011, 19:23   Re : Qui est John Galt ?
J'ai appris l'anglais ( bien maladroitement ) pour lire ce livre. Ayn Rand changed my life. C'est au tour aujourd'hui de Renaud Camus de m'influencer.
Utilisateur anonyme
08 août 2011, 20:29   Re : Qui est John Galt ?
On peut aussi lire La vertu d'égoïsme en français.

Et bientôt : [www.youtube.com]
10 août 2011, 03:29   Re : Qui est John Galt ?
Si l’on en juge par la traduction du titre, la traduction du roman est promise au même sort que les précédentes. « Le Retrait d’Atlas », « Atlas libéré », « Et Atlas secoua les épaules », etc… on n’avait que l’embarras du choix. Traduire « Atlas Shrugged » par « La Grève » révèle un parti pris de vulgarisation-transposition et de gommage des références culturelles qui augure mal de la suite. Pauvre Ayn Rand, encore victime de traducteurs de titres de film de cinéma qui se triturent le citron pour nous traduire « the day after » par « le jour d’après »
10 août 2011, 07:23   Re : Qui est John Galt ?
Vous y allez un peu fort, cher Francis.
Je suis d'accord que "La Grève" ne rend pas justice au titre original mais c'est l'éternel dilemme du traducteur. L'idéal serait de laisser le titre en version originale, mais cela suppose que suffisamment de personnes connaissent le sens de "shrugged".
Et quand bien même, il faut de toute façon traduire l'expression lorsqu'elle apparaît plus tard dans le livre.
Je pense que le meilleur compromis est celui de Monique di Pieirro : "La révolte d'Atlas". Il conserve la référence mythologique sans être déroutant comme "Atlas haussa les épaules".
Enfin pour l'anecdote, "The Strike" était le titre qu'Ayn Rand herself avait initialement choisi avant que son éditeur ne lui conseille un titre qui serait plus subtil et ne dévoilerait pas autant l'intrigue...
10 août 2011, 08:06   Re : Qui est John Galt ?
Pas d'accord cher Whitna, et ce n'est pas moi qui y vais "un peu fort" mais bien les gens qui traduisent "Atlas Shrugged" par "La Grève". Ensuite "l'éternel dilemme du traducteur" est qu'une vue de l'esprit, fort brouillée si vous voulez mon avis. On traduit ou l'on ne traduit pas. Si l'éditeur, d'un commun accord avec Mme Ryand, a choisi d'écarter "The Strike", c'est bien qu'il y avait là une raison, non ? Et dans ce cas, user d'un terme qui avait été résolument, et de manière raisonnée, écarté par l'auteur, n'est-ce pas commettre l'irréparable en traduction: une flagrante trahison des choix et intentions de l'auteur ?

"Atlas haussa les épaules" serait un contre-sens de plus car précisément, s'il hausse les épaules, il fait son boulot, n'est-ce pas ?

Il faut traduire l'idée ET les mots. C'est difficile, délicat, mais pas sur-humain, et ce n'est pas plus un dilemme que n'importe quelle action humaine requérant un certain exercice et un minimum de concentration: conduire un trente tonnes, façonner un manche de pioche ou descendre à ski une piste rouge.
10 août 2011, 09:19   Re : Qui est John Galt ?
Mais nous disons exactement la même chose, cher Francis. Ce que j'entendais par "l'éternel dilemme du traducteur" est bien le nécessaire compromis entre la traduction de l'idée et des mots.
Pour ce qui est de "The Strike", je ne faisais que raconter l'anecdote qui explique (probablement) l'origine du titre retenu. Ca ne signifie pas que j'endosse ce choix (je préfère "La révolte d'Atlas"), même si je n'irais pas jusqu'à parler d'"une flagrante trahison des choix et intentions de l'auteur".
10 août 2011, 10:16   Re : Qui est John Galt ?
Il est un peu surprenant qu'Ayn Rand se revendique d'Aristote...
Utilisateur anonyme
22 octobre 2011, 16:29   Re : Qui est John Galt ?
Petite précision : la traduction officielle, sortie le 22 septembre 2011 aux Belles Lettres est de madame Sophie Bastide-Foltz.

[www.lesbelleslettres.com]
Utilisateur anonyme
22 octobre 2011, 16:30   Re : Qui est John Galt ?
à Francis Marche : sachez que Ayn Rand voulait intituler son livre "the strike" et non "Atlas Shrugged".
Le titre français "la grève" n'est donc pas réducteur, comme vous semblez le dire.
22 octobre 2011, 18:25   Re : Qui est John Galt ?
Mais enfin Irina vous avez lu mon message ou non ? sachez que pour ma part j'ai bien lu ceux qui le précédaient.

L'auteur s'est bien rangée à la suggestion de son éditeur pour écarter "The Strike". Elle avait eu cette idée, puis s'est ravisée pour adopter un autre titre en accord avec l'éditeur du texte original. Dès lors, le traducteur français va à l'encontre de cette décision commune de l'auteur et de l'éditeur en reprenant une idée de titre qui avait été écartée. Voilà ce que je dénonçais. En France, les "grèves", qui s'accompagnent d'un préavis, qui font partie d'une lutte assortie d'objectifs, qui sont un processus intégré à un mode de gouvernance chez les partenaires sociaux, sont un terme qui parle au public de tout autre chose que le propos du livre; voilà en sous-jacence le décalage de sens que je dénonçais aussi dans ce choix de traduction.
22 octobre 2011, 18:26   Re : Qui est John Galt ?
Oui, mais si elle a finalement choisi l'autre titre, suggéré par son mari, c'est parce qu'elle le trouvait meilleur et j'en suis bien d'accord.

Grâce à ce fil j'ai découvert Ayn Rand et lu ses trois romans avec beaucoup d'intérêt : We, the living, The Fountainhead et Atlas shrugged. Le deuxième, excellent lui aussi, est disponible en français sous le titre La source vive mais je ne sais ce que vaut la traduction.
Utilisateur anonyme
22 octobre 2011, 19:32   Re : Qui est John Galt ?
Il est jubilatoire de lire des échanges autour d'Ayn Rand sur ce forum. Le roman La Source Vive ( The Fountainhead ) est relativement bien traduit. Je crois me souvenir d'une ambiguïté relevé dans la version française autour du terme de " libéral ", signifiant gauchiste aux Etats-Unis et l'inverse dans notre chère Europe. Un film réalisé par King Vidor en a été tiré, Ayn Rand écrivit le scénario. Gary Cooper y a le rôle principal. ( Pour découvrir ce film )
Le discours final de Gary Cooper est le plus speech le plus long de l'histoire de cinéma, semble t-il. Ayn Rand s'est battue héroïquement pour conserver sa longueur initiale malgré les critiques du producteur et même de Gary Cooper :




Si votre maîtrise de l'anglaise est bonne...

A noter que Nous les vivants est sans doute le premier ouvrage dénonçant les effets pervers du communisme : paru en 1936 soit seulement seize ans après la révolution prolétaire. Tout y est dit. C'est l'Italie fasciste qui en produira la version cinématographique en 1942. Puis Mussolini en interdira la diffusion comprenant bien ce que le film dénonce, plus que le communisme en particulier, c'est le collectivisme en général. Petit digression : Friedrich von Hayek dans La route de la servitude, avait lui aussi, à la même époque mis dans le même panier nazisme, socialisme et fascisme.

Le titre de roman Atlas Shrugged me semble sublimement trouvé. Atlas ( symbolisant les créateurs de tous ordres, ingénieurs, chefs d'entreprise, artistes... ) shruggant, déstabilisant la masse des foules qu'il supporte...
22 octobre 2011, 19:51   Re : Qui est John Galt ?
On appréciera la façon dont Marc Riglet, dans L'Express, règle son compte à Ayn Rand :

"Littérairement nulle, philosophiquement navrante, politiquement détestable, on s'explique plus facilement l'ignorance dans laquelle, sous nos latitudes, l'oeuvre d'Ayn Rand est tenue."

Et si le manque d'intérêt pour les livres d'Ayn Rand en France était avant tout dû à une allergie — bien répandue chez les universitaires Français — au libéralisme et, plus largement, aux penseurs non conformistes ? On continue à préférer Pierre Bourdieu à Raymond Boudon, Jacques Ellul est presque davantage étudié aux Etats-Unis que chez nous, etc.
22 octobre 2011, 21:16   Re : Qui est John Galt ?
Ayn Rand était elle-même un peu shrugged ici même naguère...
23 octobre 2011, 07:31   Re : Qui est John Galt ?
Ah oui en effet. Elle est même passablement shaken, Mme Any Rant. Il faut dire que c'était en novembre 2010, quand nous étions encore jeunes et fous.
23 octobre 2011, 10:26   Re : Qui est John Galt ?
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Boursier quant à la traduction de La Source vive (roman qui, par ailleurs, ne m'a pas paru se situer à la hauteur des enthousiasmes qu'il suscite), que j'ai trouvée au contraire assez empruntée, voire ridicule à certains endroits – tout en précisant que mon monoglottisme irrécupérable me rend incapable de la comparer à l'original. Mais enfin – exemple entre cent –, traduire building par… building, lorsque l'auteur parle visiblement d'un petit immeuble de trois ou quatre étages me paraît frôler le contresens. De même que transposer tel quel le mot interview lorsque le contexte est rien moins que journalistique est très maladroit.
23 octobre 2011, 12:41   Re : Qui est John Galt ?
J’avoue que je n’ai jamais été capable de lire plus de deux pages d’Ayn Rand. Même en tenant compte du fait que son modèle est la littérature des pulp magazines, il me semble qu’on est en deçà de l’amateurisme.
24 octobre 2011, 04:46   Re : Qui est John Galt ?
Citation
Félix
On appréciera la façon dont Marc Riglet, dans L'Express, règle son compte à Ayn Rand :

"Littérairement nulle, philosophiquement navrante, politiquement détestable, on s'explique plus facilement l'ignorance dans laquelle, sous nos latitudes, l'oeuvre d'Ayn Rand est tenue."

Et si le manque d'intérêt pour les livres d'Ayn Rand en France était avant tout dû à une allergie — bien répandue chez les universitaires Français — au libéralisme et, plus largement, aux penseurs non conformistes ? On continue à préférer Pierre Bourdieu à Raymond Boudon, Jacques Ellul est presque davantage étudié aux Etats-Unis que chez nous, etc.

Mes faibles compétences en économie et en même en philosophie ne m'autorisent pas porter un jugement en ces domaines ; en revanche je confirme, pour l'avoir lue, que l'anglais d'Ayn Rand est bien très en deçà de la littérature.
24 octobre 2011, 15:21   Re : Qui est John Galt ?
La critique de l'Express ne n'étonne pas. Celle des derniers intervenants un peu plus.
"en deçà de l’amateurisme", "en deçà de la littérature"... vous ne la ménagez pas, la mégère ! Faut-il être membre de son culte pour lui trouver du talent ? J'ai souvent l'impression qu'on lui fait payer la radicalité de son message dans la critique de son style.
Quoi qu'il en soit, l'effrayante acuité de son analyse - interventionnisme de l'Etat qui entraine une détérioration de l'économie, qui appelle plus d'interventionnisme, etc - se vérifie chaque jour un peu plus. Savez-vous par exemple quel est le nom de cette taxe plébiscitée par l'opinion européenne qui prévoit de prélever un pourcentage sur les transactions financières ? Réponse : La taxe Robin des Bois. Ceux qui se souviennent d'un passage mémorable d'Atlas Shrugged apprécieront l'ironie de l'histoire...
24 octobre 2011, 17:18   Re : Qui est John Galt ?
«Il leva la main et, dans l'air, au-dessus d'une terre dévastée, il traça le signe du dollar.»

Il paraît qu'il s'agit là de la dernière phrase du roman. C'est suffisant pour me convaincre de ne pas le lire.
24 octobre 2011, 17:54   Re : Qui est John Galt ?
Bah, ça vaut bien "A nous deux, maintenant !"
(Je suis ironique, cher Didier)
Utilisateur anonyme
24 octobre 2011, 18:07   Re : Qui est John Galt ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
24 octobre 2011, 20:54   Re : Qui est John Galt ?
Citation
Whitna
La critique de l'Express ne n'étonne pas. Celle des derniers intervenants un peu plus.
"en deçà de l’amateurisme", "en deçà de la littérature"... vous ne la ménagez pas, la mégère ! Faut-il être membre de son culte pour lui trouver du talent ? J'ai souvent l'impression qu'on lui fait payer la radicalité de son message dans la critique de son style.
Quoi qu'il en soit, l'effrayante acuité de son analyse - interventionnisme de l'Etat qui entraine une détérioration de l'économie, qui appelle plus d'interventionnisme, etc - se vérifie chaque jour un peu plus. Savez-vous par exemple quel est le nom de cette taxe plébiscitée par l'opinion européenne qui prévoit de prélever un pourcentage sur les transactions financières ? Réponse : La taxe Robin des Bois. Ceux qui se souviennent d'un passage mémorable d'Atlas Shrugged apprécieront l'ironie de l'histoire...


On pourrait également prendre en considération, pour une appréciation un peu objective de l'acuité de l’effrayante analyse randienne, d'autres éléments : Alan shrugged
25 octobre 2011, 06:40   Re : Qui est John Galt ?
Ayn Rand en écrivant un roman s'est aussi placée dans le domaine littéraire et c'est donc en termes littéraires qu'on peut aussi en juger. Ce roman est d'une grande stimulation intellectuelle et développe des analyses percutantes, je n'en disconviens pas ; mais je maintiens qu'il est, littérairement, selon moi très médiocre.
25 octobre 2011, 09:15   Re : Qui est John Galt ?
Citation
Alain Eytan
On pourrait également prendre en considération, pour une appréciation un peu objective de l'acuité de l’effrayante analyse randienne, d'autres éléments : Alan shrugged

Cher Alain, je ne suis pas sûr que l'article que vous citiez soit précisement un modèle d'objectivité. La crise de 2008 était le fait de nombreux acteurs. Envoyer l'héritage de la harpie down the drain sous-pretexte que son disciple (l'était-il vraiment dans la pratique ?) a fait son mea culpa, lui, me semble être un raccourci très commode.
C'est oublier que des Américains ont souscrit à des crédits immobiliers qu'ils n'avaient clairement pas les moyens de rembourser. C'est oublier que si des banques leur ont accordé ces crédits, contrairement à ce que préconisaient tous leurs modèles d'investissement, c'est en raison de pressions d'un certain nombre d'associations non-gouvernementales (Acorn), car quoi de plus scandaleux qu'une banque qui ne prête qu'aux riches. C'est oublier que c'était aux agences de notations qu'il incombait de noter de manière appropriée ces crédits immobiliers dès lors qu'ils étaient titrisés (il est d'ailleurs intéressant de voir qu'aujourd'hui on leur reproche de faire leur travail). C'est enfin oublier que le secteur bancaire était déjà en 2008 un des plus régulés de l'économie américaine.

Quant à la crise qui nous occupe actuellement, je persiste à penser qu'elle fait écho de manière extrêmement inquiétante à Atlas Shrugged. Des dirigeants européens à la tête de pays criblés de dettes qui volent au secours de pays encore plus criblés de dettes... je ne sais comment cela va se terminer. Vite ! Que l'on trace le signe du dollar dans l'air et qu'on en finisse !
25 octobre 2011, 10:30   Re : Qui est John Galt ?
Citation
Kiran Wilson
Ce roman est d'une grande stimulation intellectuelle et développe des analyses percutantes, je n'en disconviens pas ; mais je maintiens qu'il est, littérairement, selon moi très médiocre

Entièrement d'accord. Les personnages n'en sont pas, ce ne sont que des pantins discoureurs, chacun étant fixé dès le début du livre dans son rôle. Il ne lui reste plus qu'à débiter, dès qu'on lui en donne l'occasion, les slogans que la “directrice de thèse” a prévus pour lui.

Et que dire de l'horripilant Roar (le personnage principal), totalement momifié dans sa pureté et son absolu : on a envie de l'aider à se débarrasser du manche à balai qui entrave sa marche et la rend si peu naturelle…
25 octobre 2011, 12:33   Re : Qui est John Galt ?
Je n'ai pas lu les livres d'Ayn Rand mais, pour rebondir de façon plus générale sur ce qu'ont dit Didier Goux et Kiran Wilson, ne pourrait-on pas dire qu'un roman à thèse ne peut jamais être bon littérairement ? A partir du moment où son rôle n'est que de véhiculer des idées, thèses ou idéologies précises, un roman risque de se voir attribué toutes sortes de contraintes (par exemple : personnages stéréotypés, discours édifiants, etc.) qui vont immanquablement nuire à ses qualités littéraires. Une œuvre d'art, par définition, n'a pas à délivrer de message explicite. Les idées, vues et opinions de l'artiste, dans la mesure où elle s'expriment, ne peuvent se faire que de manière indirecte et involontaire, voire inconsciente, sans intentionnalité directe de persuasion. Un roman (et plus généralement une œuvre) n'a pas à dire au lecteur ce qu'il doit penser, sinon cela devient de la propagande. Pour faire passer un message, mieux vaut écrire un essai...
25 octobre 2011, 13:52   Re : Qui est John Galt ?
Tout à fait d'accord, Félix ; il s'agit bien d'un roman à thèse (lu pour ma part il y a une dizaine d'années). Il se peut que les analyses de l'auteur soient justes ; mais pour un amateur de littérature on est vraiment dans le très médiocre.
25 octobre 2011, 18:51   Re : Qui est John Galt ?
Un roman (et plus généralement une œuvre) n'a pas à dire au lecteur ce qu'il doit penser, sinon cela devient de la propagande.

je pense que cela n’a pas grande importance, passé un certain temps. Les intéressantes théories de M. Zola sur l’hérédité humaine apparaissent comme un trait de bizarrerie à qui lit aujourd’hui les Rougon-Macquart. Ce n’est pas plus, ni moins, bizarre que la croyance de Charles Dickens dans la combustion humaine spontanée (Krook dans Bleak House).
25 octobre 2011, 19:12   Re : Qui est John Galt ?
Suivi hier soir l'émission (médiocre au demeurant) sur Georges Brassens à qui on demandait pourquoi il ne s'engageait pas politiquement. Il répondit -- rare honnêteté -- qu'il ne voulait pas profiter du succès qu'il avait auprès de la jeunesse pour dire ce qu'il fallait faire ou penser.
25 octobre 2011, 23:35   Re : Qui est John Galt ?
Cher Whitna, c'est peut-être un raccourci commode, mais il n'en reste pas moins que le poulain de Rand et son fer de lance idéologique dans le "monde réel" admet ouvertement que le dogme de la non-intervention et de la non-régulation dans les domaines financiers et les marchés, qu'il avait fidèlement défendu et appliqué du mieux qu'il pouvait, s'opposant à toute tentative de réglemention, avait grandement contribué au déclenchement de la crise ; on peut l'entendre comme on voudra et tenter de relativiser la chose autant qu'on voudra, il me semble que cela constitue quand même un certain démenti à l'acuité de l'analyse randienne...

» C'est oublier que si des banques leur ont accordé ces crédits, contrairement à ce que préconisaient tous leurs modèles d'investissement, c'est en raison de pressions d'un certain nombre d'associations non-gouvernementales

Là j'en tombe des nues : ainsi les banques et sociétés de financement des prêts auraient été contraintes d'accorder ces prêts hypothécaires à risque, pratiquement à leur corps défendant, alors qu'une dizaine de compagnies totalisant 60 pour cent des subprimes réalisaient par là un bénéfice record avoisinant les 300 milliards de dollars ; il fallait avoir le cœur bien accroché et de très fortes pressions interventionnistes pour consentir à des affaires aussi juteuses...
Quoi qu'il en soit, dans une conjoncture où les taux d'intérêt sont historiquement bas, les prêts accordés sont à taux variable, le marché des prêts totalement incontrôlé, la titrisation tous azimuts de ces prêts possible et non-régulée, permettant leur saucissonnage et incorporation dans des produits financiers complexes qui, adossés à la valeur croissante des collatéraux (les biens immobiliers achetés) seront notés au maximum, laquelle non-règlementation permet en outre d'émettre un nombre faramineux de titres-assurances (les fameux CDS), etc., que voulez-vous, je vois dans tout cela plutôt la marque d'une absence de règlementation et d'un marché n'en faisant qu'a sa vénalité à très courte vue, que d'une régulation étouffante.
25 octobre 2011, 23:51   Re : Qui est John Galt ?
» Je n'ai pas lu les livres d'Ayn Rand mais, pour rebondir de façon plus générale sur ce qu'ont dit Didier Goux et Kiran Wilson, ne pourrait-on pas dire qu'un roman à thèse ne peut jamais être bon littérairement ?

Ça dépendra de la qualité des thèses y expimées ; puis je pense à L'Homme sans qualités, dont on a souvent dit, à juste titre je crois, que c'est un livre mi-roman mi-essai, qui se situe toujours au plus haut niveau, intellectuellement et littérairement, romanesquement, si j'ose dire.
Voilà un écrivain qui sait penser, ou un penseur qui sait écrire ; le principal grief adressé à Ayn Rand, c'est qu'elle écrit mal et pense médiocrement, ou l'inverse.
Utilisateur anonyme
26 octobre 2011, 08:34   Re : Qui est John Galt ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
26 octobre 2011, 09:41   Re : Qui est John Galt ?
Cher Alain, le principal désaccord que j'ai avec vous tient à la chronologie des événements. Croyez le ou non, ce sont les pressions d'associations comme Acorn qui ont initié les prêts dits subprimes. Cela peut prêter à sourire que des ONG fassent "plier" des grandes banques américaines, mais Acorn est autrement plus structurée qu'une association comme Droit Au Logement et ses 50 militants qui agitent des drapeaux rouges devant le ministère du Travail. Un exemple parmi d'autres, le Community Reinvestment Act, dont le vote et les amendements successifs ont été directement inspirés par ces associations, sanctionne les banques qui n'accordent pas suffisamment de prêts aux personnes aux revenus modérés (toute ressemblance avec une loi française sur les logements sociaux serait purement fortuite). On pourrait en citer d'autres, et pas des moindres, tel que l'inclusion des food stamps dans les revenus des emprunteurs potentiels afin d'augmenter artificiellement leur credit score...
Voila pour le contexte. Cela n'enlève rien à la responsabilité des banques dans la suite des événements. On pourrait ajouter aux exemples d'ingénierie financière douteuse que vous avez déjà mentionnés l'octroi de prêts à taux variables (vous semblez parler de taux flottants, c'est-à-dire adossés à un indice ; bien plus dangereux, les taux variables ont permis aux banques d'offrir des taux extrêmement bas pendant 2, 3, 5 ans donnant l'illusion à l'emprunteur qu'il pourra honorer son crédit, puis le taux change radicalement et les ennuis commencent. C'est en se basant sur ces changements de taux qu'un hedge fund comme Paulson a anticipé le moment de l'écroulement du marché, mais on s'éloigne).
Par contre, je vous ai perdu sur les CDS. Qu'y a-t-il de scandaleux dans l'émission de ces titres ? Un investisseur n'a-t-il pas le droit de se protéger contre un défaut de paiement de la Grèce (au hasard)? Cela me semble aussi peu logique que d'interdire la vente à découvert. Dernier point, contrairement au marché des asset-backed securities, celui des CDS est particulièrement régulé dans le sens où l'immense majorité des contrats échangés sont standards.
27 octobre 2011, 01:11   Re : Qui est John Galt ?
Cher Whitna, j'ai un peu de mal à comprendre : les CDS sont des contrats d'assurance négociables dont les éventuels détenteurs, par le jeu du marché et de la spéculation, ne sont soumis à aucune condition de solvabilité dans le cas d'un événement déclenchant l'exécution du contrat, et n'ont plus aucun rapport avec l’investissement de base assuré.
Greenspan avait scrupuleusement veillé à ce que ces produits demeurent aussi incontrôlés, moyennant quoi les acquéreurs de ces produits se sont tout à coup vus mis en demeure de débourser des sommes colossales, ne comprenant pas du tout ce qui leur tombait sur la tête, quand les titres assurés se sont révélés être des coquilles vides, précipitant les plus grandes banques et AIG, entre autres, et pour commencer, dans la faillite.
Et vous trouvez que le marché des CDS est particulièrement régulé ???

Quant au contexte, je m'en tiens à ce que j'avais déjà écrit ici, en ajoutant, si vous y tenez, au déroulement chaotique du système des acteurs tels que les ONG dont vous parlez, mais dont le rôle dans l'ensemble me semble plutôt négligeable, quoique pas nul, ou peut-être très difficilement estimable avec précision.
Utilisateur anonyme
27 octobre 2011, 07:29   Re : Qui est John Galt ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
27 octobre 2011, 09:29   Re : Qui est John Galt ?
Cher Alain, c'est moi qui ai du mal à comprendre. Vous dites que les détenteurs de CDS ne sont soumis à aucune condition de solvabilité dans le cas d'un événement de crédit et plus loin que les acquéreurs de CDS ("les assurés") sont mis en demeure de débourser des sommes colossales, mais je pense que vous faites plutôt référence aux vendeurs (ou émetteurs) de CDS ("les assureurs"). Si votre maison brûle, ce qui importe est la solvabilité de votre assureur, pas la vôtre, non? Le cas échéant, je ne vois pas en quoi la situation est différente de celle d'un assureur traditionnel. Il est évident que si celui-ci a été incapable d'évaluer le montant du dédommagement qu'il devrait effectuer le moment venu, il va au devant d'une faillite certaine.
Mais vous parlez de spéculation, et, dans le cas des CDS, on pointe généralement le doigt accusateur vers les acquéreurs de CDS (ceux qui parient sur la faillite de la Grèce et le malheur du monde), plutôt que vers les vendeurs (ceux qui sont trop heureux d'engranger les versements trimestriels des Cassandres).
Or comme vous le savez probablement, deux issues sont possibles en cas d'événement de crédit. Soit l'émetteur du CDS vous envoie un chèque d'un montant égal à la dépréciation des obligations que vous avez assurées, soit il réclame de votre part que vous lui livriez lesdites obligations qu'il vous rachète à valeur initiale. Le dédommagement est évidemment le même dans les deux cas, mais l'on voit bien que si l'assuré s'est amusé à spéculer sur le défaut de paiement d'une compagnie ou d'un Etat sans en posséder le moindre titre de dette, il va, dans le deuxième scénario, se retrouver contraint d'acheter ces titres sur le marché à un prix potentiellement plus élevé que celui évalué par l'assureur, et voir ainsi fondre le montant de son dédommagement. Et naturellement, si l'événement de crédit n'intervient pas, notre spéculateur continue à payer sa prime d'assurance... Bref, il s'expose également à une sanction financière.
La marché des CDS est régulé dans le sens où la vaste majorité de ces contrats d'assurance sont standards (vanilla, comme ils disent dans le jargon). Autrement dit, l'acquéreur sait ce qu'il achète, quel que soit le vendeur, par opposition au marché des asset-backed (ABS, MBS, CDO, CLO et autres combinaisons que vous pouvez faire avec 3 lettres) où l'acheteur ignore bien souvent la nature des collatéraux, ce qui nous ramène à 2008...
27 octobre 2011, 21:28   Re : Qui est John Galt ?
Cher Whitna, ne tournons-nous pas un peu autour du pot ? Il est évident que "détenteur" et "acquéreur" de CDS désignaient en l’occurrence la même chose, à savoir celui qui a acheté ce contrat, qui de ce fait est devenu "assureur" donc.
De quoi parlions-nous ? Du manque de régulation de ce marché, dans lequel l'acquéreur-assureur n'est en aucune façon tenu, par aucun contrôle whatsoever, de détenir les actifs garantissant qu'il puisse s'acquitter des obligations qu'impliquent ce type de contrat.
Vous demandez innocemment, ce qui continue de me stupéfier, en quoi cette situation est différente de celle d'un assureur traditionnel ; en ceci que les sociétés d'assurance sont soumises à de certaines réglementations garantissant un minimum de réquisits prudentiels, assurant qu'il puisse le cas échéant honorer le contrat.
Greenspan, encore lui, avait veillé à ce que ces produits ne soient pas régulés, et rejeté les demandes de contrôle.

Je vous cite un extrait d'un article clair du Time, datant de 2008 :
« The situation is exacerbated by the heavy trading volume of the instruments, the secrecy surrounding the trades, and — most importantly — the lack of regulation in this insurance contract business. "An original CDS can go through 15 or 20 trades," said Miller. "So when a default occurs, the so-called insured party or hedged party doesn't know who's responsible for making up the default and if that end player has the resources to cure the default." »

Aussi je vous le demande : assureriez-vous votre maison de façon à ce que vous ne sachiez plus exactement à qui vous devrez vous adresser en cas d'incident, par le jeu des reventes successives du contrat à divers opérateurs, ni si iceux auront même les moyens de s'acquitter de leur obligations ?
C'est pourtant exactement la situation que votre Greenspan (et les autres grands manitous de la "liberté du marché", je vous rappelle quand même le sujet initial de notre débat), avait souhaité et promu : du rien assuré par rien, qui a fini par se volatiliser.
Utilisateur anonyme
28 octobre 2011, 07:17   Re : Qui est John Galt ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
28 octobre 2011, 09:11   Re : Qui est John Galt ?
Le jeune étudiant Alan Greenspan fut effectivement l'élève d'Ayn Rand. Elle le convertit au capitalisme. Il écrivit en 1962, sous cette influence, " Gold and Economic Freedom ", que vous pouvez retrouver dans un recueil d'Ayn Rand : " Capitalism : the unknown ideal ". Ses choix politiques et économiques quelques années plus tard l'ont ensuite profondément éloignés d'elle. Ne parlons pas de sa longue présidence de la Banque Fédérale, une organisation dénoncée avec force par les Objectivistes. Greenspan n'est en aucun cas, hormis pour cette article de jeunesse, un modèle de l'application des idées économiques d'Ayn Rand, plutôt l'inverse.
28 octobre 2011, 14:12   Re : Qui est John Galt ?
Cher Alain, j'ai comme vous l'impression qu'on avance pas beaucoup, alors je vais essayer une dernière fois de clarifier mon propos.
Il n'y a rien d'évident, pardonnez moi, dans la façon dont vous appelez successivement "détenteur", "acquéreur" et "assureur" celui qui "achète ce contrat". Un contrat est entre deux parties. Il y a un assureur et un assuré. Un vendeur de protection et un acheteur de protection. Ce n'est pas pour vous enquiquiner que je fais cette distinction de manière aussi scolaire, mais bien parce-que sans ça, on ne comprend rien à ce que vous appelez le "jeu des reventes successives".
L'article que vous citez et vous même laissez entendre (tout du moins aux naifs de mon espèce) que sitôt le contrat signé, l'assureur s'empresse d'aller le revendre à un autre assureur, qui lui même le refourgue à son voisin, et ainsi de suite, si bien que le jour où la maison brûle, le pauvre bougre ne sait plus à qui il doit téléphoner pour toucher son assurance.
Sauf que c'est absolument faux. L'assuré sait pertinemment à qui il doit s'adresser pour la simple et bonne raison qu'un assureur ne peut pas mettre un coup de tipex sur son propre nom et y écrire le nom de quelqu'un d'autre à la place. Il en va ainsi des CDS comme de n'importe quel contrat. Le contrat demeure entre l'assuré et l'assureur jusqu'à son échéance ou sa résiliation (son unwind pour les CDS).
Ce que l'assureur peut faire, en revanche, c'est entrer dans un nouveau contrat, cette fois en tant qu'assuré avec un autre assureur, et être synthétiquement protégé contre un événement de crédit. Exactement comme lorsqu'un assureur traditionnel fait appel à une société de réassurance.

Donc pour répondre à votre question: est-ce que je sais à qui m'adresser en cas d'incident dans ma maison? Bien sûr. Est-ce que je sais si mon assureur est solvable? Non. Et vous non plus. Nous avons choisi nos assureurs (allez savoir, peut-être avons nous le même?) en raison de leur réputation, comme un acheteur de CDS choisit la banque qui émet le CDS en fonction de sa réputation. Dans les deux cas, il y a un risque de contrepartie. Est-il plus grand dans le cas des banques? Pour ma part, je ne suis pas sûr que les "réquisits prudentiels" imposés aux assureurs soient davantage garants de solvabilité que les accords de Bâle. On en reparlera au prochain tremblement de terre ou cyclone.
Ce que je vous concède, c'est que le risque systémique est bien plus important pour les CDS en raison du degré d'interdépendance des 15, 20 plus grandes banques émettrices/contreparties de la planète (cf Lehman Brothers). De là à dire que c'est du rien assuré par du rien... alors c'est tout le système bancaire qu'il faut supprimer et qu'on en finisse.

Je concluerais en disant que les "grands manitous de la liberté du marché", comme vous les appelez, sont des gens qui pensent que le rôle des régulateurs est d'imposer aux banques des contraintes en terme de fonds propres, pas de les mettre sous tutelle et leur expliquer comment investir leur argent. Voir des politiques à la tête d'Etats incompétents, spoliateurs et ruinés donner des cours de moralité et de gestion à un secteur privé de l'économie est une des plus grandes blagues de notre époque. En tout cas une de celles qui poussent certains à trouver dans les livres d'Ayn Rand un peu plus que de la médiocrité intellectuelle (je laisse son style de côté - vous voyez j'ai le sens du compromis).
29 octobre 2011, 00:28   Re : Qui est John Galt ?
Bon, cher Whitna, concluons, si vous voulez bien, parce que je commence à en avoir un peu marre, des CDS machin... :

- il n'y a, dans le marché des CDS, aucun contrôle permettant de savoir si le vendeur (l'assureur) a les fonds nécessaires pour honorer le contrat, en cas d’événement de crédit.

- il n'y a aucune obligation pour l'acheteur de protection de posséder le titre assuré, ce qui qui veut dire que les parties contractantes peuvent assurer la dette de n'importe quel organisme avec lequel ils n'entretiennent aucune sorte de rapport ; cela veut aussi dire que le même titre peut être "assuré" un nombre incalculable et incontrôlable de fois, ce qui constitue évidemment le moyen le plus éprouvé de disséminer la faillite selon le principe bien connu de la bombe à fragmentation.

- enfin, permettez-moi de citer juste cette phrase, de cette source : "Les CDS se négocient de gré à gré. Il n'y a pas de standardisation des contrats ni de marché organisé".

- Greenspan a diligemment repoussé les demandes de réglementation des SEC et CFTC pour ces produits dérivés.

De cela il ressort que le terme de "régulation" employé à ce propos ne veut plus rien dire, ou pas grand-chose.
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