Le site du parti de l'In-nocence

Total Turnaround

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
06 août 2012, 20:01   Total Turnaround
On attend la conversion de M. Allègre.

[www.nytimes.com]
06 août 2012, 20:43   Re : Total Turnaround
...de M. Allegre et d'autres.
06 août 2012, 20:52   Re : Total Turnaround
Je me contente des cas envisageables, pour les cas désespérés, je demanderai à Orimont d'aller à Nice, rue de la poissonnerie, et d'y faire brûler un cierge à Sainte Rita.
06 août 2012, 21:00   Re : Total Turnaround
Article très éclairant, merci Jean-Marc.
07 août 2012, 18:15   Chronique estivale
C’est à se demander si, à force de rendre les honneurs à notre puissance atomique en brillant toute la nuit, les enfilades de lampadaires décoratifs généreusement répandus à travers les villages du moyen et du haut-pays niçois, n’ont pas fini par attirer les moustiques à des hauteurs où ils n’étaient jamais venus.

Il est vrai qu’ils ne sont plus seuls à se partager les épidermes côtiers. Le temps pourtant si proche est révolu où les représentants d’une seule espèce de ces insectes se chargeaient d’asticoter le dormeur amateur de fenêtres ouvertes et de nuits d’été. On les estimait lestes à éviter l’écrasement contre la cloison ou la peau mais, depuis qu’un autre modèle est venu se joindre à eux, ils nous paraissent presque balourds. On avait appris à connaître leurs points faibles. D’abord, ils se distinguent assez bien quand ils se posent sur une partie du corps. De plus, ils deviennent vulnérables à la claque bien assénée, pour peu qu’on les laisse commencer à piquer, ce qui les immobilise opportunément.

Avec le recul, on comprend bien que ces moustiques familiers n’aient pas gagné le surnom de « tigre », sobriquet qui, en revanche, va très bien à la nouvelle espèce, récemment acclimatée dans le sud-est de la France, en particulier en milieu urbain. On dirait qu’elle a tiré des leçons des défauts de l’autre. Ainsi le « moustique tigre », si c’est bien lui, car rien ne dit qu’il ne s’agisse d’une troisième espèce, est-il plus petit. Il est comme déguisé en gros moucheron aux déplacements plus rapides. Il ne s’attarde pas. A peine fait-il sentir sa piqure, il vibre déjà ailleurs. On dirait qu’il ne fait que passer, laissant de ses raids de nouveaux points de démangeaison. On estime très vraisemblable que cet insecte a transité d’un continent à l’autre dans des stocks de pneus, réceptacle de l’eau croupie nécessaire, comme si le fonds des nuisances collatérales liées à l’industrie automobile était inépuisable.

Quoi qu’il en soit, ce double phénomène d’apparition de moustiques courants dans des altitudes où ils ne vivaient pas et de moustiques jusqu’ici inconnus avant leur multiplication dans nos parages, peut-il être lié au réchauffement climatique ? C’est ce qu’il me démange de savoir.
Citation
Orimont Bolacre

Avec le recul, on comprend bien que ces moustiques familiers n’aient pas gagné le surnom de « tigre », sobriquet qui, en revanche, va très bien à la nouvelle espèce, récemment acclimatée dans le sud-est de la France, en particulier en milieu urbain. On dirait qu’elle a tiré des leçons des défauts de l’autre. Ainsi le « moustique tigre », si c’est bien lui, car rien ne dit qu’il ne s’agisse d’une troisième espèce, est-il plus petit. Il est comme déguisé en gros moucheron aux déplacements plus rapides. Il ne s’attarde pas. A peine fait-il sentir sa piqure, il vibre déjà ailleurs. On dirait qu’il ne fait que passer, laissant de ses raids de nouveaux points de démangeaison. On estime très vraisemblable que cet insecte a transité d’un continent à l’autre dans des stocks de pneus, réceptacle de l’eau croupie nécessaire, comme si le fonds des nuisances collatérales liées à l’industrie automobile était inépuisable.

Quoi qu’il en soit, ce double phénomène d’apparition de moustiques courants dans des altitudes où ils ne vivaient pas et de moustiques jusqu’ici inconnus avant leur multiplication dans nos parages, peut-il être lié au réchauffement climatique ? C’est ce qu’il me démange de savoir.

Vivant dans le sud-est, je suis confronté aux agissements de ce démon. Vous décrivez parfaitement son mode opératoire. Son efficacité furtive me déstabilise d'autant plus que, grand nerveux incurable, je suis très souvent aux aguets. Or, parfois, je me demande si la brûlure qu'il laisse derrière lui est bien de son fait.
Le réchauffement climatique, qui se traduit notamment par une véritable tropicalisation de l'air, est sûrement à l'origine de ce nouveau venu, friand d'humidité, et d'autres espèces mutantes à venir.
07 août 2012, 18:57   Re : Total Turnaround
"Insect écran" est providentiel contre tous les moustiques, y compris les espèces tropicales.

Un gros avantage : si vous portez par exemple des chemisettes, elles éloigneront les moustique une fois trempées dans une eau complétée de ce produit.
Porter une chemisette ?

Décidément, vous n'êtes pas sérieux, Jean-Marc.
07 août 2012, 23:21   Re : Chronique estivale
La disparition progressive des passereaux et des oiseaux migrateurs provoquée par l'usage de pesticides toxiques explique aussi la prolifération des moustiques dans nos régions. Quand avez-vous une hirondelle pour la dernière fois ? IL y a seulement trente ou quarante ans, les cieux d'Aix-en-Provence étaient sillonnés des vols de martinets tous les soirs d'été et les terrasses étaient sans moustique.

Le moustique est une créature diaboliquement intelligente, qui appartient à cette classe d'insectes chez qui la petitesse de l'encéphale (ou la quasi-absence de neurones) ne peut en aucun cas rendre compte du comportement calculateur de l'individu, de la complexité de ses réactions. Chassez un moustique dans une pièce, d'un coin à l'autre, vous constaterez avec effroi que dans son vol il évite les arrières-plans clairs, il contournera les pans de murs chaulés pour voler devant les meubles sombres où il disparaît à la vue. Le moustique déjoue vos stratégies, sait qui vous êtes, pour un cerveau cinquante fois plus étroit qu'une tête d'épingle !

L'intelligence individuelle (et non sociale comme chez la fourmi ou l'abeille) ne réside point dans la tête de la bête.
08 août 2012, 16:33   Re : Chronique estivale
"La disparition progressive des passereaux et des oiseaux migrateurs provoquée par l'usage de pesticides toxiques explique aussi la prolifération des moustiques dans nos régions. Quand avez-vous une hirondelle pour la dernière fois ? IL y a seulement trente ou quarante ans, les cieux d'Aix-en-Provence étaient sillonnés des vols de martinets tous les soirs d'été et les terrasses étaient sans moustique."

En Corse , ils sont toujours là et c'est un plaisir de les voir voler et nourrir leurs petits dans les anfractuosités des murs en pierre de maisons toutes proches de ma fenêtre. Les hirondelles en revanche (à ne pas confondre avec les culs blancs ) sont de moins en moins nombreuses, en partie parce que les gens, sous prétexte qu'elles font beaucoup de saletés, détruisent leurs nids sous les bordures des toits et les angles des fenêtres pour qu'elles ne les retrouvent pas l'année suivante et ne reviennent plus.
J'avais il y a quelques années apprivoisé trois petits tombés du nid. C'est un très beau souvenir. Les oisillons à peine nourris s'étaient attachés à moi et après quelques jours ne me quittaient plus. Ils se nichaient sous mes cheveux attachés, à l'époque, en catogan. J'avais commencé à leur apprendre à voler en leur présentant à une distance que je jugeais raisonnable mon index sur lequel après bien des hésitations ils venaient se percher; puis je le leur présentais à nouveau un peu plus haut ou un peu plus loin, et ils recommençaient leur manège en s'enhardissant chaque jour davantage. Et bientôt j'eus la joie de les voir s'envoler d'eux-mêmes pour se percher à leur guise un peu partout. Le matin, dès qu'ils m'apercevaient, ils venaient se blottir sous mes cheveux d'où ils pouvaient ne pas bouger pendant assez longtemps. Ils étaient si légers et si tranquilles que je finissais par les oublier et vaquais à mes affaires sans être gênée le moins du monde. Hélas, la nourriture que je leur donnais avec une pince à épiler: mie de pain trempée dans du lait, a fini par ne plus leur convenir. Il eût fallu leur donner des festins d'insectes et je n'en n'étais pas capable. ils sont morts l'un après l'autre dans leur boite à chaussure captitonnée de coton. Un matin, au lieu du joyeux vol d'accueil habituel, je n'ai entendu que le silence avant de découvir un petitcorps déjà raide. Les deux autres oisillons ont survécu encore à peu près une heure avant de mourir à leur tour. J'en ai été très malheureuse.

( message plus détaillé)
08 août 2012, 16:38   Re : Total Turnaround
Merci, chère Cassandre, de nous faire partager ce souvenir très sensible.
09 août 2012, 12:31   Re : Chronique estivale
Pour vous remercier de cette touchante évocation, ceci, chère Cassandre:

A l'écart, sur la rive du fleuve, les vastes quartiers du roi s'étendent, environnés de silence; avec leurs préaux dénudés, ils forment comme une sorte de clairière au milieu de ce pays, à côté de cette ville que les arbres envahissent, et les chemins de terre rougeâtre qui les entourent sont criblés de larges empreintes par la promenade quotidienne des éléphants.

Aujourd'hui, au premier soleil de six heures et demie du matin, errant seul, je franchis la porte d'une cour de ce palais, une cour qui est très grande et pavée de blanc; au milieu, isolée dans ce vide si clair, une svelte pagode blanche et or, dont le toit se hérisse de pointes d'or, et, isolés aussi sur les côtés de cette petite solitude, deux hauts clochetons d'or étonnamment aigus, que supportent des rocailles garnies d'orchidées et de mille plantes rares. Je n'aperçois personne nulle part. Mais le silence ici prend une forme spéciale; un bruissement s'y mêle, en sourdine, sans le troubler, une vague musique aérienne que l'on ne définit pas tout de suite, --- et c'est le concert des petites sonnettes argentines suspendues à chaque pointe des clochetons des toits; le moindre souffle qui passe les fait tinter doucement.

Elle est toute neuve, cette pagode; elle éblouit par la blancheur de ses marbres, et ses ors étincellent. Ses fenêtres ont des couronnements d'or qui, sur le fond neigeux des murailles, se découpent comme de nettes joailleries et finissent en pointe de flèche. Quant à ses toits, couverts de céramiques dorées, ils ont des cornes à tous les angles, mais des cornes très, très longues, qui s'inclinent, se redressent, menacent en tous les sens ! A côté de ces cornes-là, celles des pagodes chinoises vraiment paraîtraient rudimentaires, à peine poussées; on dirait que plusieurs taureaux géants ont été décoiffés pour orner l'étrange temple. --- Les différents peuples de race jaune restent hantés depuis des siècles par cette conception des toitures cornues sur leurs édifices religieux; mais ce sont les Cambodgiens qui les dépassent tous en extravagance...

Des pas s'approchent, des pas lourds... Ah ! trois éléphants !... Sans prendre garde à moi ils traversent la cour, avec des airs entendus, empressés, comme des gens qui savent ce qu'ils ont à faire. Le bruit de leur marche et des sonnettes pendues à leur collier trouble une minute le concert éolien qui tombe discrètement d'en haut, et puis, dès qu'ils ont passé, revient ce musical silence, qui est adorable ici, dans la pureté et la quasi-fraîcheur du matin.

Les portes ouvertes de la pagode m'invitent à entrer.

A son plafond, à ses murailles, des ors trop vifs brillent partout, et mon pas résonne sur les plaques d'argent bien neuves, dont elle est entièrement dallée. Il y a donc encore à notre époque des pays où l'on songe à construire de tels sanctuaires!...
Presque aussitôt, par une porte différente, quatre petites créatures m'apparaissent, toutes jeunes toutes menues, les cheveux coupés ras comme des garçons, et une fleur de gardénia piquée sur l'oreille. Les belles soies qui les couvrent, dessinant leurs gorges à peine formées, indiquent des femmes du palais, --- sans nul doute des ballerines, puisqu'il n'y a guère que cela, paraît-il à la cour du vieux roi Norodon. Au mouvement que je fais pour me retirer, elles répondent par un gentil signe timide, qui signifie : " Restez donc, vous ne nous gênez pas." Et je les remercie d'un salut. Cette courtoisie humaine, que l'on nous a apprise aux deux bouts opposés du monde et dont nous venons de nous faire vaguement l'échange, est d'ailleurs notre seule notion commune...
J'avais déjà rencontré dans ma vie bien des femmes-poupées, bien des femmes-bibelots, mais pas encore des Cambodgiennes chez elles, et je regarde celles-ci évoluer sur les dalles d'argent à pas silencieux, avec tant de grâce aisée et naïve; leurs torses, tous leurs membres ont dû être assouplis dès l'enfance par ces longues danses rituelles, qui sont d'usage ici, aux fêtes et aux funérailles. Qui les amène si matin vers ce temple, quel chagrin puéril ? Et quelles sortes de prières peuvent bien formuler leurs petites âmes, qui en ce moment se révèlent anxieuses dans leurs yeux ?...

(à suivre, parce que ça le vaut bien)

[c'est une entrée datée du mardi 26 novembre 1901 d'Un pèlerin d'Angkor de Pierre Loti, qui a son effigie taillée dans la pierre à l'apex d'un style dressé dans les aîtres d'un temple bouddhique de Nagasaki, ville où l'on commémore aujourd'hui la tragédie du dimanche 9 août 1945]
Utilisateur anonyme
09 août 2012, 13:01   Re : Chronique estivale
(Message supprimé à la demande de son auteur)
09 août 2012, 14:04   Re : Total Turnaround
Pierre Loti, à lire aussi pour désespérer de ce qui, aujourd'hui, tient lieu de littérature.
09 août 2012, 16:19   Re : Total Turnaround
Excellent écrivain, Loti, malheureusement un peu oublié.
09 août 2012, 16:26   Re : Total Turnaround
Merci, cher Francis, pour ce très bel extrait de Loti dont je dois avouer , à ma grande confusion, que, jusqu'ici, je n'avais jamais rien lu.
09 août 2012, 16:45   Re : Total Turnaround
Lisez "Fantôme d'Orient", c'est peu connu et excellent. C'est, en quelque sorte, Viaud écrivant sur Loti.
09 août 2012, 16:48   Re : Total Turnaround
Les derniers jours de Pékin, grand récit de voyage halluciné. Avec Huysmans, Loti est l'un des auteurs "décadents" du XIXe siècle que je vénère.
09 août 2012, 17:03   Re : Total Turnaround
Remarquez que j'ai été très déçue par la suite en lisant Konrad Lorenz. D'après lui les oiseaux n'apprennent pas à voler. Ils savent le faire d'instinct, mais cet instinct ne s'éveille qu'a partir d'un certain âge de l'oiseau, quelques semaines en moyenne. Moi qui croyais avoir appris à voler à mes hirondelles et qui en étais si fière ! ....
10 août 2012, 03:27   Re : Total Turnaround
Même chose pour la marche chez le bambin, chère Cassandre. Ce qui ne veut point dire que les hommes et les oiseaux n'apprennent rien. Il existe une transmission intergénérationnelle des savoirs dans le règne animal. Mais aussi infra-générationnelle (cf. la fameuse histoire de cette espèce d'oiseau -- je crois que c'est le geai mais n'en suis plus tout à fait certain -- qui, en Angleterre, s'est apprise en deux ou trois saisons, sur tout l'ensemble du territoire des îles britanniques, à ouvrir les bouteilles de lait déposées sur les pas de porte des maisons par le laitier, à l'heure du laitier...)

[davantage de Viaud ce soir, à propos du "cycle de la chauve-souris" à Angkor Vat. La beauté de ce texte m'émerveille. S'il fallait analyser pourquoi, je dirais que c'est le rythme, la lenteur, la pesante lenteur de l'écriture comme de l'évolution du pèlerin dans ce milieu qui est en harmonie, en synchronie avec les lieux de la description -- écriture, progression du pèlerin et mouvement général des hommes et des éléments dans cet espace ne sont qu'un. Le temps, au Cambodge, est différent du temps occidental -- ce pourrait être une platitude ou un cliché mais cela est très vrai et a connu des répercussions jusque dans l'élaboration du Droit dans ce royaume. Au Cambodge le temps est "temps-existence" quand il est chez nous "temps-argent" ou "temps-valeur". Cette dichotomie est très bien explorée, et expliquée dans un ouvrage volumineux et de grande qualité (y compris d'écriture) : Le Cambodge et la colonisation française (1897-1920), d'Alain Forest, paru aux éditions l'Harmattan en 1980, époque lointaine où la langue française "de pensée et d'étude" n'avait pas encore disparu]
10 août 2012, 10:49   Re : Total Turnaround
Ce sont les mésanges bleues qui, en une douzaine d’années, entre les deux guerres, dans toute l’Angleterre, ont appris à ouvrir les bouteilles de lait. Elles avaient déjà l’habitude auparavant de se nourrir de la crème des bouteilles que l’on ne fermait pas.

Une des raisons de la diminution des effectifs d’hirondelles et de martinets est la disparition des lieux propices à la nidification : étables “mal” tenues (avec nids d’hirondelles et toiles d’araignées), anfractuosités dans les toitures et les murs…

Quant à la question d’Orimont : oui le changement climatique provoque une modification rapide et spectaculaire (pour qui veut bien voir…) de la répartition de nombreuses espèces. En Europe de l’ouest les plantes de montagne montent de 30 mètres par décennie ; le décalage entre la période de nourrissage des oisillons et la période de plus grande disponibilité des insectes proies est déjà de trois semaines (en simplifiant beaucoup : la migration et la nidification des oiseaux sont réglées par la longueur du jour (les dates sont donc quasiment invariables) ; la vie des insectes est pilotée par la température (et avance donc dans l’année depuis plusieurs décennies)).
10 août 2012, 11:54   Re : Total Turnaround
J'ai remarqué dans les champs aux alentorus de Béziers, depuis déjà quelques années, des oiseaux que jusque là je n'avais vu qu' au Maghreb : les pique-boeufs, nommés ainnsi parce qu'au moment des labours ils suivent les laboureurs pour se nourrir de ces très gros vers de terre que le sillon creusé découvre en abondance, ou plutôt découvrait car il y en a de moins en moins dans nos sols apauvris.
10 août 2012, 12:00   Re : Total Turnaround
En tous cas merci à vous tous pour vos suggestions de lecture.
10 août 2012, 12:36   Re : Total Turnaround
Une preuve, tangible et irréfutable, du changement climatique dans le Sud-Est de la France: l'avancée de plus en plus précipitée de la date des vendanges. Quand j'y étais enfant (il y a un demi-siècle à peine), les vendanges débutaient à la rentrée des classes, soit mi-septembre. Aujourd'hui, il suffit de bavarder avec des viticulteurs dans les villages pour l'apprendre, elles débutent mi-août dans le Var, les Bouches-du-Rhône et le Gard, et j'apprends aujourd'hui que certaines ont déjà commencé ! Un mois d'avancement de la saison en un demi-siècle ! Ce qui est très considérable. Et cette progression va s'accélérant.
10 août 2012, 12:51   Re : Total Turnaround
Francis,

On dispose, pour les dates des vendanges, outre les travaux historiques, d'une fort intéressante circulaire, celle du 31 août 1918 (vendangeurs militaires !).

Les dates observées étaient, pour le début des vendanges sur les trente années précédentes :

- 20 août pour les Pyrénées-Orientales ;

- 30 août pour l'Hérault ;

- 1er septembre pour le Gard.

Source :

[www.persee.fr]
10 août 2012, 13:54   Re : Total Turnaround
Je me souviens Jean-Marc que dans les années 60, les fils de viticulteurs pouvaient être dispensés de classe pour faire les vendanges avec leur famille, c'est à dire que la rentrée des classes avait eu déjà lieu. Or je mettrais ma main au feu (ou au pressoir) que cette rentrée n'avait jamais lieu avant, disons le 5 septembre. Enfin ce ne doit pas être bien compliqué à vérifier. Il y a pas cinq siècles de cela. Quoi qu'il en soit, le fait est là: jamais je n'ai entendu dire à cette époque que l'on eût vendangé au mois d'août. Le mois d'août était la saison des abricots et des pêches, certes pas celle de la vendange des vignes.
...La chaleur est déjà lourde quand je reviens au quartier des Français, pour chercher l'ombre à bord de mon petit bateau amarré contre la berge. Accablement et silence, dans ces rues si bien tracées mais vides, où l'herbe envahit les trottoirs. A part quelques forçats cambodgiens, tout nus, lair nonchalant et heureux, qui arrosent les pelouses des jardins aux bizarres fleurs, je ne rencotre plus personne : la ville du roi Norodon va s'endormir jusqu'à la tombée du jour, sous l'éblouissement de son soleil. Et décidément ce petit coin de France, qui est venu se greffer là, ne semble pas viable, tant il a pris, en peu d'années, un air de vétusté et d'abandon.

A trois heures de l'après-midi, je fais appareiller pour continuer mon voyage vers les ruines d'Angkor, en remontant le cours du Mékong.

Assitôt apparaît Phom-Penh. Et la grande brousse asiatique recommence de nous envelopper entre ses deux rideaux profonds, en même temps que se révèle, partout alentour, une vie animale d'intensité fougeuse. Sur les rives, que nous frôlons presques, des armées d'oiseaux pêcheurs se tiennent au guet, pélicans, aigrettes et marabouts. Parfois des compagnies de corbeaux noircissent l'air. Dans le lointain, se lèvent des petits nuages de poussière verte, et, quand ils s'approchent, ce sont des vols d'innombrables perruches. Cà et là, des arbres sont pleins de singes, dont on voit les longues queues alignées pendre comme une frange à toutes les branches.

De loin en loin, des habitations humaines, en groupe perdu. Toujours un fuseau d'or les domine, pointant vers le ciel: la pagode.

Mes hommes ayant demandé de s'approvisionner de fruits pour la route, je fais arrêter, à l'heure du crépuscule, contre un grand village bâti sur pilotis tout au bord du fleuve. Des Cambodgiens souriants s'avancent aussitôt, pour offrir des cocos frais, des régimes de bananes. Et, tandis que les marchés se discutent, une énorme lune rouge surgit là-bas, sur l'infini des forêts.

La nuit vient quand nous nous remettons en route. Cris de hiboux, cris de bêtes de proie; concert infini de toutes sortes d'insectes à musique, qui délirent d'ivresse nocturne dans les inextricables verdures.

Et puis, sur le tard, les eaux s'élargissent, tellement que nous ne voyons plus les rives : nous entrons dans le lac immense, formé ici chaque année, après la saison des pluies, par le puissant fleuve qui périodiquement inonde les plaines basses du Cambodge et une partie des forêts du Siam. Pas un souffle de brise. Comme sur de l'huile, nous traçons, en glissant sur le lac de la fièvre, des plissures molles, que la lune argente. Et l'air tiède, que nous fendons vite, est encombré par des nuées de bestioles étourdies, qui s'assemblent en tourbillon à l'appel de nos lanternes et s'abattent en pluie sur nous : moucherons, moustiques, éphémères, scarabées ou libellules.

Vers minuit, alors que nous venions de nous endormir, fenêtres ouvertes et demi-nus, tout à coup nous arrive un essaim d'énormes scarabées noirs, bardées de piquants comme des châtaignes, mais d'ailleurs inoffensifs, qui se promènent en hâte, explorant notre poitrine et nos bras.


[c'était la suite et la fin de cette même entrée du 25 novembre 1901. Je voudrais en profiter pour vous soumettre trois commentaires:

1/ en vous invitant à relever le très grand réalisme de ces descriptions, fidèles en tous points, jusque dans ce qu'il faudrait nommer la lente et mesurée prosodie des lieux, à son objet;

2/ Cette prose de 1901 rappelle immanquablement celle, anglaise, de Conrad dans le monde tropical qui lui était contemporaine, dans ses romans dont l'action se situe dans l'Asie tropicale et la puissante évocation de son monde naturel (Almayer's Folly; an Outcast of the Islands, Victory, The Secret Sharer); elle lui est soeur et égale par tous ces traits qui la rendent si attachante et si pénétrante;

3/ la littérature occidentale, quelle que soit sa langue d'expression, a atteint son sommet, son acmée absolue, entre 1900 et le départ de la guerre de 14, le départ pour la fin.

Je poursuivrai demain, quand ma connexion internet d'ici se sera stabilisée, comme je l'ai promis à Cassandre, avec la visite de Viaud à Angkor Vat, où il découvre "le cycle de la chauve-souris" et ce qu'il faudrait désigner comme principe de la "thésaurisation dans l'empyrée"]
10 août 2012, 18:33   Re : Total Turnaround
Merci, cher Francis, c'est passionnant.
10 août 2012, 20:37   Re : Total Turnaround
Halte-là : il n'est pas dit qu'un réchauffement global n'entraîne à terme un refroidissement local dans l'hémisphère nord, dû à l'altération des courants marins tempérants venant de la banquise arctique, par déversement de l'eau résultant de la fonte de la calotte polaire.
Personnellement, la théorie paradoxale du refroidissement par réchauffement a mes faveurs, je préfère le froid, et elle est plus amusante.
Dans la profusion de modèles qui sont loin, par définition, d'être exhaustifs — tous les modèles climatiques sont des modèles chaotiques dont les conséquences précises sont intrinsèquement imprédictibles — ce n'est pas un argument de peu de poids.

(Message corrigé)
10 août 2012, 22:45   Re : Total Turnaround
"2/ Cette prose de 1901 rappelle immanquablement celle, anglaise, de Conrad dans le monde tropical qui lui était contemporaine, dans ses romans dont l'action se situe dans l'Asie tropicale et la puissante évocation de son monde naturel "

En effet. Et moi qui croyais Loti un écrivain mineur !
11 août 2012, 13:44   Re : Total Turnaround
"Le refroidissement par réchauffement"...

Je n'y avais pas encore pensé.

Alain, je vous décerne le "Bayrou d'or" pour cette proposition consensuelle.


Pour en revenir à ce que nous dit Francis, des vendanges début août, c'est pour moi aussi exotique qu'un iceberg au large de Cayenne ou qu'un communiqué du PI disant sans réserve que quelque chose va bien.
13 août 2012, 12:53   Re : Chronique estivale
On ressuscite Loti, on le met dans un avion, on l'envoie à Phom-Pehn, il rentre en France un mois plus tard, puis on lit ce qu'il a écrit.
13 août 2012, 13:02   Re : Total Turnaround
On ressuscite Loti, on le met dans un avion, on l'envoie à Phom-Pehn, il rentre en France un mois plus tard, puis on lit ce qu'il a écrit.

On devrait le faire accompagner par Jean-Marie Le Penh.
13 août 2012, 14:31   Re : Total Turnaround
A propos de lecture d'auteurs qui ont des choses à raconter sur ce pays en particulier et sur le genre humain en général: François Bizot -- l'auteur du Portail (souvenirs de sa captivité dans un camp tenu par le tortionnaire Douch en 1970, soit avant la prise du pouvoir par les Khmers Rouges et avant que le même Douch ne devienne directeur du camp S.21 d'infâme réputation (devenu aujourd'hui musée) --, ayant été appelé à témoigner en 2009 contre Douch dans le cadre du procès des Khmers Rouges qui se poursuit aujourd'hui à Phnom Penh avec l'assistance de la communauté internationale, Bizot donc vient de faire publier un nouvel ouvrage (où sont transcrites toutes ses dépositions à ce procès) en forme d'essai et de mémoires sur ce génocide et ce régime monstrueux. J'avais déjà recommandé ici la lecture du Portail, qui devrait nous intéresser tous et non seulement ceux qui pour quelque raison se sentiraient plus particulièrement touchés par la tragédie cambodgienne ou à titre personnel par l'histoire de ce royaume. Cela s'intitule Le Silence du bourreau et c'est paru chez Flammarion en 2011. Lire Bizot, c'est déjà presque accomplir une bonne action. En plus d'être intéressant Bizot, chose rare chez les gens qui ont à communiquer expérience et pensée, celle-ci nourrie par celle-là, écrit bien.

Deux liens pertinents du forum sur la tragédie cambodgienne (il y en a au moins une demi-douzaine d'autres, à chercher par le moteur de recherche) :

[www.in-nocence.org]

[www.in-nocence.org]


Concernant Loti: je ne pourrai tenir ma promesse de livrer ici un extrait supplémentaire de son Pélerin d'Angkor après avoir dû me séparer de mon exemplaire de cet ouvrage, emprunté à une bibliothèque privée (où l'on trouve des centaines d'ouvrages en français sur cette région du monde et cette époque, des livres reliés, dorés au fer et portant des titres tels que "L'Indo-Chine: mes chasses, mes voyages" par le Duc de Montpensier ! Des merveilles que je ne retrouverai que dans une quinzaine de jours si j'ai de la chance.
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