À l’origine de toute technique il y a toujours un savoir ; ce savoir consiste en une compréhension d’un phénomène donné de façon à pouvoir le reproduire et en moduler les effets ; ce qui est révélé par toute application technique est donc la nature mise à nu, et à disposition — de nos besoins, de nos désirs, de nos fantaisies, de nos fantasmes ; elle révèle donc non seulement le mode d’apparition, pratiquement de fonctionnement, des phénomènes, mais aussi des phénomènes que nous sommes à nous-mêmes, dévoilant ainsi la nature et la nature humaine ; ce "dévoilement" est provoqué par notre volonté à l’encontre d’une nature sommée de "livrer tout ce qu’elle a" à seule fin utilitaire de satisfaire nos désirs, n’importe quel désir, d’ordre idéologique, érotique, de commodité etc., et ce beaucoup plus rapidement et brutalement que ce qu’un cours pour ainsi dire naturel des choses nous aurait permis d’espérer.
Récapitulons : quel peut être dans cette optique le lien entre les châlits, tokyoïtes ou auschwitziens, et la sorte de confiscation généralisée du réel sous forme d’inter-connectivité infinie des choses avec la mise en œuvre de l’Internet of Things, ou Internet of Everything (dont en vérité les "slips titillants" ne sont qu’une idée d'application toute personnelle et badine, encore que possible) ?
Je crois que j’avais déjà répondu à cette question : une mise en coupe réglée et industrielle, low ou high tech, du réel, nature, choses et hommes, à des fins utilitaires, et rendue possible par ce qu’il faut bien appeler un accroissement exponentiel de vérité — le savoir efficace des sciences et techniques.
A vrai dire, c’est comme si on se servait de la vérité pour violer le réel.
Une mienne contribution dans ce sens dans une discussion qui date déjà
de six ans : « J'en reviens toujours à cette idée paradoxale en apparence, que la technique la plus poussée, plutôt que de déposséder les hommes de ce qui leur appartiendrait de plus inaliénable, opère au contraire comme révélateur, réalise, met en œuvre, manifeste proprement quelques caractéristiques fondamentales de la condition humaine, en les jouant, les mimant en accéléré, comme un récapitulatif d'exercices pratiques.
Cela peut être effectivement "dangereux", mais dans le sens d'une exposition trop brusque et brutale à une meilleure approximation de ce que serait la "vérité", sans la protection des couches protectrices artificielles que constituent nos illusions salutaires [et notre bienheureuse ignorance]. »