Permettez-moi, cher Rémi, de paraphraser Caïn
himself, auquel vous m’avez fait penser avec ces histoires de "collègues" : non mais, suis-je le gardien de mon collègue ?!?
On peut du reste très bien apprécier un auteur, trouver sa pensée stimulante, étonnante, profonde même, voire être tenté de le défendre si on estime qu'il a été injustement attaqué, ou mécompris, sans pour autant totalement la partager, si tant est qu'on l'aura vraiment comprise soi-même.
Sans compter le démon de l'esprit de contradiction, qui peut vous faire épouser momentanément certaines idées ou façons de penser qui ne seraient pas vraiment les vôtres, ça arrive...
Pour tout vous dire, dans ce "match" entre les champions de vérité, les logiciens, les "analytiques", d'une part, et les poids lourds métaphysiciens type Heidegger de l'autre, je suis plus naturellement enclin à avoir la plus grande partie du corps et de la tête dans le camp des premiers ; mais pas tout à fait non plus : cela ne suffit pas, en réalité, c’est trop limité, d’ailleurs ces gens sont des arpenteurs nés, ils quadrillent, considèrent au premier chef la pensée comme la délimitation d’un territoire : ce qui peut être perçu, décrit, vérifié, mis en rapport, travaillé par la logique, puis on clôture, au-delà de quoi ce serait n’importe quoi, l’informe et l’impensable, le no man’s land de la pensée.
Ce n’est évidemment pas si simple, et on ne peut pas ne pas jeter un coup d’œil intrigué, un peu incrédule, vers ceux qui vous parlent de la question de l’être ( !), de son surgissement et d’un possible recouvrement d’icelui, après la grande oblitération, et dont il semble que le questionnement philosophique s’approche parfois dangereusement de ce qu’on ne peut faire autrement qu’appeler "intuition mystique", faute de meilleur terme.
Je suis sûr que ce genre de choses doit même démanger de temps en temps un prudhomme comme vous…
Enfin,
most of the time, j’aurais plutôt tendance à écrire ceci, de ce
débat qui portait justement sur ces questions, face à un interlocuteur très heideggerien, lui (et dont je regrette du reste beaucoup l'absence) :
Citation
Alain Eytan
» La pensée calculante et planificatrice, dont la domination s'exerce à travers la technique, la science et l'économie, s'articule toujours en tant que projet
Pourquoi le projet de dire le vrai n'existerait pas en tant que tel ? La pensée qui délimite son domaine de compétence selon ce qu'elle s'impose comme règles définissant le savoir valide, cette pensée-là ne peut s'exercer sans l'irrésistible soif de dominer et de posséder ? N'y a-t-il donc pas des chercheurs animés par la volonté de savoir, de percer à jour, de découvrir ce qui est, c'est-à-dire le vrai, et de l'exposer de la façon la plus exacte possible ? Quelles que soient d'ailleurs ces supposées "motivations profondes" qui poussent les gens à savoir, en quoi et pourquoi celles-ci invalident-elles la valeur et la vérité de ce savoir, en fait ?
Car enfin, nous resservir à satiété la doxa heideggerienne sur la technique etc., c'est très bien, on la connaît déjà un peu, mais concrètement, la capacité de raisonner correctement et de distinguer le vrai du faux, cela n'existe pas en réalité, n'a jamais été qu'une illusion formaliste dont se pare le dominateur fascisant par excellence, le logicien, et n'importe quelle billevesée un peu ronflante et joliment coloriée vaudra toujours au moins autant qu'un discours cohérent et soucieux d'adéquation au faits ?
Mais franchement, qu'est-ce que c'est que ces histoires, et vous gobez tout ça sans réserves, les amis ?
Pas moi, en tout cas, désolé...