Le site du parti de l'In-nocence

Communiqué ?

Envoyé par Kiran Wilson 
10 décembre 2010, 10:50   Communiqué ?
Genet aurait eu cent ans le 19 décembre prochain.
Un communiqué du P.I. sur ce grand In-nocent ?
10 décembre 2010, 11:32   Re : Communiqué ?
Kiran,


Pensez-vous sérieusement que Genet, grand maître de la provocation et fanatique de la Palestine, corresponde aux valeurs de l'In-nocence ?
10 décembre 2010, 11:43   Re : Communiqué ?
Oui et non, cher Jean-Marc.

Non, bien sûr, par ses soutiens politiques et sa haine affichée et répétée du "monde blanc".

Mais oui d'une façon retorse et complexe : son parcours (littéraire et personnel) montre splendidement (car son écriture est l'une des plus belles du siècle) en quelle impasse conduit la voie idéologique et poétique où il s'est engagé. Au moins a-t-il eu le courage d'aller jusqu'au bout de cette erreur et d'en accepter les conséquences.

Il y aurait bien d'autres choses à dire sur Genet, mais le temps me manque. Je l'ai rencontré peu de temps avant sa mort, à Paris. Je n'étais d'accord avec lui à peu près sur rien mais il m'a ébloui...
10 décembre 2010, 12:56   Re : Communiqué ?
Qu'il soit éblouissant, je suis d'accord avec vous. Cela étant, il est (et a voulu être) un marginal, un réprouvé. Cela n'enlève rien à sa grandeur, mais ne le qualifie pas forcément pour le prix de l'In-nocence !
10 décembre 2010, 13:29   Re : Communiqué ?
Non certes pour le prix de l'Innocence, Jean-Marc, vous déformez mon message. Je suis très pris en ce moment : dès que j'en aurai le temps, je vous dirai en quoi malgré tout selon moi, aussi paradoxal que celui puisse sembler, l'oeuvre de Genet est sinon in-nocente, du moins "récupérable" (quel mot horrible !) dans le combat qui nous rassemble ici.
10 décembre 2010, 13:40   Re : Communiqué ?
Ceci dit, je vous ai livré une opinion, je ne suis en rien comptable de ce qui est in-nocent ou non.
10 décembre 2010, 14:43   Hear ! Hear !
Oufffffffa....
10 décembre 2010, 20:35   Re : Communiqué ?
Citation
Kiran Wilson
Non certes pour le prix de l'Innocence, Jean-Marc, vous déformez mon message. Je suis très pris en ce moment : dès que j'en aurai le temps, je vous dirai en quoi malgré tout selon moi, aussi paradoxal que celui puisse sembler, l'oeuvre de Genet est sinon in-nocente, du moins "récupérable" (quel mot horrible !) dans le combat qui nous rassemble ici.

Expédiez vite vos affaires alors, si je puis me permettre, cher Kiran Wilson, car cela sera très intéressant...
(Dans le Journal du voleur, je crois, Genet dit : "On nous châtre de l'infamie" à l'annonce de la fermeture du bagne de Cayenne ; Rimbaud avait écrit, démenottant ses mains : "...les criminels dégoûtent comme des châtrés" ; ce sont pratiquement des phrases tête-bêche.)
Utilisateur anonyme
10 décembre 2010, 22:09   Re : L'oeuvre, l'oeuvre....
Il y a le très bel enregistrement du Condamné à mort, dit par Jeanne Moreau, chanté par Etienne Daho, sur une musique d''Hélène Martin. C'est splendide et j'en recommande l'écoute. Le CD vient de sortir.
13 décembre 2010, 05:54   Re : Communiqué ?
Quelques remarques rapides :
a- L'oeuvre de Genet nous parle d'un autre temps (d'avant le Désastre) : en relisant "Journal du voleur" récemment, j'ai été pris d'une singulière nostalgie pour cette France d'avant, ce monde interlope des voyous, des gouapes, des pédés de Paris et d'ailleurs dont il parle si bien, et qui comparé à l'univers de la délinquance d'aujourd'hui paraît presque poétique, naïf, in-nocent, comme ayant déjà sombré dans une autre dimension ; son oeuvre nous fait donc bien voir, par comparaison, tout ce qui a été perdu, ce que nous avons fait de notre monde, jusqu'où par inconscience ou manipulation nous sommes allés ;
b- Genet, comme on le sait, est passé par l'Assistance et a arrêté ses études après le certificat : la prose si belle qu'il a écrite doit donc presque tout (même s'il a par la suite lu énormément et acquis, quoi qu'il en ait dit, une immense culture) à ses instituteurs ; là encore la comparaison avec la situation actuelle s'impose ; elle rend éclatante l'immensité de ce Désastre ; bien sûr, tous les écoliers nés vers 1910 n'ont pas eu le talent de Genet ; mais beaucoup d'entre eux avaient une maîtrise remarquable de la langue, comme mon propre grand-père maternel, né en 1911 et qui lui aussi a arrêté ses études après le certificat ; on vient de publier des lettres de la mère de Genet : qu'on les lise, et qu'on les compare avec la prose académique actuelle ;
c- il y a dans toute l'oeuvre de Genet et dans sa "pensée" (un bien grand mot...) politique une évidente pulsion de mort dont il était conscient et qui probablement le réjouissait ; or cette pulsion de mort n'est pas propre à Genet, mais à tout un courant littéraire et artistique qui a traversé le 19ème et le 20ème siècles (de Sade à Sartre pour faire vite, en passant par les surréalistes) : Genet nous rend cette pulsion lumineuse, là où chez d'autres elle n'est que voilée ;
d- enfin Genet, par son écriture et de façon évidemment contradictoire avec cette pulsion de mort, est un écrivain in-nocent dans la mesure où son regard enchante le monde, le subtilise, nous pousse à l'admirer à notre tour, qu'il parle d'une fleur, d'un visage, d'un caillou ou d'une bite ; il est à ce niveau un anti-Sartre ; et il est en cela très français, lui qui abominait la France pour ne pas oser dire qu'il en était amoureux fou ; une fois encore, si on met en relation sa prose avec celle des pseudo-rebelles d'aujourd'hui, on voit clairement tout ce qui a sombré ; Genet n'était en aucune façon un écrivain "révolutionnaire" même s'il a su entretenir l'équivoque, mais profondément conservateur et mémoriel comme tout grand écrivain ; il écrivait d'abord pour ses morts, ses amis et amants morts, ses passions mortes, et se fichait comme d'une guigne de la transformation et de l'amélioration du monde ; quand je l'ai croisé tout à la fin de sa vie, il ne m'a jamais dit un mot sur son oeuvre, à laquelle il semblait fort peu attaché ; en revanche il m'a beaucoup parlé (si j'ose dire, car son cancer le rendait presque aphone) de Mallarmé et de Nerval ;
(e- il est bien sûr possible que tout ce que je viens d'écrire ne soit qu'une théorie d'inepties : qu'on m'en excuse.)
13 décembre 2010, 09:25   Re : Communiqué ?
Pour moi, j'ai été très intéressé par vos remarques, cher Kiran Wilson ; et, curieusement, même si je ne suis pas convaincu, je vous trouve assez convaincant.
13 décembre 2010, 09:30   Re : Communiqué ?
Passionnant.
13 décembre 2010, 09:48   Re : Communiqué ?
En effet. En voilà une précieuse acquisition (si j'ose dire...).

Vous ne voudriez pas le suggérer, le communiqué ? Nous le mettrons ensuite en style "parapluie avalé" (nous disposons de puissantes machines qui font ça automatiquement).
Utilisateur anonyme
13 décembre 2010, 10:13   Re : Communiqué ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
13 décembre 2010, 10:27   Claudel et la tolérance
Oh pardon Commandeur...
13 décembre 2010, 10:36   Re : Communiqué ?
Citation
son oeuvre nous fait donc bien voir, par comparaison, tout ce qui a été perdu, ce que nous avons fait de notre monde, jusqu'où par inconscience ou manipulation nous sommes allés ;

Genet n'a jamais été ma tasse de thé mais chapeau pour votre texte, Mr. Wilson, qui est comme le dit Marcel passionnant.
Utilisateur anonyme
13 décembre 2010, 10:44   Re : Communiqué ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
13 décembre 2010, 10:48   Re : Communiqué ?
Kiran,


Je trouve les photographies de couverture de la collection Folio superbes (celles du Journal du voleur et de Notre-Dame-des-Fleurs).

Cela étant, je ressens un grand malaise à la lecture de parutions ultérieures, comme l'introduction aux Frères de Soledad.
13 décembre 2010, 10:49   Re : Communiqué ?
Didier, nos messages se sont croisés !

Je pense que s'il était question de Black Panthers, il a dû être question de Soledad, de George Jackson et de l'abominable introduction que je cite. Je n'ai pas écouté l'émission, s'agissait-il de cela ?
Utilisateur anonyme
13 décembre 2010, 10:52   Re : Communiqué ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
13 décembre 2010, 10:57   Re : Communiqué ?
J'attends avec grand intérêt la parution du communiqué.
13 décembre 2010, 11:03   Re : Communiqué ?
A mon tour, cher kiran Wilson, de vous dire que j'ai trouvé votre commentaire passionnant et très juste.

"ce monde interlope des voyous, des gouapes, des pédés de Paris et d'ailleurs dont il parle si bien"

Francis Carco, a lui aussi très bien parlé, autant que je m'en souvienne, de ce monde.
13 décembre 2010, 11:07   Re : Communiqué ?
Oui, Cassandre, Carco en a parlé, mais en termes, je trouve, davantage poétiques et sans détester le reste de la société.
13 décembre 2010, 12:12   Re : Communiqué ?
Sans vouloir la ramener, chers amis, je crois qu'il faut distinguer les écrits politiques de Genet, sans grand intérêt littéraire et peu convaincants, et presque illisibles aujourd'hui (sa défense de Baader et de sa bande à la une du "Monde" en 77, "Violence et brutalité", par exemple), de son oeuvre véritable. Son dernier livre, "Un Captif amoureux", consacré aux Palestiniens et aux Black Panthers, n'est un livre politique qu'en apparence. C'est un chant d'amour et d'adieu au monde où il y a des pages d'une beauté bouleversante, mais aussi pas mal de déchets (Genet en effet ne se relisait jamais), déjà le livre d'un mort, écrit comme par-delà la mort. Il joue dans son oeuvre le même rôle que la "Vie de Rancé" dans celle de Chateaubriand (l'analogie n'est pas de moi ; de Sollers peut-être ?). Cela dit, j'admets qu'on n'aime pas Genet ou que sa lecture rebute. Il n'a jamais rien fait pour être aimé par ses lecteurs, du reste.
13 décembre 2010, 13:46   Re : Communiqué ?
L'oeuvre et le personnage de Genet se superposent à ceux de l'Américain Jack Kerouac. On y croise un peu les mêmes figures. On baigne dans l'autofiction picarresque et fantasmée (On the Road plutôt que "Vie de Rancé"). Genet, au physique, avait quelque chose de Kérouac. J'ai lu Notre-Dame-des-Fleurs à vingt ans, et le Journal du Voleur, avec le sentiment de me replonger dans "The Subterraneans" et autres clochards célestes. La beauté bouleversante de ces textes m'avait gêné. Ils étaient trop beaux, ils suppliaient d'être relus, je que je n'ai jamais fait, de crainte d'être déçu. Il est possible que cette timidité face à un texte qui pourrait vous décevoir à la relecture s'appliqua à Genet lui-même qui ne se relisait point, comme vous dites.

Qui nous dira pourquoi et comment l'époque, d'un continent à l'autre, produit des textes littéraires presque superposables dans l'esprit et qu'elle fasse cela au point que le résultat en est presque couru d'avance ?
13 décembre 2010, 15:13   Re : Communiqué ?
Genet avait la "phrase facile", mais il a sombré politiquement et même poétiquement dans le kitsch et le mauvais goût : "Aux élections, les Black Panthers préféraient leur érection" (je cite de mémoire), mais ce genre de jeu de mots a quelque chose d'un Coluche, non ? Et ce n'est pas dans les écrits politiques, mais dans ce qu'on vient de comparer ici "La Vie de Rancé"...
13 décembre 2010, 21:39   Si le héros combat la nuit...
Je dirais comme Francmoineau, cher Kiran, vous êtres convaincant, et pourtant je ne suis pas convaincu, concernant l'in-nocence de Genet...
Je dirais même plutôt qu'il fut à mon sens hautement, caractériellement nocent, et que sa langue, par moments si admirable, réalise le tour de force de nous adresser, impeccablement et selon toutes les règles de notre art, la grenade qu'il aurait voulu nous faire exploser à la gueule. Je ne l'ai bien sûr pas connu, aussi puis-je me tromper du tout au tout, mais le sentiment très fort que j'avais jadis retiré de quelques uns de ses livres, qui m'avaient fort impressionné, est qu'il n'en finirait jamais de dévider ce tube de vaseline décrit longuement dans le Journal du voleur, relique, si ostensiblement exposée lors d'une arrestation, de l'abjection retournée, déroulée en une sorte de sainteté à rebours pompeusement revendiquée, et qui seule pourrait lui faire tenir le coup. Je crois ses éloges des collabos, des traitres, des petites crapules et des poseurs de bombes absolument sincères, ce qui m'incline à penser qu'il aurait adoré les petites frappes de banlieue, par pure passion de la destruction, gratuite, sans contrepartie ni valeur esthétisante ajoutée d'aucune sorte.
Bref, je prends plutôt ses clichés, parfois en effet très kitsch et de mauvais goût, tels qu'il nous les présente, un peu comme je concède à Nietzsche le droit de se réclamer de l'explosif, et de l'être finalement...
13 décembre 2010, 21:51   Ostensiblatoire
Personnellement, la pompe de Jean Lorrain a ma préférence.
Utilisateur anonyme
13 décembre 2010, 22:34   Re : Communiqué ?
Et puis Jean Genet contredit l'une des théories de Renaud Camus sur la transmission héréditaire de la culture, telle qu'elle s'exprime notamment dans son Journal 2009 (p.238) :

Citation

Mon sentiment de plus en plus fort est que la culture, dans son existence même, est liée à l'hérédité, à l'héritage, à la transmission héréditaire.

Alors, évidemment, un enfant de l'assistance publique comme Genet, écrire dans une telle langue.... Mais bon, c'est une exception naturellement.
13 décembre 2010, 22:43   Re : Communiqué ?
Côme, Genet était né de père inconnu... qui sait ?
13 décembre 2010, 23:10   Re : Communiqué ?
Il m'a toujours été impossible d'associer le plus petit plaisir de lecture à la moindre question de l'origine sociale de l'auteur et, bien souvent, c'est précisément au moment où on la voit poindre, avec la prétention de fournir un quelconque "élément" de compréhension de l'oeuvre, que le livre me tombe des mains.

Genet m'est apparu, comme à tant d'autres, sous une certaine pompe biographique et je n'ai pas su aimer longtemps cet écrivain (la voix de Jeanne Moreau mise là-dessus...) C'est d'ailleurs toute cette époque de la littérature qui ne me sourit pas, toutes ces trognes d'existentialistes, leurs engouements, leurs lancements, leurs problématique sur l'engagement et leur postérité. J'ai feuilleté récemment une série de Magazine littéraire du début des années soixante en étant obligé de reconnaître que je n'avais qu'une connaissance très lacunaire de la plupart des écrivains à "numéro spécial", avec qui la rencontre ne s'est pas faite.

On vient de réunir les oeuvres de Boris Vian dans la collection de la Pléïade. Boris Vian est l'écrivain qui me tombe vraiment des mains. Avec une anthologie de romanciers de l'entre-deux guerres on ferait un très bon volume.
14 décembre 2010, 05:57   Re : Communiqué ?
Je suis le premier à dire qu'un livre comme "Un Captif amoureux" est très inégal, et que le sublime y côtoie l'à peine médiocre. C'est vrai du reste pour toute l'oeuvre, même pour ses plus grands textes comme "Miracle de la rose" ou "Pompes funèbres" (chant d'amour pour un de ses amants résistants). Genet travaillait énormément sa prose mais, quand il s'estimait satisfait d'une page, il s'en détachait. Il y a donc chez lui maintes scories, des lapsus grammaticaux etc. que ses éditeurs n'ont jamais ou pas osé corriger (mais il y en aussi beaucoup chez Proust par exemple). Il y a entre Genet et Kerouac et la beat-generation certes des convergences, mais aussi d'énormes différences. La question du Mal par exemple. Genet était fasciné par le Mal, voulait le chanter, et en même temps ne pouvait pas s'empêcher de penser un peu que ce Mal dont il s'était fait le héraut (et le héros) était un Bien inversé, et que c'était le Bien des honnêtes gens (celui du "monde blanc") qui était le vrai Mal. D'où ses soutiens aux Palestiniens, à Baader, aux Black Panthers. Les poètes beat sont bien plus naïfs, donc plus in-nocents. Au fond, j'ai toujours pensé que Genet était un grand écrivain gnostique (aller vers le Haut par le Bas, s'avilir pour se sublimer etc.). Il était aussi fasciné par les saints, révérait Jeanne d'Arc et connaissait presque par coeur des pages entières de la "Légende dorée" de Voragine. On peut évidemment trouver toutes ces postures risibles. Elles ne le sont pas pour moi puisqu'il en a accepté les conséquences personnelles, jusqu'à cette mort solitaire dans une petite chambre d'hôtel. Je l'ai un peu connu, je l'ai dit. Si j'avais un quelconque talent d'écrivain, je raconterais comment.
14 décembre 2010, 06:44   Re : Communiqué ?
A propos de ses engagements "pour le Mal", dont il a été question ici, s'agissant notamment du Captif amoureux: voir ce qu'en disait il y a trois mois Bruno Chaouat, qui me surprit un peu en faisant surgir ce livre dans un fil de discussion où l'on aurait pu penser qu'il n'avait rien à y faire, mais qui, à la réflexion, tapa dans le mille. Le problème de la poursuite du Mal (comme un peu celle de la Vérité), c'est qu'un jour, on le rattrape et qu'il nous fait prisonnier. Il n'y a pas de jeu plus simple que celui du Mal: il suffit pour s'y livrer d'inverser ce que l'on sait du Bien. Mais hélas le Mal, lui, nous prend au sérieux, n'est ni ludique ni facétieux comme nous le voudrions, et il nous capture et le "jeu" avec lui, que l'on voudrait faire cesser, ne cesse plus. S'instaure alors la dynamique de la fuite en avant. Méphistophelès le répète dans tous les pactes qu'il propose: il n'y a pas de retour en arrière possible. C'est la phrase luciférienne par excellence, et qui s'oppose à la magie blanche du pardon et de la reprise.

Si vous m'autorisez à me citer, voici un court extrait du billet sur Pierre Laval, auquel B. Chaouat avait répondu en me disant que ces quelques lignes l'avaient aidé à mieux comprendre "le Captif amoureux":

Ayant lu hier la notice biographique Wikipédia de Pierre Laval, j'ai été frappé par cette phrase qu'il prononça en réponse à des commentaires critiques émanant de son entourage politique: Je ferai le bonheur des Français malgré eux. Il y a tant de choses dans cette déclaration (qui résume l'axiologique fasciste). Mais j'en retiendrai ici un aspect, criant et qui crie à l'unisson avec les Amis du Désastre: celui de la fuite en avant. Plus on s'enfonce, et plus on en déduit que si l'on s'enfonce, c'est que les prescriptions, les recettes, les lignes de force du programme qui nous ont amenés là n'ont pas encore été appliquées aussi pleinement qu'elles le devraient. On retrouve ce trait psychologique chez certains spéculateurs ou joueurs pathologiques: s'ils continuent de perdre, c'est parce qu'ils n'ont pas encore misé assez gros. Celui qui se lance dans la fuite en avant a résolu de voir le monde à l'envers, et ce à tout jamais, quoi qu'il arrive, jusqu'à la mort (cas d'école de Pierre Laval).

(....)

Il s'agit d'une logique de possédé, d'une pulsion de mort, tout simplement, émise par le cerveau reptilien (si le nazisme a échoué, c'est parce qu'il n'a pas pu tuer suffisamment de juifs, qu'il n'a pas eu le temps d'aller au bout de son entreprise, etc.). Du reste, tous courent à la mort (du joueur que l'on retrouvera pendu dans sa mansarde, au spéculateur ruiné qui se défenestrera en passant par toutes les figures politiques qui leur ressemblent). La fuite en avant n'est rien d'autre qu'une précipitation à embrasser la mort par mille moyens que certains -- les islamistes à ceinture d'explosifs -- ne prennent même plus la peine de travestir ou de feindre d'investir d'un sens politique quelconque.

(....)

Au risque d'en faire sourire certains, je dirais que la fuite en avant (vers la mort) est un parti pris satanique d'inversion du réel. J'ai écrit "logique de possédé" en ce sens. Pour maîtriser le réel, sortir enfin d'une évolution douloureuse qui prend tous les jours davantage l'aspect d'une impasse, il faut voir le réel et les lois qui le régissent à l'envers, comme le sataniste inverse la croix. Pierre Laval inversait tout: le malheur du peuple de France devenait une sorte de bonheur qu'il fallait regarder la tête en bas pour bien le comprendre et le percevoir. Pour le sataniste, celui qui embrasse la mort sur la bouche, le salut est occulte, caché, dissimulé dans le Graal du malheur, coupe qu'il faut faire boire à tous jusqu'à la lie ; le communiste, l'islamiste, à cet égard, se ressemblent bien.

Embrasser la mort à pleine bouche: il faut avoir vu les images des islamistes auteurs des attentats de Bali, le jour où fut prononcé leur sentence, l'énoncé de leur peine capitale, par le tribunal qui les jugea à Jakarta; ces hommes (ils étaient deux, leurs noms importent peu), littéralement, sautèrent de joie comme des cabris dans le prétoire à l'annonce de ce verdict, s'exclamèrent avec des sourires illuminés que Dieu est grand, s'embrassèrent avec effusion... Leur fuite en avant avait abouti. Le prononcé de leur libération ou d'un non-lieu les eût fait s'effondrer, leur eût été le plus pénible des châtiments.

La fuite en avant, c'est, de bout en bout, Viva la Muerte, et rien d'autre.

14 décembre 2010, 07:19   Re : Communiqué ?
Il y a bien une "fuite en avant" dans les engagements politiques de Genet comme dans les idéologies qui gouvernent la France depuis 40 ans. Ce que j'ai appelé plus haut une "pulsion de mort". Et c'est ce qui rend tellement éclairante et précieuse la lecture de Genet, qui illumine ce qui chez d'autres Modernes (dont Sartre) demeure voilé.
En même temps, l'écriture de Genet contredit, par sa minutie poétique, cette pulsion de mort puisqu'elle est (entre autres choses) un chant d'amour, une célébration du monde (même si c'est un monde renversé) et donc une réconciliation, un dialogue avec la mort et avec les morts, et c'est là selon moi que réside son in-nocence. Mais ce n'est peut-être qu'un écho personnel.
Pour en finir avec ses engagements ou sa passion pour le Mal, il y avait sans doute aussi une part de fumisterie derrière tout ça. Genet adorait "épater le bourgeois", créer de mini-scandales dans la rue ou ailleurs (j'en ai été le témoin), comme Baudelaire paraît-il se vantait de crimes qu'il n'avait bien sûr pas commis.
La personne qui m'a fait rencontrer Genet et qui le fréquentait depuis le début des années 70 m'a raconté qu'il parlait très ironiquement et assez méchamment de Sartre, par exemple ("Un petit-bourgeois, un gogo, un écrivain de deuxième ordre"), et qu'il était très content de la façon dont il l'avait bluffé en lui racontant sa vie, dont Sartre a fait son "Saint Genet, comédien et martyr".
14 décembre 2010, 07:39   Re : Communiqué ?
Voler, trahir, assassiner, je veux bien, mais supprimer systématiquement les espaces avant les : et les ;, tout de même...
14 décembre 2010, 08:53   Re : Communiqué ?
Orimont,

Boris Vian est un très bon auteur pour adolescents. Ceci dit, "J'irai cracher sur vos tombes" est très bien, mais peu lu. Il appartient au genre considéré comme mineur du roman policier.
Utilisateur anonyme
14 décembre 2010, 09:19   Re : Communiqué ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 décembre 2010, 10:08   Re : Communiqué ?
Jusqu'à présent, je m'étais senti assez seul à dire que je ne parvenais pas à trouver le moindre intérêt à la lecture de Boris Vian.
14 décembre 2010, 10:12   Re : Communiqué ?
Connaissez-vous sa pièce Les Bâtisseurs d'empire, cher Eric ?

[fr.wikipedia.org]
14 décembre 2010, 10:24   Re : Communiqué ?
Citation
Boris Vian est l'écrivain qui me tombe vraiment des mains.

Boris Vian, voilà un écrivaillon que je n'ai jamais pu lire.

Sa notoriété imméritée, essentiellement dûe à son livre "j'irai cracher sur vos tombes", à la chanson Le Déserteur et la guerre d'Algérie, a éte artificiellement montée en épingle par l'intelligentsia crypto-communiste dans les années cinquante et soixante.

Que ses écrits médiocres bénéficient d'une publication à La Pléiade est inoui.
Utilisateur anonyme
14 décembre 2010, 10:29   Re : Communiqué ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 décembre 2010, 11:25   Re : Communiqué ?
Non, cher Francis, je ne suis pas allé jusque là.
14 décembre 2010, 11:53   Re : Communiqué ?
Pour en revenir à Genet, je crois que comme souvent il faut faire une distinction entre l'écrivain et l'homme. Si j'admire souvent l'écrivain - qu'il m'est aussi arrivé de trouver agaçant - je ne peux m'empêcher d'avoir une aversion pour l'homme. Je déteste ceux - ou celles - tels que lui, et sans doute tels que, inconsciemment, beaucoup d'amis du désastre, dont les humeurs de la libido déterminent l'engagement politique. En revanche je n'ai rien contre les Françaises - ou les Français - qui ont eu, pour amants, sans façons, sans que cela aille plus loin, des soldats allemands. Toutefois Genet a eu, au moins, contrairement à d'autres, la franchise de reconnaître explicitement ou allusivement à quoi il devait ses sympathies politiques.
14 décembre 2010, 12:06   Re : Communiqué ?
Cassandre,

Ce que vous dites est très juste.
14 décembre 2010, 12:49   Re : Communiqué ?
Vous touchez quelque chose de juste, chère Cassandre (si j'ose dire...). Quand j'ai lu dans un entretien de Genet qu'il affirmait (je cite de mémoire) : " Je ne pourrais pas coucher avec un Juif ", j'ai été atterré. En même temps c'est plus compliqué parce que Jean Décardin, son amant et l'une de ses plus grandes passions, à qui est dédié "Pompes funèbres" et qui en est un des personnages centraux, mais absent puisque mort (tué par la Milice), était un résistant. En même l'homme tel que je l'ai si peu connu était vraiment fascinant ; très courtois, ironique et distant ; très cérémonieux et brutal à la fois ; et parlant une langue admirable (du moins avec ce qui lui restait de voix...). Les épigones modernes de Genet, en revanche (gays ou non), sont consternants...
14 décembre 2010, 12:57   Re : Communiqué ?
Cher Kiran,
Vous emportez ma conviction. Comme toujours, les pires sont les épigones, les suiveurs. Genet était sui generis.
14 décembre 2010, 12:58   Re : Communiqué ?
Arletty ne disait-elle pas : "Mon coeur est français mais mon cul est international" ?
14 décembre 2010, 18:48   Re : Communiqué ?
Je ne saurais trop vous en recommander la lecture. Un homme qui admirait Jarry et se plaisait en compagnie des lurons du Collège de Pataphysique ne pouvait être entièrement nul. Cette pièce le prouve.
15 décembre 2010, 07:59   Re : Communiqué ?
Et qui seraient les épigones modernes de Genet, par exemple ?...
Utilisateur anonyme
15 décembre 2010, 08:04   Re : Communiqué ?
Quand j'ai lu dans un entretien de Genet qu'il affirmait (je cite de mémoire) : " Je ne pourrais pas coucher avec un Juif "


Et BCJM, pourrait-il coucher avec un salafiste ?...
15 décembre 2010, 09:57   Re : Communiqué ?
Le Monde avait rapporté dans un article sur l'écrivain, peut-être au sujet d'une biographie qui venait de sortir que celui-ci avait avoué que "le chic fedayin" ( c'étaient ses mots ) n'était pas étranger à son soutien de la cause palestinienne.
15 décembre 2010, 10:02   Re : Communiqué ?
Sans aucun problème, cher K, idem avec un skinhead. Je suis en quelque sorte l'Arletty de ce domaine.
15 décembre 2010, 10:19   Re : Communiqué ?
Le regretté Guillaume Dustan pourrait être un des petits épigones de Genet. Il arrive aussi à Olivier Py d'endosser ce rôle. Jean-Louis Bastian (alias Jean-Louis Gabin), dans son roman "Chaque fête du sang" (c'est un vers du "Condamné à mort") se prend un peu pour Genet, sans en avoir le talent. Et bien des cinéastes admirateurs de la racaille mais habitant les beaux quartiers. Etc. Etc.
15 décembre 2010, 13:10   Re : Communiqué ?
Ou Juan Goytisolo, l'écrivain espagnol et islamophile, ami du reste de Genet avant qu'ils ne se brouillassent.
15 décembre 2010, 14:06   Re : Communiqué ?
Hmmm, tout la genetolâtrie, ça ne manque pas, les célébrants du mal (qui sont en fait les lieutenants de l'Empire du Bien), ce qui se la jouent radicaux, le "radical chic"... les rebellocrates, etc.
16 décembre 2010, 03:17   Re : Communiqué ?
J'aime Genet, mais les genetolâtres m'insupportent moi aussi. Or aujourd'hui toute la Bienpensance est genetolâtre. La plus belle des (in)fidélités pour un amoureux de Genet, surtout gay, serait d'aller à la messe chaque dimanche, et d'y communier.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter