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"Le Nom de la rose" pour les nuls

Envoyé par Félix 
04 août 2011, 15:04   "Le Nom de la rose" pour les nuls
Nouvelle étape de la Grande Déculturation...

Umberto Eco veut faire une nouvelle version du Nom de la rose (1980) mieux adaptée au public d'aujourd'hui. L'écrivain a confié au quotidien espagnol El Pais qu'il souhaitait se mettre "au niveau de la génération Internet", en simplifiant ce roman policier médiéval paru en 1980. Sa maison d'édition italienne publie, le 5 octobre prochain, un tout nouveau Nom de la Rose, débarrassé des citations latines, du vocabulaire trop soutenu et des tirades philosophiques. (C'est moi qui souligne.)

[www.lexpress.fr]
Shame on him !
Formidable aveu.
Utilisateur anonyme
04 août 2011, 15:37   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
(Message supprimé à la demande de son auteur)
J'ai aussi entendu la journaliste portugaise dont parle D. Bourjon ci-dessus. Peut-être est-elle "mainstream" ou trop optimiste, mais ce qui m'a frappé c'est la qualité remarquable de son français, non pas remarquable "pour une étrangère" mais remarquable en soi, à faire pâlir - où rougir de honte - les journalistes français de France Culture qui l'interrogeaient.
Citation
Didier Bourjon
Elle attribuait cela à la période de transition considérable que traverse le monde, estimant que les générations suivantes seraient sans doute plus à même de "raccrocher les wagons", de trouver des repères, etc. Elle était somme toute "optimiste" malgré tout, "mainstream" envers et contre tout.

C'est bien là la caractéristique des Amis du Désastre et autres niveau-montistes : dire que les choses vont bien quand elles vont mal et, quand on ne peut plus cacher la réalité, dire que si elles vont mal aujourd'hui, c'est uniquement pour aller mieux demain.
La pensée unique nous signale que les vrais problèmes de la France aujourd'hui sont les "discriminations" et autres "replis frileux" xénophobes. La Grande Déculturation ne faisant pas partie des champs surveillés avec attention par nos vertueux "vigilants", aucune mesure ne semble s'imposer pour enrayer le phénomène...

Je connaissais un professeur d'université en histoire du droit qui, bien que de gauche, ne pouvait que constater la baisse effrayante du niveau des étudiants, citant par exemple une copie d'examen dans laquelle le pape Innocent III était devenu "Papinot 103"...
Renaud Camus va-t-il récrire ses livres en langage SMS pour les rendre plus accessibles, pour devenir enfin un auteur populaire ?
Didier,

Pour une fois, je suis d'accord avec vous (et avec cette dame). Ces indignés sont un ramassis sans nom.
Utilisateur anonyme
05 août 2011, 07:53   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
05 août 2011, 08:44   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
Kiran Wilson, pour le Journal je propose de traduire les multiples développements sur les convertisseurs par :
"On ce ls gl, a cos de c scro"
Guy Debord prétendait que le livre d'Eco avait été écrit par un ordinateur ????
Debord voulait sans doute parler du "Pendule de Foucault" où un chapitre présente le programme informatique destiné à accomplir la synthèse de tous les complots de la Terre et de l'histoire, et de les unir en un immense plan.
Citation
Virgil
Debord voulait sans doute parler du "Pendule de Foucault" où un chapitre présente le programme informatique destiné à accomplir la synthèse de tous les complots de la Terre et de l'histoire, et de les unir en un immense plan.

Synthèse effectivement opérée par Alain Soral et consorts.
Umberto Eco a toujours été un homme de gôôôche.
Utilisateur anonyme
05 août 2011, 10:17   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
Tant que cette démarche putassière est entreprise par des écrivains "vivants", le fond n'est pas encore atteint...

L'horreur absolue serait de ne pouvoir s'opposer au remix intégral des œuvres jadis !
"La Chartreuse de Parme" pour les fans de "Bob l'éponge"...
Non, car Soral et consorts s'en tiennent au bon vieux complot judéo-maçonnique.
Dans le "Plan" des personnages d'Eco, il s'agit de mélanger tous les complots et toutes les sociétés secrètes de l'histoire - les personnages font ça comme une blague parce que la maison d'édition où ils travaillent publient beaucoup de ces livres délirants de "révélations", du type "comprendre l'empire" ou "les templiers sont parmi nous", ou encore "Elvis n'est pas mort, puisqu'il est président des Etats-Unis maquillé en noir"... Leur "Plan" - dont ils publient des morceaux ici et là - leur échappe et finit par les tuer : en effet, les abrutis qui aiment tant les complots finissent par y croire.
C'est un mélange de Soral, Dan Brown (l'Eglise est forcément menteuse et complice), de choses orientales, et de toutes sortes de délires mystico-scientifiques.
Soral, c'est Drumont-sur-Seine !
Utilisateur anonyme
05 août 2011, 10:51   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
Remarquons que lire Rustebuef (Rutebeuf) dans le texte original est devenu impossible depuis de nombreuses années pour les élèves. (les manuels fournissaient des « adaptations ») Depuis quelques années seulement c’est Racine qui est devenu illisible. Proust n’est plus possible depuis 15 ans (phrases trop longues, perte d’attention). En 40 ans on est passé de d’un écart de huit siècles à un siècle. Actuellement nous en arrivons à une incapacité de lecture des contemporains. Pour des auteurs comme Eco les références culturelles constituent d’ailleurs, plus que le style, la grande barrière. Il est l’heure de fermer la boutique de l’éducation.
05 août 2011, 11:08   Les noeuds ont éclaté
Il est l’heure de fermer la boutique de l’éducation... et de vendre des roses.

J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées,
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
Citation
Soral, c'est Drumont-sur-Seine !

Cher Virgil,
Je suis en train de lire La Fin d'un Monde et je regrette mais Soral n'arrive même pas à la cheville de Drumont qui mérite amplement l'hommage que lui a consacré Bernanos avec La Grande Peur des Bien-pensants.

Quel talent immense ruiné par une fixation délirante tournant à l'hystérie sur les juifs.
Cher Rogemi,
Vous avez raison. C'est encore faire beaucoup d'honneur à Soral.
Ce dernier n'est pas inintéressant. Son analyse du rapport homme-femme, surtout dans les banlieues et son analyse de la frustration aussi bien sociale que sexuelle sont assez justes.
Ses aperçus de géo-politiques sont simplistes. Son analyses des classes sociales autres que prolétaires sont tout à fait insuffisantes.
C'est tout à fait l'homme du ressentiment.
Citation
C'est tout à fait l'homme du ressentiment.

Tout à fait.

Mais le pire c'est ce mélange de pertinence, de profondeur de vue pour après s'égarer dans le vulgarité la plus repoussante. Soral est souvent d'une bassesse pitoyable.
La bassesse ne lui fait pas peur. Mais parfois, elle lui permet de frapper fort. Quand il répond à Guillon, ce pleutre qui l'attaque au Grand Journal où Soral ne sera jamais invité, devant des gens qui n'ont jamais lu une ligne de lui, ni entendu un seul de ses discours, il se contente de rappeler qu'il a baisé sa femme. Il faut savoir qui Guillon est avec une journaliste qui se piquait, dans les années 1980, de tout explorer, notamment les clubs échangistes et autres délices petit-bourgoises - dans le genre : je m'encanaille. Soral a beaucoup pratiqué la drague-lutte-des-classes (c'est le fond de sa pensée). Il était donc inévitable qu'ils couchent ensemble.
L'attaque de Guillon contre un quasi-inconnu du grand public et la réponse sur internet (donc assez confidentiel : il faut le chercher pour le trouver) résument assez bien le niveau du débat : c'est germanopratin et du niveau du théâtre de boulevard (sans doute le Boulevard Saint-Germain).
On n'y pense pas.
Citation
Virgil
Non, car Soral et consorts s'en tiennent au bon vieux complot judéo-maçonnique.

Alain Soral se fait aussi l'échos favorable des théories concernant les Bilderberg et la Trilatérale, lesquels groupes auraient à voir, selon les complotistes, avec les Illuminati. Je me suis intéressé à ces théories voilà deux ans de cela, et l'on est étonné de voir à quel point toutes se recoupent dans un espèce de système en forme de toile d'araignée, tant et si bien que quiconque sacrifie à l'une se retrouve aspiré par les autres... Fascinant.
Constance,

Lorsque vous écrirez comme Eco, vous pourrez juger sa démarche putassière. Cet écrivain de talent est propriétaire de son oeuvre, à tous les sens du terme.

Il souhaite en produire une version qu'il juge adaptée à un large public, cela ne diminue en rien la valeur de son oeuvre initiale.

Je saisis l'occasion pour rappeler que bien des collégiens ont eu comme premier contact avec le latin le "De Viris".
"Le pendule de Foucault" d'Eco explique très bien ce système auto-aspirant faisant converger toutes les théories complotistes. C'est ce qui fait l'étonnement des deux personnages travaillant, par amusement, sur "Le plan".
En effet, Le Pendule de Foucault est un excellent livre sur le sujet, et mon préféré entre tous ceux que j'ai lus d'Eco - les autres étant Le Nom de la rose et Baudolino.
Citation
Jean-Marc
Constance,

Lorsque vous écrirez comme Eco, vous pourrez juger sa démarche putassière. Cet écrivain de talent est propriétaire de son oeuvre, à tous les sens du terme.

Il souhaite en produire une version qu'il juge adaptée à un large public, cela ne diminue en rien la valeur de son oeuvre initiale.

Je saisis l'occasion pour rappeler que bien des collégiens ont eu comme premier contact avec le latin le "De Viris".

Ce n'est pas faux. J'ai moi-même été choqué par le projet d'Eco et de son éditeur, mais force est de reconnaître que les versions allégées et adaptées, notamment à l'attention des enfants des écoles, sont une pratique très ancienne... Beaucoup de cette culture classique qui était celle de nos aïeux leur a été transmise par la lecture d'extraits choisis ou d'adaptation des classiques, non par la lecture de leurs oeuvres intégrales, surtout quand ils étaient dans les petites classes...
Utilisateur anonyme
06 août 2011, 09:10   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
Les versions allégées donnent une connaissance superficielle et fausse, de l'œuvre. Mais elles doivent permettre de passer la barrière de la culture générale à l’ENA : donc de savoir que, quand le jury vous parle de madeleines et de jeunes filles en fleurs, il faut dire Proust (et réciproquement).
Les versions allégées peuvent donner aussi le désir de se débarrasser des versions allégées, mortelles d’ennui, et de passer au texte, donc de s’intéresser à la littérature. C’est assez rare.
Jean-François,

Voyez ceci :

[books.google.fr]

En général, Racine est présenté dans une version modernisée, du moins une version qui ne reprend pas des façons d'écrire anciennes.
"Renaud Camus va-t-il récrire ses livres en langage SMS pour les rendre plus accessibles, pour devenir enfin un auteur populaire ?"

L'entreprise de traduction des oeuvres de Renaud Camus en langage SMS est déjà bien entamée, voyez plutôt : [www.in-nocence.org]
Utilisateur anonyme
06 août 2011, 10:32   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
Jean-Marc. Je n’ai rien contre l’utilisation de la typographie de notre époque. Il est vrai que la typographie du XVIe au XIXe siècle déroute certain (les s principalement pris pour des f). Moderniser l’orthographe me paraît normal (ai au lieu ay, ait au lieu d’oit, suppression d’un certain nombre d’ü). D’ailleurs historiquement l’orthographe, invention bourgeoise du XIXe siècle, n’était pas fixée à l’époque de Racine.
Tant qu’il n’est pas touché au texte, mais seulement à sa présentation, tout va bien. Tant que des passages - lourdeurs inutiles disent certains - ne disparaissent pas tout va bien. Remarquons que si nous supprimions les » lourdeurs inutiles » la Recherche tiendrait en un volume. Mais cela n’aurait rien à voir avec la Recherche., Finnegans Wake tiendrait sur une page, le journal de Renaud Camus sur un timbre poste. L’intérêt de la chose m’échappe, sauf préparation des concours avec épreuve de « culture gé », degré zéro de la culture.
L’accès à la Littérature est difficile. Vouloir y aller sans effort, c’est partir ailleurs.
C'est un vieux débat, je pense.

Comme le notait William, l'accès aux oeuvres se faisait, dans le passé, par les "morceaux choisis", qui n'étaient pas pris dans la partie la plus difficile des oeuvres.

On ne me fera pas croire qu'un élève de troisième, pourtant bon en anglais, puisse lire un chapitre entier d'Ulysse. Je prends cet exemple étranger pour me faire comprendre : il faut faire les choses progressivement. On ne passe pas d'un seul coup de je ne sais quel abécédaire à la Recherche.
Utilisateur anonyme
06 août 2011, 11:18   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
On ne me fera pas croire qu'un élève de troisième, pourtant bon en anglais, puisse lire un chapitre entier d'Ulysse

Mais si, je l’ai fait. J’en ai pleuré (de douleur) et je n’ai rien compris, mais j’ai compris que j’approchais une grande œuvre. Bon, ma méthode est un peu rude. A la même époque j’ai lu la Recherche. Pareil, je suis passé complètement à coté, ces histoires de duchesses ne m’intéressaient que modérément. mais je suis allé jusqu’à la fin (qui n’est pas très bonne d’ailleurs) Et j’ai tout repris à 20 ans, et j’ai compris, je n’avais plus ce blocage sur les duchesses je les connaissais, et la fin toujours mauvaise.
(Pour Ulysses en commençant par la fin (le monologue de Molly Bloom) c’est plus facile : » : « and yes I said yes I will Yes » c’est pas compliqué et c’est d’un érotisme extraordinaire).
Mais je ne sais si mon exemple (méthode bulldozer appliquée à la littérature) est à suivre . Mais comprendre que l’on n’est pas prêt pour aborder une œuvre difficile mais qu’un jour…. est assez merveilleux.
Donc les morceaux choisis m’em.
Citation
William König
En effet, Le Pendule de Foucault est un excellent livre sur le sujet, et mon préféré entre tous ceux que j'ai lus d'Eco - les autres étant Le Nom de la rose et Baudolino.

Eh bien, la version modernisée de cet ouvrage sera désormais connue sous le titre Le Pendule de jean-Pierre Foucault.
L' Imprimerie Nationale avait publié il y a quelques années une intégrale de Racine dans la ponctuation d'origine. C'était une édition pour amateurs éclairés. Racine demeure très clair, même aujourd'hui. L'atticisme dont il fait preuve ne rencontre, en revanche, que des béotiens, d'où certains malentendus.
06 août 2011, 17:26   A thought experiment
Composer une oeuvre littéraire sans la moindre lourdeur inutile: trois cents pages de texte pur, d'action pure, desquelles il serait impossible de dégraisser plus de trois pages, où chaque paragraphe, ou presque, serait d'une absolue utilité pour l'intelligence de l'oeuvre, pour "ne pas perdre le fil de l'intrigue". Quelle serait pareille oeuvre ? Cette oeuvre existe-t-elle ? En fait, oui, probablement: il s'agit de lecture pour la jeunesse, le Club des Cinq, la bande dessinée, sont des "récits purs", et aussi, San Antonio (qui ne laisse souffler le lecteur qu'au prix de digressions folles, et balisées comme telles dans le texte).

Qu'en déduire ? Eh bien... l'incontournable: en dehors des moments d'érotisme que la littérature ordinaire, la littérature littéraire, ne transcrit guère, que la vie d'adulte n'est objectivement, et ceci sans vouloir être méchant envers cette malheureuse population adulte où se distinguent les pères comme des phares aveugles, n'est objectivement dis-je, car la littérature en son envers, en son creux, en tout ce qu'elle n'est pas et ne sait être, révèle cette limite: que lourdeur inutile. Renaud Camus, son oeuvre, composent une belle anomalie où l'on voit un adulte jouir comme un enfant navigant dans l'inutile et qui aurait fait la conquête, comme un arraisonne un navire en l'incendiant, de la torpeur adulte. Ils sont bien peu ces littérateurs qui firent la conquête bord-à-bord de la profonde lourdeur du monde inutile: Cendrars, Audiberti Jacques, Claudel Paul, Renaud Camus et puis qui? Quelques autres, il est vrai, et qui sont tout de même assez nombreux pour ne pouvoir être nommés. Mais enfin, qui, en littérature est adulte, donc inutile, et palpitant ? hormis ces quatre-là et Joseph Conrad, autant dire Shakespeare ?
Francis,

De mon point de vue, autant il est très regrettable de "ré-écrire" ce qu'un auteur a écrit, autant je ne pense pas possible de critiquer l'auteur qui, lui-même, alors que son oeuvre a eu un fort tirage, décide d'en écrire une nouvelle version, plus accessible.

Je ne vois pas bien ce qu'on peut reprocher à cela.
Si je me souviens bien, l'original était par trop didactique, ça sentait la doc à plein nez.
Le Club des Cinq, je vote pour...
Que pensez-vous alors de H. Bustos Domecq ?


Seis problemas para don Isidro Parodi est lisible par un enfant de 12 ans et qui n'aurait pas un goût particulier pour la littérature.
Utilisateur anonyme
07 août 2011, 13:28   Relativité de la notion d'utilité
Citation
Francis Marche
Composer une oeuvre littéraire sans la moindre lourdeur inutile: trois cents pages de texte pur, d'action pure, desquelles il serait impossible de dégraisser plus de trois pages, où chaque paragraphe, ou presque, serait d'une absolue utilité pour l'intelligence de l'oeuvre, pour "ne pas perdre le fil de l'intrigue". Quelle serait pareille oeuvre ? Cette oeuvre existe-t-elle ? En fait, oui, probablement: il s'agit de lecture pour la jeunesse, le Club des Cinq, la bande dessinée, sont des "récits purs", et aussi, San Antonio (qui ne laisse souffler le lecteur qu'au prix de digressions folles, et balisées comme telles dans le texte).

Qu'en déduire ? Eh bien... l'incontournable: en dehors des moments d'érotisme que la littérature ordinaire, la littérature littéraire, ne transcrit guère, que la vie d'adulte n'est objectivement, et ceci sans vouloir être méchant envers cette malheureuse population adulte où se distinguent les pères comme des phares aveugles, n'est objectivement dis-je, car la littérature en son envers, en son creux, en tout ce qu'elle n'est pas et ne sait être, révèle cette limite: que lourdeur inutile. Renaud Camus, son oeuvre, composent une belle anomalie où l'on voit un adulte jouir comme un enfant navigant dans l'inutile et qui aurait fait la conquête, comme un arraisonne un navire en l'incendiant, de la torpeur adulte. Ils sont bien peu ces littérateurs qui firent la conquête bord-à-bord de la profonde lourdeur du monde inutile: Cendrars, Audiberti Jacques, Claudel Paul, Renaud Camus et puis qui? Quelques autres, il est vrai, et qui sont tout de même assez nombreux pour ne pouvoir être nommés. Mais enfin, qui, en littérature est adulte, donc inutile, et palpitant ? hormis ces quatre-là et Joseph Conrad, autant dire Shakespeare ?

Francis, vous admettrez sans conteste l'aspect littéraire des Maximes de La Rochefoucauld, œuvre dont le sens serait fâcheusement entamé si l'on en supprimait un seul mot ou une seule phrase. Par ailleurs, je ne crois pas que la notion d'utilité soit absolue — ce qui est inutile au sens peut être utile à l'art, ces deux choses fussent-elles si facilement dissociables. Ce qui n'est que bagatelle aux yeux de l'homme du vulgus pecus peut apparaître essentiel et vital à ceux de l'homme distingué : telle mazurka de Chopin peut tout à fait délester le coeur d'un homme d'une lourde peine ; de même que la frivole interprétation d'un rêve, inutile légèreté aux yeux du commun, peut rasséréner l'homme en proie aux caprices d'Éros... — Voyez-vous, l'utile et l'inutile sont relatifs au degré de finesse de l'âme d'un homme. Je citerai mon maître : « [...] presque tout ce qui intéresse et séduit les gens d'un goût assez fin et délicat, et les natures supérieures, l'homme moyen n'y trouve "aucun intérêt" ; et s'il remarque malgré tout qu'on se dévoue à ces choses, il appelle cela de l'esprit désintéressé et s'étonne qu'il soit possible de cette façon. » (Par-delà bien et mal)
Utilisateur anonyme
09 août 2011, 10:20   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
Jean-Marc,

"Lorsque vous écrirez comme Eco, vous pourrez juger sa démarche putassière"

Le problème est que je ne cherche nullement à écrire comme Eco (dont je n'ai pas sous-entendu qu'il écrivait comme un bousier, bien que je sois parfaitement insensible à son talent si prisé par les amateurs de mystères tapageurs).
Mon modèle se situe plutôt chez Flaubert : un livre comme "Bouvard et Pécuchet", simple et cruel, ne nécessite aucun recours à un dictionnaire quelconque, ce qui ne diminue en rien sa prodigieuse richesse lexicale, au contraire.

"Cet écrivain de talent est propriétaire de son oeuvre, à tous les sens du terme."

C'est exactement, avec l'admiration en moins, ce que j'ai voulu dire plus haut.
Utilisateur anonyme
09 août 2011, 11:22   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Certes, Didier, certes.

Cela étant dit, et à propos de la difficulté des oeuvres, que pensez-vous de la démarche de Borges et de Bioy Casares, que j'ai citée plus haut, et qui consistait à écrire certaines de leurs oeuvres dans un style qu'on pourrait qualifier de facile ?

Je ne pense pas que quiconque, ici, remette en cause l'immense talent de Borges...
Utilisateur anonyme
09 août 2011, 11:34   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Didier,

C'est à mon avis un débat important. Avoir de la littérature une vision élitiste, c'est de mon point de vue courir un grave danger.

Qui pense à Borges pense forcément à Edgar Poe, dont Borges nous fait comprendre d'ailleurs qu'il inventa un nouveau lecteur en même temps qu'un genre, le roman policier.

Qui pense à Poe pense à Baudelaire, et à ses magnifiques traductions.

Baudelaire n'est pas un auteur mineur.

Dans la même ligne, et pour répondre à votre évocation d'un prince qui me fait penser au veau, je vais préparer un éloge de Batman.
Utilisateur anonyme
09 août 2011, 12:00   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Ah, c'est exactement ça ! D'ailleurs Le Figaro pense comme Jean-Marc : dans sa série des grands reportages estivaux consacrés aux beautés de la France, celui qui évoquait l'école s'indignait de son élitisme persistant. Voilà, toute trouvée, la solution à tous nos maux : haro sur l'élitisme !
Vous ne croyez pas si bien dire, Marcel.

L'enseignement classique français, pour les trois matières littéraires, s'intéressait, à la grande époque où il apprenait encore quelque chose aux élèves, aux auteurs les plus classiques possible, en se méfiant beaucoup de l'élitisme et des oeuvres excessivement formelles ou jugées trop difficiles.

Pour être très concret, il ne serait à mon avis pas venu à l'esprit d'un professeur, en 1950, de parler autrement qu'en passant de la Princesse de Clèves. Les années 1670, ce sont les années de Phèdre et du Malade imaginaire.

De même, pour le XIXème, on expliquait Flaubert, Maupassant, Hugo mais très peu Mallarmé.

Prenez le cas du latin : Tacite, auteur quelque peu hermétique, se voyait préférer Tite-Live.
Barbey d'Aurevilly ne figurait même pas au Lagarde & Michou.
XXième siècle, édition de 1966 (donc avant le Désastre).


34 pages pour Proust.

33 pour Romain Rolland.

0 pour Crevel.

1 pour Saint-Pol-Roux, avec l'inoubliable "Soir de brebis".
Dit autrement, Marcel, et sous le contrôle avisé de Florentin, un étudiant qui se lançait dans des études supérieures il y a cinquante ans avait forcément lu les textes contre Verrès ou Catilina, et avait au moins entendu parler de Milon. En revanche, s'il ne se spécialisait pas en lettres, il y avait peu de chances qu'il connût les Tusculanes.
Utilisateur anonyme
09 août 2011, 21:57   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Etes-vous sur qu'il n'a pas commencé à la mort de Clovis ?

Blague à part, je me souviens que Pagnol, dès avant la guerre de quatorze, nous décrivait le caractère très académique, très "mainstream", comme on dit maintenant.
Utilisateur anonyme
09 août 2011, 22:01   Re : "Le Nom de la rose" pour les nuls
(Message supprimé à la demande de son auteur)
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