Il y a à partir des années, disons 7O, la volonté de ne plus filmer le peuple en général mais seulement la partie huppée de celui-ci, toujours la même ou alors celle d'origine africaine. C'est ainsi que l'on a vu disparaître du cinéma français cette incroyable brochette d'acteurs populaires qui se distinguaient tous les uns des autres par leur originalité et souvent leur pittoresque. Où sont aujourd'hui, entre bien d’autres, les Jouvet, les Raimu, les Freyney, les Luguet, les Seigners, les Larquais, les Saturnin Fabre, les Noël Roquevert, les Michel Simon, les Bussières, les Gabin, les Blier, les Bourvil, les Ferandel, et même, quoi qu’on en pense, plus près de nous, les Belmondo avec leur gouaille, les Darry Cowl, les de Funès, les Villeret ? Chacun d'eux avait sa façon de jouer, souvent un peu théâtrale mais c'est ce qui en faisait le charme "décalé" comme on dirait aujourd'hui, son timbre de voix, son phrasé, sa gestuelle, et l'on retrouvait dans cette diversité, la diversité du peuple de France qui était tout sauf uniforme. Aujourd’hui, hormis rares exceptions, en voie d'ailleurs de disparition, tous les acteurs jouent de la même façon, parlent avec la même voix et les mêmes intonations. Soit ils incarnent des « bobos » , soit des personnages issus des quartiers « sensibulaires », tous plus stéréotypés les uns que les autres, non par la maladresse du réalisateur mais parce qu’ils apparaissent ainsi dans la réalité formatés qu’ils sont par le totalitarisme ambiant, islamiste pour les uns et petit-bourgeois pour les autres. L'uniformisation du cinéma est le reflet, paradoxal, de l'uniformisation d'une société qui se veut pourtant frénétiquement "diverse".